* Avec le mot machiavélisme, on comprend mieux[1]…
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La victoire du RN aux Européennes a été surjouée, en particulier par le joueur Macron : les sondages, pour une fois, étaient bien dans les clous ; et le résultat final était même en deçà des prévisions (dont certaines égalaient les 33 % d’Adolf Hitler quelques mois avant les 30 % qui l’ont amené à la Chancellerie). Elle a également été surjouée par une gauche désunie adepte des noms d’oiseau envers ses partenaires considérés comme des adversaires avant de retrouver enfin la fin du classe contre classe que Dimitrov avait, avant 1936 (et après avoir difficilement convaincu Staline et le Komintern) qui permit le Front populaire de Léon Blum. Surjoué enfin ledit chaos économique annoncé par la plupart des économistes du courant libéral, ultra-libéral ou social-libéral : voir par exemple sur la Toile la une de la presse au matin du 18 juin ; on fête de Gaulle comme on peut.
Pour Yaël Braun-Pivet, l’ex de la présidence de l’Assemblée nationale qui n’a pas apprécié sa dissolution, le RN et le Nouveau Front populaire « promettent la lune aux Français ». C’est vrai pour le Front Pop (et ça pose donc question ; voir le titre de ce billet) ; c’est faux pour le RN qui, pour le pouvoir d’achat, propose la baisse de quelques prix et la réduction de la TVA, mais pas 10 % d’augmentation du SMIC ni d’indexation de tous les salaires sur les prix, sans parler de la non-référence à l’abolition de la réforme des retraites (mais tout est possible pour gagner avec le RN[2]). Et, pour le Front pop, la pleine lune n’apparaîtra vraiment que s’il obtient la majorité absolue ; sinon rien ! Pas la peine de faire un dessin ! On le dit peu et même pas du tout ; et c’est donc le véritable problème : pour refaire le coup du Front populaire 1936 de Léon Blum (qui ne promettait pas la pleine lune) mais réussit (un temps) par son antifascisme, à obtenir la majorité absolue, ce n’est pas encore gagné.
Quid de sondages (en gros à la même date) très contradictoires ? « Coude à coude » RN Front Pop selon certains[3] ; très large avance du RN pour d’autres[4]. On peut espérer que la dynamique contre le danger de l’extrême-droite donne un avantage au Front Pop, car la principale préoccupation des futurs électeurs (hormis, pour certains, l’antifascisme) semble toujours être le pouvoir d’achat ; mais, j’insiste, sans majorité absolue le programme ne pourra jamais être réalisé, où l’on m’explique comment.
Que faire ? Comme aurait dit quelqu’un que Philippe Poutou[5] n’aime guère. Évidemment, la presse majoritaire n’est pas emballée par le Front pop (c’est le moins que l’on puisse dire…) ; elle radote sur toutes les différences (évidentes) au sein de la gauche et insiste (en espérant les transformer en failles) surtout sur chacune des fissures réelles ou possibles annoncées à chaque minute : elles sont mises en avant avec gourmandise. Pas simplement, avec le patronat, des coups sur le chaos économique annoncé[6] : mais aussi, entre autres, un coup sur le retour du comique Hollande ; un coup sur l’antisionisme, évidemment cache-sexe de l’antisémitisme, attribué sans nuance à certains propos de LFI ou de quelques candidats gauchistes maintenant soutenus par la coalition de gauche.
Jusqu’à aujourd’hui, les réponses des tenants du Front pop ne sont pas mauvaises[7] concernant la politique économique et la volonté de réduire les inégalités croissantes ; mais elles pourraient s’améliorer pour convaincre (ce qu’a su faire François Ruffin depuis 2017) une partie des électeurs RN de sa circonscription que le programme du RN était parfaitement antisocial et pas seulement xénophobe et raciste. Et il a réussi dans un petit coin de Picardie où le RN tient pourtant le haut du pavé : la seule solution pour généraliser cette stratégie à la France entière ; sinon rien, je le répète.
Macron feint de ne pas comprendre qu’un retour de sa majorité, fût-elle encore relative mais soutenue par les LR ne voulant pas s’accoquiner avec le RN, serait de l’ordre du miracle. Son éventuel machiavélisme n’est évoqué que contre le RN qui ne tiendrait pas la route en dirigeant le gouvernement ; sans doute. Mais il n’est pas assez sot pour ne pas penser à la possibilité d’une majorité relative de gauche à l’Assemblée nationale ! Rêve-t-il, si ce scenario apparaît, à soutenir cette majorité relative (qui éclatera vite dans ce cas en repoussant LFI dans l’opposition) pour se refaire une virginité politique par un virage de bord contre des vents contraires ? Il resterait ainsi dans l’Histoire, avec son « En même temps ». Ce n’est pas, de ma part[8], un rêve ou un vœu pieux pour lui permettre de sauver sa petite incursion dans l’histoire politique ; c’est juste une possibilité politique, peu probable pais pas impossible.
Que faire donc ?
Quand on lance, pour railler le programme économique du Front pop, l’aggravation de la dette publique, le mur des marchés financiers et autres dangers économiques cependant bien réels (Alain Minc s’y attelle ; et de façon pas inintelligente) on doit leur répondre tout de go que l’accroissement des dépenses publiques sera couverte par l’augmentation des impôts sur les riches (plus de 90% des ménages devraient voir leur impôt sur le revenu[9] baisser par l’augmentation du nombre de tranches d’imposition). Point : pas besoin de nouvelle dette ; et cette politique fiscale n’aura que peu d’incidence sur son niveau actuel[10].
