Patrick Castex (avatar)

Patrick Castex

Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

Abonné·e de Mediapart

158 Billets

0 Édition

Billet de blog 15 juin 2025

Patrick Castex (avatar)

Patrick Castex

Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

Abonné·e de Mediapart

Charlot Marx et Mickey Bakounine enquêtent sur les coLibs... ("Voyage" 8)

8 – Autour de "Mai 68" en France : retour de "conseillistes" particuliers, mais bien avant 68 et qui vont disparaître juste avant ou juste après le mouvement de Mai ; arrivée impromptue des maoïstes, mi-staliniens mi -"spontex" ; Business As Usual pour les autres, dont les anars, mais avec une petite percée des communistes libertaires...

Patrick Castex (avatar)

Patrick Castex

Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

Comprendre quel est l’état en France des rapports entre les cocos et les anars autour de Mai 68 n’est pas une mince affaire, se dirent nos deux larrons qui avait passé des jours à se renseigner en 1875 quand Lou allait « voir ses amies ». Car il faut remonter, comprirent-ils, à des mouvements nés après la victoire contre les nazis, mais qui n’ont que peu à voir avec cette victoire : le retour d’une mixture d’un petit poulin marxiste et d’une grosse alouette anarchiste : le conseillisme. Ils l’avaient déjà analysé avec la figure écrasante de Rosa Luxemburg, le second rôle George Lukáks et le figurant Anton Pannekoek ; il va réapparaitre très tôt avec d’abord le mouvement Socialisme ou Barbarie (dit SouB) dominé par Cornelius Castoriadis (qui a échangé avec Pannekoek, presque immortel) puis avec celui de l’Internationale Situationniste (l’IS ou les Situs) et son principal leader Guy Debord.

Il serait faux de prétendre que sans ces deux mouvements qui s’éteignent d’ailleurs officiellement (et curieusement) avant 1968 (pour SouB) ou juste après (pour les Situs) Mai 68 n’aurait pas eu lieu, car le mouvement fut international (toutefois particulièrement puissant en France) : la guerre du Vietnam et ladite Révolution culturelle chinoise ont aussi apporté leurs pavés à la tentative de démolition, avec l’émergence du maoïsme, un gros bourrin se prétendant marxiste et un petit merle moqueur jouant le spontanéisme ; presque libertaire.

Avec ça, on a presque fait le tour.

Le reste a continué à tourner plus ou moins en rond comme d’hab’ : en se dégradant avec le PCF de plus en plus révisionniste et de plus en plus minoritaire ; avec les trotskistes toujours déchirés en sectes et les anars toujours divisés en chapelles, avec cependant un point gagné péniblement depuis la fin de la guerre par les communistes libertaires de Daniel Guérin et ceux de l’UCL, Union Communiste Libertaire, pas encore coLibs à notre sens, râlèrent Mickey et Charlot, mais presque. « Pas la peine d’aller les rencontrer, ceux-là, car notre écrivain préféré, notre zozo, en a déjà causé pas mal »[1] .

Ils choisirent d’aller interroger « Casto » et Debord en juin puis les maos en 1969, en passant très rapidement par les anars de Nanterre, Daniel Cohn-Bendit, sans Jean-Pierre Duteuil.

...

Le néo-conseillisme, en fait éphémère, de Castoriadis, dit Casto

Ils le trouvèrent, en le branchant tour de suite, chez lui, seul devant la télé qui annonçait le résultat du second tour des législatives de fin juin 1968 : une écrasante majorité pour les gaullistes et assimilés, une chambre plus que bleu horizon, la fin catastrophique de Mai 68. Il était effondré ; « Vous avez choisi votre moment ! J’aurais préféré la nuit des barricades de la rue Gay-Lussac ; mais, je vous connais maintenant, grâce à votre Zweisteine : vous allez raconter ma vie avec Socialisme ou Barbarie, SouB comme on dit, et j’espère que votre visite va me consoler de cette fin peu glorieuse ». « C’est toi qui vas raconter cette vie, le recadra Mickey, mais on innove : tu vas en même temps écouter une émission de décembre 2022[2] que tu pourras ainsi critiquer ; on y entend aussi Daniel Cohn-Bendit, fidèle à lui-même (« Lui, il est toujours révolutionnaire, moi non… »).

« Il commence pas mal, ce Lebrun, avec mon amour de la démocratie ; mais il pourrait préciser tout de suite que ce n’est pas n’importe quelle démocratie ! On pourrait penser que je me contente de ses créateurs, les Grecs. Ta vidéo que j’écoute en même temps que je te parle, montre que "j’en avais" en Grèce, avant et pendant l’occupation allemande et pendant notre guerre civile ; je ne le dis pas comme ça dans la vidéo, mais tout le monde comprendra. Je quitte donc mon pays pour la France sur un bateau légendaire. Et il ne parle même pas du conseillisme, ce Lebrun ; tout est pourtant parti de là quand j’ai quitté d’abord les staliniens, puis les trotskistes en Grèce, et en France avec le Parti communiste internationaliste, le PCI de la IVe Internationale de ce pauvre Léon ; il y avait pire chez ceux qui l’admiraient. Et il aurait pu éviter, Lebrun, de raconter que je suis devenu en 1948, économiste à l’OCDE (qui d’ailleurs se nommait à l’époque, grave erreur, OECE[3]) jusqu’en 1970 : tout le monde va croire que je n’y ai pas fichu grand-chose ». « Il semble en effet que ça t’a laissé quelques loisirs… Mais tu as pas mal évolué, rétorqua Charlot, attends la fin de ta vie : tu n’as que 46 ans et, comme tu le sais aujourd’hui, tu ne vas t’éteindre qu’à l’âge de 75 ans ; et tu vas devenir psychanalyste, puis même lacanien, et tu vas te fâcher avec toutes ces tendances ; et tu vas continuer à alimenter le buzz chez les intellos ».

« C’est vrai, dès 1964 pour la psy. Pour le buzz, j’aime tout ce qui vibre. Revenons aux origines. En août 1946, sous le pseudonyme de Chaulieu, j’ai créé avec Montal, pseudo de Claude Lefort, une tendance minoritaire du PCI proche du communisme de conseils qui va s’appeler ?... Vous avez gagné : SouB ! Avec la revue du même nom ; N° 1 en 1949 ».

Mickey intervint : « Pas de doute, tu en avais, et aussi en 1956 avec ton  soutien à l’insurrection  conseilliste en  Hongrie  ;  et  tu  as  commencé  à  te  fâcher  en  1958  avec  Claude  Lefort et d’autres ». « Avec Lefort, ça avait commencé dès 1951 ; je dois t’avouer qu’une chatte ne retrouverait pas ses petits dans nos différents souvent violents[4] : en très gros on m’a accusé de vouloir un vrai parti (comme tous les conseillistes, dont Rosa ; en 1959, dans mon article Prolétariat et organisation j’affirmais qu’il n’y avait aucune fatalité bureaucratique dans un parti pensé comme celui des conseillistes) ; je les accusais en retour d’être trop anar en affirmant comme Lefort que "La vérité du parti ne peut remplacer l’expérience des masses", je leur reprochais de  vouloir seulement introduire du désordre dans le système (le "désordre nouveau") sans volonté de prendre le pouvoir. Lefort dira ainsi en 1988, je le sais grâce à Zweisteine, que Mai 68 a finalement été une "révolte réussie" ; j’ai toujours  pensé le contraire ».

« Mais tu remets ça en 1963, intervint Charlot, avec un autre compagnon de route, Jean-François Lyotard qui eut autour de Mai 68 un rôle de prof à Nanterre avec la bande à Dany le Rouge (qui en fait était alors Noir) puis passa à autre chose (le postmodernisme ; mais on sort du sujet…) ; tu aimes bien te fâcher… ». « Oui, ça m’est arrivé souvent. En 1964, j’ai tenu une conférence sur le thème Marxisme et théorie révolutionnaire, puis Qu’est-ce qu’être révolutionnaire aujourd’hui ?... ». « Bref, le coupa Charlot, tu en as fini avec le marxisme et tu passes à la psy et à ce que je considère comme un radotage de tes vielles thèses devenues bien mollassonnes ! Je dois t’avouer que ça me fous les boules, moi qui connais un peu Marx avant de me transformant en Charlot ; il ne va rester de toi que les mots autonomie-démocratie, couverts par le cache-sexe du mot révolutionnaire[5] ».

« C’est vrai, je suis passé à autre chose : bref, même le conseillisme, c’était en gros fini, j’en avais fait le tour ; et SouB se saborde, et j’y suis pour beaucoup, en 1967… Le reste est sans beaucoup d’intérêt pour votre enquête »[6].

On peut résumer sa pensée d’alors : « L’objectif de la politique n’est pas le bonheur, "affaire privée", mais la liberté ».

Allons voir Guy Debord, le fondateur français de ces fameux Situationnistes ; espérons que ce sera mieux… « C’est, d’après mes fiches, dit Mickey qui était en train de les réviser, d’abord un poète et cinéaste, mais il se prétend aussi révolutionnaire conseilliste français. Allons le voir juste après l’échec définitif de Mai 68, quand ils publient en septembre le dernier numéro de l’ IS ».

Un autre néo-néo-conseillisme : celui des Situs de Debord

Charlot commence, après l’avoir branché : « Tu es connu pour ton mouvement, mais surtout pour ton bouquin La Société du spectacle de 1967 et ton film[7] du même nom, bien plus tard en 1974. Il me semble que tu as eu une enfance familiale difficile, comme beaucoup, qui t’a peut-être rendu poète avant tout… ». « N’importe quoi ! Je vais vous raconter ma vie politique, pas ma vie privée ; c’est pour ça que vous êtes venus, non ? C’est vrai, j’ai toujours été poète mais surtout stratège et grand fondateur ; j’avais fondé en 1952, après ma rencontre avec Isidore Isou (qui le connaît encore ?) l’Internationale Lettriste, plus proche des anars ou des marxistes révolutionnaires que de la "créativité généralisée" d’Isou. Tout le monde raconte qu’à cette époque, j’ai écrit à la craie sur un mur de la Rue de Seine "Ne travaillez jamais". J’ai sabordé cette première Internationale pour donner le jour aux "Situs" en 1957… ». Vexé, Charlot l’interrompit : « Tes chevilles semblent se gonfler… Mais bien que tu aies dit, quand tu avais 20 ans, que "jamais… le champ de bataille n’avait été aussi vide", tu as ignoré SouB qui s’était déjà créé ; tu ne les as connu et peut-être rejoint qu’en 1959 ».