Bien sûr, l’économie française sera choquée, comme en 1981 avec le premier gouvernement de Mitterrand puis le choix du retour à la rigueur ou à l’austérité en 1983 promue par Delors pour éviter la sortie de l’Europe. Mais pas de danger fasciste il y plus de 40 ans ; et les critères de Maastricht (dont les fameux 3 % de déficit budgétaire ramené au PIB à ne pas dépasser) ont depuis belle lurette pris du plomb dans l’aile[11]. Avec la guerre en Ukraine, sans parler de la Chine et du Moyen-Orient (et en oubliant le danger d’une troisième guerre mondiale avec champignons atomiques) les politiques de rigueurs peuvent faire sourire.
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La seule solution, au moins provisoire[12], est ainsi une majorité absolue à l’Assemblée nationale une semaine avant de fêter la Révolution française du 14 juillet 1789.
On peut être contre l’Union Européenne du capital et pour une Europe socialiste des travailleuses et travailleurs ; ce fut toujours une lubie, maintenant c’est le moment ou jamais.
Notes
[1] Voir :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Machiav%C3%A9lisme
[2] Mais (voir le billet précédent) les LR de Ciotti mettront sans doute un holà aux velléités nationales et surtout socialistes du RN…
[3] « Élections législatives 2024 : Le RN au coude à coude avec le Nouveau Front populaire, la majorité présidentielle en chute libre… Ce que révèle un nouveau sondage » du journal du Midi, L’Indépendant ; voir :
29,5 % pour le RN, 28,5 %pour le Front Pop, 18 % pour Macron au premier tour.
[4] « Législatives 2024 : les premiers sondages sont tombés et ils sont sans appel » ; voir :
Respectivement 33 %, 25 % et 20 %...
[5] Rappelons qu’il y a maintenant deux NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste) ; ce que la presse oublie souvent en fustigeant l’apparition du NPA aux côtés du Front Pop ; ils sont vachement désinformés ces journalistes, ou malhonnêtes. Aux Européennes, c’est le NPA révolutionnaire qui s’est présenté, pas celui de Poutou et Besancenot qui a botté en touche ; le NPA dit révolutionnaire n’a pas de mots assez durs contre l’expérience de Léon Blum et fustige le Nouveau Front pop ; par exemple :
https://npa-revolutionnaires.org/front-populaire-vous-avez-dit-rupture/
[6] Bruno Lemaire (c’était attendu ; mais il a mis le temps à réfléchir) n’y est pas allé de main morte le samedi 15 juin : c’est « un délire total », « C’est 1981 puissance dix » ; il a brandi le spectre du « retour du chômage de masse », du « déclassement » et de la « sortie de l’Europe ». « Attendez-vous au pire ! »… Voir :
Il a remis le couvert le jour d’après : « Augmenter brutalement le Smic de 200 euros "serait une catastrophe" et "ça me fait mal au cœur d'entendre ça" » ; voir :
Et il fut pour une fois très pédagogue pour se faire comprendre du peuple : le chômage de masse serait immédiat, car les petits entrepreneurs vont être contraints de licencier tout de suite leurs salariés, ce qui signifie fermer boutique ; et, bien sûr, ils ne vont pas peser cette conséquence de leur acte. Le Maire les prend pour des cons !
[7] Voir par exemple la récente interview un brin agressive de Manuel Bompard sur BFM ; voir :
Bompard, avec toujours son look du gendre pas idéal, était moins à l’aise (mais les assumait) sur les conneries de son parti : l’éviction des listes Front Pop de LFI des opposants à Mélenchon (et à lui-même).
[8] Tout le monde se fiche comme d’une guigne de ce que je peux raconter ; d’autant plus que mes lecteurs doivent se compter sur les doigts d’une main (comme c’est le cas de beaucoup de scribouillards sur Le Club de Médiapart…).
[9] Rappelons que la principale part des impôts totaux revient à la TVA et autres impôts non progressifs, donc injustes. Á cet égard, le RN apparaît donc progressite... Mais ça mange moins de pain pour les patrons que la forte hausse du Smic...
Agrandissement : Illustration 1
[10] Sauf augmentation éventuelle des taux d’intérêt des emprunts nouveaux remplaçant les anciens : la dette publique tourne.
[11] Avec la politique actuelle de Le Maire, ces 3 % ne sont déjà pas sûrs en 2027…
[12] Je dois vieillir : il fut un temps ou Seule solution rimait avec Révolution ; mais j’ai ajouté provisoire… J’ai failli être un bon ruffiniste, je l’ai même soutenu (avec les copains de la chorale militante d’Abbeville - encore une pub gratuite…) et à Amiens lors de sa campagne de 2022. Son melon commençait à grossir, mais qu’importe. Je soutiens encore sa stratégie au sein du Front pop mais lui reproche (ainsi qu’au Programme du Front Pop...) ses hésitations à soutenir explicitement l’indépendance-association (pardon : la pleine souveraineté avec partenariat) de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Je sais, c’est l’une de mes fixettes ; j’ai informé son équipe de ma position : réponse rapide et polie selon laquelle la question devait être étudiée. L’étude n’a pas sans doute pas encore abouti…