Debord ne répondit pas et continua avec sa voix un peu particulière[8] : « En 1957, je commence à comprendre la notion de "situation" qui donne son nom à mon mouvement ; j’ai ensuite été un peu aidé par le coco en rupture de ban Henri Lefebvre avec sa notion de "moment" (mais notion que j’ai largement dépassée avec celle de "situation" : l’espace domine le temps…). J’ai donc écrit en 1967, j’y ai mis le temps, La Société du spectacle, un livre très théorique, et je me demande si on m’a bien compris[9] ; bien sûr, je n’étais pas seul, mon second étant Raoul Vaneigem qui a sorti, aussi en 1967, un livre plus circonstanciel, Traité de savoir vivre à l’usage des jeunes générations. Parlons-en, de ces jeunes : en novembre 1966, juste après la rentrée universitaire, sort une brochure à la fac de Strasbourg, De la misère en milieu étudiant. C’est une petite bombe qui met à la mode les Situationnistes de Strasbourg ; ils feront des petits (les Enragés de René Riesel) à la fac de Nanterre et se fritteront avec le Mouvement du 22 mars des anars Daniel Cohn-Bendit, Jean-Pierre Duteuil et d’autres »

En septembre 1968 sort le dernier numéro de la revue IS, le numéro 12 : paradoxalement, un mouvement qui lui doit beaucoup a eu raison de lui ! Guy Debord continue, mais plus l’IS. Le reste ressemble à une longue errance ; il devient un proche de Gérard Lebovici qui financera trois films : l’adaptation de La Société du spectacle, et le troisième, plutôt tristoune ; on l’accusera même d’être à l’origine de son assassinat. Alcoolique à en crever, il se suicide en 1994.

Charlot et Mickey le laissèrent à ses errances pour aller interviewer Daniel Cohn-Bendit, mais sans Jean-Pierre Duteuil…

L’interview ultrarapide de Daniel Cohn-Bendit, grâce à Marie-France Pisier

Où peut-on le trouver, se demandèrent-ils, maintenant qu’il est viré de France ? « Fastoche ! s’exclama Mickey qui lisait les gazettes, il a un flirt avec une actrice ; si on la trouve, on le trouve ». Ils les trouvèrent facilement grâce aux dons fournis par Zweisteine, quelque part dans le sud près de la frontière italienne avant qu’ils ne partent en vacances en Sardaigne. Ils les prirent tôt le matin, au saut du lit ; évidemment, ils les branchèrent.

« Bonjour les deux tourtereaux, avança Mickey dans sa tenue habituelle, comme Charlot ; alors, on se repose des sauts sur les barricades de Paris ! ». L’effet de surprise fut évidemment complet, surtout pour Marie-France[10]  qui connaissait moins que Dany le look des deux compères. « Un vieux coco converti à l’anarchisme et un vieil anar converti au marxisme en une brillante synthèse dite coLib, en voilà une bonne surprise, rigola-t-il (il avait tout compris, rapide comme l’éclair, comme toujours) pour rendre visite à celui que l’on qualifie de Rouge alors qu’il est noir, va devenir vert (génial, le truc de Zweisteine !) pour tourner au libéral-libertaire avec un certain Macron et peut-être pire ! Mais maintenant que l’on sait, Marie-France et moi, que notre grand amour ne va pas durer longtemps, vos interviews habituelles, il va falloir faire fissa : on aime bien s’aimer au saut du lit ! Vos lecteurs pourront se renseigner sur Internet pour ce qui est de Mai 68 ».

« On va donc faire vite, se lança Mickey, le mouvement de Mai est parti en France[11] de celui du 22 mars à la nouvelle fac de Nanterre, mouvement qui devint une véritable légende alors que la presse l’avait, sur le moment, suivi de loin ; l’histoire des visites interdites des garçons chez les filles dans les résidences est peut être un point de départ, mais c’est plus le soutien aux Vietnamiens et le danger de l’extrême droite qui a mis le feu aux poudres ; il n’y avait pas que des anars à Nanterre, mais aussi des maos, trotskistes et Situs ; les plus médiatiques des anars étaient d’abord toi et Jean-Pierre Duteuil, de braves anars ordinaires de la vieille Fédération anarchiste, mais qui fondèrent ensuite le mouvement Noir et Rouge, une autre tentative de synthèse des anars et cocos, après que le vieux Maurice Joyeux, les eut exclus en 1967 en pondant L’hydre de Lerne, un pamphlet contre "la maladie infantile de l’anarchie", son sous-titre qui dénonce l’influence des idées marxistes et situationnistes au sein de la mouvance anarchiste et les "révolutionnaires de salon" ; toi, Dany, tu vas ensuite un peu fricoter en Allemagne avec des terroristes rouges un peu maos (tu le sais à cet instant, mais tu l’oublieras après notre départ, de même que ton futur coup de foudre pour Macron) quand Jean-Pierre Duteuil, celui que l’on présente toujours comme ton "Second couteau" à Nanterre restera communiste libertaire, et l’est encore en 1925. Toi, tu fus et sera peut-être encore le roi des saltos et contre-saltos ; Duteuil, dont on parla peu en 1968, tiendra toujours la même ligne politique ».

Dany ajouta, en s’approchant tendrement de Marie France : « Je vais un jour affirmer, en rigolant, votre Zweisteine vient de me l’indiquer (ça sera, sauf erreur, en 2022) et concernera Casto : "Lui, il est toujours révolutionnaire, moi non…") ; et vous ne m’avez pas loupé ! Zweisteine me conseille – il vient de me raconter la vie de mon ex-second couteau – d’en dire la même chose. Maintenant, la porte ! ».

Charlot ajouta seulement : « Ainsi Joyeux précéda Jacques Duclos et son bouquin Anarchistes d’hier et d’aujourd’hui : comment le gauchisme fait le jeu de la réaction, de début 1968. Ce révisionniste moderne, comme disait les maos, eut du nez te concernant »« Dehors ! » hurla Dany...

Et ils les laissèrent s’aimer toute la matinée. « Il ne nous reste plus que ces maos, justement, dit Mickey, dépêchons-nous, et on va retrouver Lou ! ».

Les maos autour de Mai 68 ; un arc très ouvert : des ultra-staliniens pur jus, jusqu’aux différentes boutiques de spontex ! Bref des avatars de coLibs à contre-emploi…

L’auteur de ce nouvel écrit s’y connait un peu : il fut mao avant, pendant et après Mai 68, mais pas longtemps ; dans son autobiographie, Mémoires capitales II, sous-titré Brève histoire du bon temps d’un maoïste amoureux (publié chez L’Harmattan en juillet 2022) il le raconte avec force détails[12] et n’a rien à rajouter à son expérience personnelle ; sauf peut-être quelques autocritiques mais pas le moindre regret. Pas grand-chose à rajouter d’ailleurs à cette Histoire éculée des maos en France, mais on en sait un peu plus qu’à l’époque, grâce à France Inter[13] ou d’autres[14].

La GRCP, la Grande Révolution Culturelle et Prolétarienne[15], de 1966 à 1976 (mort de Mao) n’était pas fondamentalement (mais un peu quand même…) un mouvement anti-bureaucratique, donc un peu libertaire, lancé certes par Mao, un mouvement révolutionnaire anti-révisionnisme moderne, contrairement à ce que croyaient la plupart des maos dont j’étais, avec les « gardes rouges » armés du Petit Livre rouge, remettant en cause toute hiérarchie (« On a toujours raison de se révolter ») notamment la hiérarchie du PC Chinois. C’était surtout, et bêtement, une lutte de cliques au pouvoir : Mao Tsé-toung (Mao Zedong) voulait virer Liou Chao-chi (Liu-Shaoqi) et les modérés qui critiquaient la catastrophe du Grand bond en avant et voulaient virer Mao et sa bande… Dès 1968, les excès des gardes rouges sont d’ailleurs réprimés par l’armée de Lin Piao (Lin Biao) qui voulut ensuite s’emparer du pouvoir mais fut contrecarré par Mao, s’enfuit en avion vers l’URSS mais s’écrase (manque de fioul ou abattu ?). Quel merdier politique, cette « Révo. cul. dans la Chine pop ».

Avec Deng Xiaoping, à partir de 1978, la Chine deviendra ce qu’elle est maintenant : un capitalisme d’État assez efficace (l’Industrie du monde) dirigé par un parti pseudo-communiste très agressif.

Qui va-t-on aller interviewer pour résumer le maoïsme en France ? Une seule adresse se dirent Charlot et Mickey : Etienne dit Tiennot Grumbach[16] ; ils le rencontrèrent dans une grande maison de maître en banlieue (dite par Wikipédia « une communauté de Mantes-la-Jolie pour militer aux portes de l’usine Renault de Flins ») et le branchèrent. C’était à la fin de sa vie, en 2013, grand saut de puce dans le temps admis cependant par Zweisteine. Tiennot fut très fier de cette rencontre qui tourna cependant au vinaigre.

« On connaît ta longue vie militante, d’assistant prof de fac et d’avocat, commença Charlot ; tu es sans doute l’un des militants les plus marqués par la biodiversité politique ». « Non, il y en a d’autres ; mon ami Roland Castro fut maoïste mais finit sur le tard au PCF ! Alain Geismar, mao qui dirigea avec Benny Lévy (ex-numéro 2 de l’UJCml ; [voir plus loin, PC]) la Gauche prolétarienne, la GP mao-spontex, finit au PS et dans les ministères de gauche ; Benny Levy finit secrétaire particulier de Jean-Paul Sartres et talmudiste en Israël. Ainsi va la vie ; il va de soi que mon oncle maternel Mendès-France fut pour beaucoup dans mon initiation ; le maoïsme n’est, pour moi, arrivé que sur le tard : j’avais déjà 27 alors que mon ami Robert Linhart, fondateur de l’UJCml, n’en avait que 22. Il me considérait comme un grand quand nous nous sommes établis[17] , comme tous les maos qui se respectaient, à l’usine Citroën de Javel, à Paris ».

« Mais tu me sembles cependant le champion de cette biodiversité politique, le corrigea Mickey, et tu attirais aussi du monde car ta grand-mère avec son petit pécule t’a permis d’ouvrir une petite librairie mao, rue Git-le cœur … ». « Vous n’êtes venus que pour me faire chier ou quoi ! Et , en termes de biodiversité, vous vous gardez bien de rappeler que j’ai milité à l’âge de 22 ans au Front universitaire antifasciste, le FUA, fondé en 1961, où l’on trouvait toute la gauche et les démocrates progressistes, y compris les chrétiens ; et à l’origine de ce FUA était Alain Krivine qui allait devenir trotskiste ! ».

« Pas du tout, on veut juste faire le tour de l’un des maos qui n’ont pas trop mal tourné : avoir des antécédents familiaux et un peu de sous n’est pas une honte, et ça t’as aidé, non ? ». « C’est vrai, vous avez raison, on me tournait peut-être autour par la notoriété de mon oncle et de mes sous ; je n’y ai jamais pensé. Mais surtout j’hésitais en 1969 entre les maos-spontex qui m’attiraient et essayaient malgré tout de se lier aux ouvriers (en particulier autour de l’usine Citroën alors encore au quai de Javel, dans le XVe arrondissement de Paris) et les anti-spontex du PCMLF et d’autres dissidents encore plus staliniens (mais au sens des maos) que Staline. Et j’ai préféré les spontex, les plus rigolos et les moins terroristes ! On peut résumer les maos en France entre ces deux extrêmes ; ça me paraît aussi simple que cela ».

« Tu veux dire, commenta Mickey, que le maoïsme chinois n’aurait jamais eu de succès s’il était resté simplement anti-révisionniste moderne et donc anti URSS rétablissant le capitalisme, sans cet aspect qui vous a tous trompé de pseudo-anar de la GRCP. Je vais même plus loin : sans le maoïsme, les communistes-libertaires se seraient probablement mieux développés en enfonçant un coin pour faire évoluer le marxisme en perte de vitesse grâce aux conseillistes de Soub et de l’IS ». « En fait, répondit Tiennot Grumbach, très énervé, c’est surtout mon métier d’avocat des ouvriers que j’ai aimé et que j’aime encore. Et vous allez déguerpir, par ce que je n’ai pas que ça à foutre, de tenter de vous expliquer le maoïsme de Mai 68 ! ».

Grumbach ne les mit pas dehors mais presque…

« C’est un peu court, jeune homme, pensèrent nos deux larrons, ce n’est pas chou blanc, mais pas loin ». « Et si on allait voir, proposa Charlot, les deux plus connus des chefs des Ulmards de l’ UJCml, l'Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes, "l'UJ" de Robert Linhart et Benny Lévy ? ». « Pas question pour moi, s’opposa vivement Mickey : on se contente de coller quelques liens et les lecteurs se débrouilleront ! »[18]. Mais on ne pouvait plus arrêter Mickey : « Linhart, un marxiste- léniniste d’abord dogmatique qui n’a rien compris au mouvement de Mai 68, le considérant comme contre-révolutionnaire[19] ! Et, après une dépression  d’enfer[20], il est passé au spontanéisme ; très peu pour moi ! Et il a essayé de se suicider en 1981 quand son maître Louis Althusser venait, dans un accès de folie, d’étrangler sa femme ; il en est resté mutique longtemps. Quant à cet autre fou de Benny Lévy, peut-être vexé de n’être que le numéro 2 de l’UJCml, il est devenu spontex en fondant, avec Geismar, la Gauche prolétarienne[21], avant de devenir un grand talmudiste en Israël et avoir convaincu Jean-Paul Sartre que tout ce qu’il avait écrit sur la Question juive était des âneries ! ». « Tu as raison, ce sont fondamentalement des dingues, admit Charlot, ce n’est pas politiquement correct de parler d’eux comme cela, mais, malheureusement, c’est ce qui semble surtout les caractériser… ». 

...

Dépités, nos deux larrons retournèrent en 1875. Ils étaient amers face à ce mouvement de Mai 68, surtout face à  ceux qu’ils avaient décidés de rencontrer : ces deux fou-fous pseudo-conseillistes de Casto et Debord ; Cohn-Bendit, paraissant peu sympathique, et en ratant son second couteau Duteuil ; ce m’as-tu-vu de Grumbach ; et singulièrement des deux cadors, bien fous ces deux-là, de l’UJCml.

Mais je suis, auteur de ce feuilleton uchronique, le seul responsable de ces choix ; il faudra que j’en parle à mon psy…

Notes

[1] Voir le feuilleton-tome 1. J’avais cependant zappé l’OCL, l’Organisation Communiste Libertaire dont Duteuil semble encore faire partie ; voir :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Organisation_communiste_libertaire

Et :

https://oclibertaire.lautre.net/

Je dois avouer que j’ai du mal à voir les différences. Ce mouvement est très post-soixante-huitard, né en 1976 « d’un changement d’appellation de l’Organisation révolutionnaire anarchiste (ORA) à son congrès d’Orléans ».

[2] Une sorte de nécrologie en 2022, pour le centenaire de la naissance de Casto, La démocratie, le plus beau des imaginaires. Il s’agit d’une émission de France Inter dans la série Intelligence service présentée par l’historien Jean Lebrun ; entendre :

Cornelius Castoriadis : la démocratie, le plus beau des imaginaires | France Inter

On peut aussi l’entendre et voir en même temps un portait de lui sur :

https://www.bing.com/videos/riverview/relatedvideo?q=castoriadis+et+le+conseilisme&qs=n&sp=-1&ghc=1&lq=0&pq=castoriadis+et+le+conseilisme&sc=0-29&sk=&cvid=586EC23E70DA421BAB7761205D458CBD&ghsh=0&ghacc=0&ghpl=&FPIG=AD7288206C93400F9AA67B0EC2E7D10C&first=101&ru=%2fsearch%3fq%3dcastoriadis%2bet%2ble%2bconseilisme%26qs%3dn%26sp%3d-1%26ghc%3d1%26lq%3d0%26pq%3dcastoriadis%2bet%2ble%2bconseilisme%26sc%3d0-29%26sk%3d%26cvid%3d586EC23E70DA421BAB7761205D458CBD%26ghsh%3d0%26ghacc%3d0%26ghpl%3d%26FPIG%3dAD7288206C93400F9AA67B0EC2E7D10C%26first%3d101%26FORM%3dPERE3&mmscn=vwrc&mid=07437E181B90D9E543EC07437E181B90D9E543EC&FORM=WRVORC

NB : Casto a dû s’arranger pour trouver un lien hypertexte aussi long pour interdire qu’avec un livre papier, on puisse l’entendre…

Sur ce site on trouve (c’est son principal intérêt) d’autres vidéo de Casto. On conseille au lecteur d’écouter l’émission et de lire en même temps ce qu’il raconte ici. On peut également consulter une biographie assez récente : François Dosse, Castoriadis : Une vie, 2018, lisible sur la Toile :

https://shs.cairn.info/castoriadis--9782707198723?lang=fr

Et on peut entendre Dosse dans une longue interview de 2020 :

https://www.bing.com/videos/riverview/relatedvideo?q=Marxisme+et+th%c3%a9orie+r%c3%a9volutionnaire+Castoriadis&mid=7BEE4132ABB6488975557BEE4132ABB648897555&FORM=VIRE

[3] L’Organisation européenne de coopération économique (OECE) fut fondée en 1948 pour répartir les crédits accordés par le plan Marshall, le fric américain pour consolider l’Europe de l’Ouest, mais aussi pour libéraliser les échanges commerciaux et financiers. Ce n’est qu’en 1961 qu’elle se transforme en Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) avec l’entrée du Canada et des États-Unis d’Amérique.

[4] On peut voir (mais la chatte cherche toujours) : Socialisme ou Barbarie aujourd’hui - Le désordre contre l’organisation : sur les divergences théoriques entre Lefort et Castoriadis à l’époque de Socialisme ou Barbarie, Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles, 2012, divers auteurs ; voir  :

Socialisme ou Barbarie aujourd’hui - Avant-propos. Castoriadis sur l’agora philosophique. L’influence de Socialisme ou Barbarie sur la pensée française de l’après-guerre - Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles

Pannekoek était plus méfiant que Rosa envers le parti ; Casto avance sur une ligne de crête en risquant de tomber d’un côté ou de l’autre : en gros le parti est un appui au soulèvement, mais la conscience révolutionnaire ne doit pas être introduite « du dehors ».

[5] Marx n’a pas tort, et cet abandon de fait du marxisme est l’abandon du conseillisme. Casto fut critiqué plus vivement bien plus tard ; par exemple par Yvon Bourdet, Marxisme et théorie révolutionnaire, lecture de Cardan, relecture de Castoriadis (1976) :

https://www.persee.fr/doc/autog_0338-7259_1976_num_33_1_1167

Il le fut également par Nicolas Poirier, Castoriadis et la critique du marxisme : le problème du retour à Marx (2006) :

https://books.openedition.org/pusl/657?lang=fr

[6] Casto va continuer à jouer le kéké et faire le buzz. À la fin des années 1970, il va critiquer les structuralistes tous azimuts (de Barthes, Foucault Deleuze et Guattari jusqu’à Althusser) ; il va atomiser, avec Pierre Vidal-Naquet et d’autres, Bernard-Henri Lévy pour de flagrantes erreurs factuelles dans son dernier opus Le Testament de Dieu qui cause de démocratie et d’Ancien testament ; et Casto n’y va pas de main morte : « Sous quelles conditions sociologiques et anthropologiques, dans un pays de vieille et grande culture, un "auteur" peut-il se permettre d’écrire n’importe quoi, la "critique" le porter aux nues, le public le suivre docilement – et ceux qui dévoilent l’imposture, sans nullement être réduits au silence ou emprisonnés, n’avoir aucun écho effectif ? […] Que cette camelote doive passer de mode, c’est certain : elle est, comme tous les produits contemporains, à obsolescence incorporée ».

[7] Film visible sur la Toile :

La Société du Spectacle (1974) - Vidéo Dailymotion

[8]  Sa voix qui n’est pas très éloignée de celle de Jean-Luc Godard ; pourtant, il le détestait. Le lecteur peut faire le test en les écoutant.

[9] C’est en effet un peu coton. On peut lire les IX chapitres et le 221 thèses de Debord :

https://monoskop.org/images/0/0d/Debord_Guy_Societe_du_spectacle_1967.pdf

L’article suivant envoie un peu de lumière :

La Société du spectacle (livre) — Wikipédia

Ce livre serait, selon cet article, « essentiellement une critique de la société de consommation » qui reprend (comme Lukács) la théorie de l’aliénation du Marx des Manuscrits de 1844 développée par la critique du fétichisme de la marchandise du Livre I du Capital, de 1867. La nouvelle marchandise aliénante serait alors ce spectacle, au sens premier du terme (du pain et des jeux des Romains aux loisirs généralisés et aux spectacle du Meilleur des mondes d’Aldous Huxley) ; le spectacle de la pub, des réseaux dit sociaux, surtout des images. Preuve en serait le clin d’œil de Debord à la phrase ouvrant Le Capital (« La richesse des sociétés dans lesquelles règne le mode de production capitaliste s’annonce comme une immense accumulation de marchandises ») par celle qui ouvre son livre (ou d’ailleurs l’expression mode de production capitaliste disparait, est-ce un signe subliminal ?) : « Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s’annonce comme une immense accumulation de spectacles » ; mais la phrase n’est pas finie : « … Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation ».      

Cependant, un philosophe va plus loin que cette interprétation, somme toute simple, et tente un essai audacieux, La philosophie de Guy Debord (Parole de philosophe, septembre 2023) ; voir :

https://www.bing.com/videos/riverview/relatedvideo?q=la+voix+de+guy+Debord&mid=v&FORM=VIRE

Selon lui, il ne faut pas faire le contre-sens selon lequel nous ne vivons qu’en regardant des spectacles, des divertissements (comme chez Huxley) ; contre sens, selon lui, en fait très courant (voir ce qui précède dans cette note…). C’est le capitalisme lui-même qui devient le vrai régime politique, le régime politique apparent où se déroule ce spectacle (qu’il soit démocratique ou dictatorial, qu’importe ; quoique…) n’étant qu’un paravent qui le cache,  défini par Debord : « Le spectacle moderne c’est le règne autocratique de l’économie marchande ayant accédé à un statut de souveraineté irresponsable ». On peut peut-être mieux comprendre en résumant : nous ne sommes plus que des spectateurs d’un spectacle politique dérisoire ; même en allant à une manif, on se préoccupe simplement de savoir si son spectacle était grandiose (selon les organisateurs) ou dérisoire (selon la police).

Sauf que notre philosophe oublie la fin de la phrase de Debord qui n’est d’ailleurs employée que dans Commentaires sur la société du spectacle de 1988 : « … et l’ensemble des nouvelles techniques de gouvernement qui accompagnent ce règne ». Autrement dit, le politique et ses manigances existent toujours, et, derrière, des classes sociales dominantes, pas que des marchandises aliénantes !

Et cela me semblait exister aussi en 1848 en Europe, en 1871 à la Commune de Paris, en 1933 à Berlin, etc. Quoi de neuf en fait ? Bref, on n’est guère plus avancé…

[10] Cette actrice aida Dany à retourner en France, caché dans sa voiture, à la fin de Mai 68 alors qu’il y était interdit de séjour ; ils eurent une courte idylle.

[11] Le mouvement de Mai 68 fut mondial ; il fut important en Italie. Je conte ailleurs que j’avais passé mes vacances de Pâques en Italie où j’affirmais aux soixante-huitards transalpins que ça ne prendrait pas en France complètement dépolitisée… En maoïste peu éclairé que j’étais, je trouvais le Mouvement du 22 mars très « petit-bourgeois »

[12] Le titre peut paraître bizarre, et il l’est : il se veut un remake, une sorte de tome II, du livre de Groucho Marx, dont la traduction française est Mémoires capitales et l’original Groucho and me, de 1959. Groucho eut des ennuis avec le FBI pour ses sympathies communistes en pleine chasse aux sorcières ; ce qui peut expliquer le titre français ; et on peut ranger la blague à deux balles "marxiste tendance Groucho", car il était bien de gauche radicale en effet, mais plutôt tendance anar.

[13] La série en trois 3 épisodes sur l’Histoire des maos (France Inter, décembre 2023) n’est pas inintéressante, mais me semble bien bobo : si la plupart des chefs maos était en effet des bobos des Grandes écoles, il y avait quelques militants de base des classes dites populaires, même s’ils étaient quelquefois passés par les classes prépas ; voir, entendre plutôt :

Le maoïsme en France, les enfants de la guerre se cherchent une révolution : épisode 1/3 du podcast Le maoïsme à la française | France Inter

Il y a quelques coquilles et/ou erreurs dans le premier couplet : Alain Geismar patron de l’UNEF –  c’était Jacques Sauvageot : Geismar était prof en fac et syndicaliste au SNESup ; l’UJCml (l’Union des Jeunesses communistes marxistes-léninistes, qui siégeait à Normal Sup de la rue d’Ulm n’était pas du tout, au départ, spontex : c’est venu après juin. En revanche l’idée selon laquelle le terrorisme gauchiste qui s’est développé en Allemagne, en Italie et au Japon, correspondrait à une culpabilité que l’on ne trouve pas, par exemple, en France (mais ce fut tout juste…) est intéressante. Au contraire, les babyboomers français de Mai étaient plutôt fiers de tous leurs parents, tous résistants comme chacun sait… Voir aussi, donc :

Le maoïsme en France, l’illusion collective : épisode 2/3 du podcast Le maoïsme à la française | France Inter

Tout est dans le sous-titre : illusion en effet. Et :

Le maoïsme en France, comment en sortir ? : épisode 3/3 du podcast Le maoïsme à la française | France Inter

On retiendra surtout la création du journal Libération, grâce à Sartre : tout ça pour ça !

[14] Voir de près ce que nous racontaient en 2016 quelques maos :

50 ans de Révolution culturelle : les ex-"maos" français" - Asialyst

[15] Voir :

Révolution culturelle — Wikipédia

[16] La meilleure biographie et la plus complète d’Etienne Grumbach est celle de Maitron, première édition de 2017 :

GRUMBACH Étienne dit Tiennot - Maitron

Voir aussi :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Tiennot_Grumbach

Wikipédia précise qu’il « entame en 2011 une collaboration régulière dans le journal L’Humanité, y publiant chaque lundi une chronique ».

C’est le seul chef mao que j’ai bien connu et avec qui j’ai milité, et assez longtemps : une grande gueule sympathique, intelligent et qu’il le savait, certes très m’as-tu-vu. Et avec un parcours politique long comme un bras : militant radical socialiste (comme son oncle Pierre Mendès-France) de 1955 à 1958 ; PSA (1959) ; PSU (1960-1962) ; Pied-rouge en Algérie, mais après l’indépendance (1962-1964) ; UEC (1965-1966) ; UJCml (1966-1968, un « Ulmard d’honneur » alors qu’il était l’un des seuls fondateurs du mouvement à n’être pas de la rue d’Ulm…) ; presque adhérent au PCLMF (Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France, très anti-spontex vers 1969) ; VLR (Vive la Révolution, maoïste-spontex, « bolchevo rigolarde » ou  « mao libertaire », avec Roland Castro, 1969-1971) ; avocat engagé auprès des ouvriers, en particulier avec la CFDT ; enfin  retour au PCF (personne nest parfait...) mais sur le tard…

[17] S’établir, c’était aller travailler en usine, pour voir, comprendre et conscientiser le prolétariat. Tous les maos n’y allèrent pas. Certains, dont votre serviteur, par origine familiale, connaissaient bien le prolétariat, et qui avaient souvent travaillé quelques mois en usine, avant 68, l’été, pour gagner des sous, durent s’expliquer devant des Ulmards plutôt bobos… Grumbach et Linhart n’y restèrent que quelques mois, avant de se faire virer ; d’autres (et de mes copains) ont tenu le coup plus longtemps, certains d’entre eux ont tenu des années avant de craquer. 

[18] Voilà qui est fait. Pour Linhart, voir l’article de Wikipédia, très sec :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Linhart

et celui du Maitron, détaillé et chaleureux :

https://maitron.fr/linhart-robert-martin-version-longue/

Les vidéos de Linhart sont rares; on peut regarder Robert parle, de 2019 (puis la seconde partie) où son ex femme Nicole parle aussi de lui :

Robert parle (1) : Itinéraire d'un maoïste - YouTube

Il est hésitant, baisse souvent la tête, regarde rarement la caméra, quand on voit ses yeux, verts semble-t-il, il en ressort comme une malice mais surtout une certaine tristesse ; il y habille Benny Lévy pour l’hiver... Enfin il reste, lui mao, et affirme croire encore à la Chine communiste.

Pour Benny Lévy, voir  l’article de Wikipédia :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Benny_L%C3%A9vy

Rien le concernant chez Maitron… mais on peut le voir et l’entendre sur de nombreuses vidéos : désopilant… Par exemple, sans doute la plus claire de sa pensée apparemment torturée, son interview par Thierry Ardisson  (peut-être en 2016) ; il ne croit plus du tout au militantisme, complètement vain pour lui, et ne se raccroche qu’au messianisme juif, fasciné par le philosophe Emmanuel Levinas ; voir et entendre :

https://www.bing.com/videos/riverview/relatedvideo?q=Benny+Levy+chez+Ardisson&mid=2D64F46D7FBFC8A2D2A52D64F46D7FBFC8A2D2A5&FORM=VIRE

Vidéo plus mystérieuse et qui laisse pantois... :

Entretien avec Benny Lévy 1997 - YouTube

[19] L’article du Maitron nous apprend : « Quand éclata le printemps révolutionnaire de 1968, "dans l’effervescence althussérienne de la rue d’Ulm, ou, tandis que flambent les barricades, l’UJCml autour de son prestigieux leader, R. Linhart, aveugles aux événements qui contredisent sa théorie" (Prost, p. 96), exprima une profonde défiance pour les manifestations qui se déroulaient au Quartier latin. Il y vit un "complot social- démocrate". Interdiction fut faite par l’UJCml, elle-même à ses propres militants de participer aux manifestations ». Et une grande gueule maoïste dans ladite grande école ou j’étudiais nous informa, le soir du 3 mai (la manif spontanée et première journée de barricades) que « "l’UJ" considérait qu’il s’agissait de l’un des plus grands mouvements contre-révolutionaires depuis longtemps ». Je n’étais évidemment pas  allé à cette manif : c’était ces "petits-bourgeois" du Mouvement du 22 mars qui manifestaient à la Sorbonne pour soutenir Cohn-Bendit ; une connerie de la police fut ainsi l’étincelle qui embrasa un temps Paris et quelques villes de province. On peut, par un fash back sur cette journée, tout comprendre ; voir :

https://www.herodote.net/3_mai_1968-evenement-19680503.php

[20] Wikipédia indique : « Le 10 mai 1968, victime de problèmes psychiques alors que Mai 68 bat son plein, il entre en "cure de sommeil" : après s'être rendu de nuit au siège du PCF pour s’entretenir avec Waldeck Rochet, le secrétaire général de l’époque, il a tenté d’expliquer à l’ambassade de Chine populaire que Mao Zedong avait tort de soutenir les évènements de Mai ». Le Maitron écrit la même chose, mais sans les détails croustillants : « Le 10 mai, R. Linhart victime d’importants troubles psychiques fut interné et plongé dans une "cure de sommeil" pour plusieurs semaines. Au même moment, son maître L. Althusser était également interné ».

[21] Le Maitron concernant Linhart précise : « Après l’été 1968, le rival de R. Linhart prit l’initiative et accusa publiquement l’ancien leader d’aveuglement politique. [...] Alors que l’UJCml se brisait en plusieurs morceaux, Benny Lévy, sous le pseudonyme de Pierre Victor, non dénué de charisme lui aussi, prôna avec succès la fondation d’une nouvelle organisation, la Gauche prolétarienne (GP). Elle vit le jour en octobre et s’auto dissout cinq ans plus tard, à l’automne 1973. Ceux des anciens militants de l’UJ qui ne se tournèrent pas résolument vers la psychanalyse lacanienne ou qui ne participèrent pas à la fondation de la GP, adhérèrent au PCMLF, l’autre pôle "marxiste-léniniste", né en décembre 1967 du Mouvement Communiste de France, une scission du PCF au milieu des années 1960. D’autres encore rejoignirent des militants du Mouvement du 22 mars de Nanterre pour fonder Vive le Communiste mouvement qui deviendra Vive La Révolution en juillet 1969. Pour sa part, R. Linhart fut de l’expérience de la GP, et à peine fut-elle créée, qu’il s’établit quelques mois ».

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.