Ce court billet tente d’expliquer tout ça.
Enfin, (ça avait mis le temps !) la presse locale commençait sérieusement à se poser des questions concernant la surprenante proposition de Moutchou ; d’abord NC 1ère tôt le matin du 19 novembre (précisant ainsi l’article encore flou du 15 novembre ; voir le billet précédent). On n’avait encore rien trouvé sur le sujet dans la presse de Métropole, et aucune nouvelle de LNC.
« En promettant une consultation citoyenne sur Bougival dès février 2026, avant même la révision constitutionnelle prévue, Naïma Moutchou a surpris, jusque dans les milieux juridiques. Plusieurs spécialistes estiment qu’aucun des mécanismes existants ne permet aujourd’hui d’organiser un tel scrutin, ni de reprendre le corps électoral gelé des référendums. [Je souligne, PC] ». Diable !
« L’État peut-il consulter les Calédoniens sur l’accord de Bougival, avant de modifier la Constitution ? NC la 1ère avait soulevé cette question de droit, au lendemain de la visite de la ministre des Outre-mer ». C’était discret…
Seul Nicolas Metzdorf, pour le moment, avait réagi, admettant même que le corps électoral serait « le même que celui des trois référendums », c’est-à-dire le corps électoral gelé. Malgré les longs développements de l’article, on restait sur sa faim, mais plutôt tenté de penser que c’était mission impossible (l’accord serait « sans fondement juridique à ce stade ») pour la concrétisation de la solution proposée par Moutchou.
La fin de l’article était : « NC la 1ère a sollicité le ministère des Outre-mer au lendemain de son annonce. Mais il n’a apporté, pour l’heure, aucune précision sur les contours juridiques de cette consultation citoyenne anticipée ». Ça interroge, non ?
En fin d’après-midi, du 19 novembre, on apprenait aussi, sans surprise, que l’UPM (l’Union progressiste en Mélanésie) partenaire du Palika, sortait à son tour du FLNKS le trouvant « largement radicalisé ».
Ce fut confirmé par LNC, beaucoup plus tard en soirée.
Mais LNC avait pratiqué l’abstention (à l’heure où je m’étais couché, de bonne heure) concernant l’incertitude juridique du référendum avancé proposé par Moutchou : sans doute que le quotidien numérique n’avait pas d’informations de première main.
Il est vrai, sauf erreur, que ce fut également silence radio toute la journée dans la presse métropolitaine et de la part de l’État. Mais avec le décalage horaire de près d’une demi-journée…
Curieux, non ?
Le JT de Caledonia du 19 évoqua en quelques minutes la sortie de l’UPM ; on apprenait de la bouche de Victor Tutugoro que la consultation citoyenne anticipée se ferait avec le corps électoral des référendums (donc gelé) ; une voix off notait, sans plus, que la mise en œuvre de ce référendum serait difficile. Le JT de NC 1ère insista en revanche, grâce à la présence de Coralie Cochin (autrice de l’article mentionné de NC 1ère) que la proposition de Moutchou interrogeait au niveau juridique : elle répéta presque mot pour mot ce qu’elle avait écrit le matin.
Tôt le matin du 20 novembre, toujours rien de nouveau, ni dans la presse de Métropole (la journée du 19 était pourtant terminée) ni dans celle du Caillou. Il a fallu attendre le milieu de la matinée en Calédonie pour que, presque simultanément, par deux articles de LNC puis de NC 1ère juste un peu plus tard, annoncent le report de la consultation citoyenne sur Bougival « probablement en mars » et quelques détails de plus, mais avec combien d’incertitudes !
Par ordre d’entrée en scène.
« Le corps électoral devrait, lui, resté gelé, correspondant à la liste spéciale fixée pour les trois référendums d’autodétermination. […] C’est ce qu’a annoncé, ce mercredi 19 novembre (dans la nuit de mercredi à jeudi en Nouvelle-Calédonie), Naïma Moutchou, interrogée sur le sujet en marge de son audition par la commission des lois du Sénat sur le budget 2026. […] … qui évoque au sujet de la base juridique de cette consultation, un "projet de loi ordinaire", avant de poursuivre les prochaines étapes institutionnelles à mettre en œuvre : "Le texte sera présenté en Conseil des ministres d’ici le mois de décembre si nous voulons tenir les délais. Et un examen au Sénat pourrait être envisagé début janvier. Tout cela reste encore à confirmer" ».
Au sujet de la question du corps électoral, selon Moutchou « question d’une grande sensibilité » (on le savait, et personne n’était dupe) l’État a mis un certain temps à lever l’ambiguïté !
Elle est « consciente que l’État doit veiller également à "éclairer" la population sur le contenu de ce projet d’accord, afin que "ce scrutin soit sincère". Dans ce contexte, la ministre avance l’élaboration d’un document, dans l’esprit de celui distribué aux Calédoniens sur les conséquences du Oui et du Non à l’accession à la pleine souveraineté, avant les trois consultations référendaires. "Cette idée est aujourd’hui sur la table. Je réfléchis encore à la meilleure manière dont on peut éclairer les Calédoniens au moment de leur vote, à l’architecture que ce document peut prendre. Mais c’est évidemment un sujet essentiel et nous y travaillons" ».
Si ce document est aussi partial que le premier, ça promet !
Juste après donc, l’article de NC 1ère, peut-être un peu plus précis.
« Une consultation "sur quelle base" ? […] Agnès Canayer [LR, ex-ministre déléguée chargée de la Famille et de la Petite enfance dans le gouvernement Barnier, PC] revient de suite sur les propos de Naïma Moutchou à NC la 1ère au dernier jour de sa visite en Calédonie. "Vous avez annoncé la mise en place d’une consultation citoyenne. Nous aurions aimé savoir sur quelle base juridique faut-il légiférer, ou quelle forme prendra cette consultation citoyenne, et surtout, sur la base de quel corps électoral ?" ». Réponse : « La consultation "nécessite, bien sûr, une base juridique. Ce sera un projet de loi ordinaire. [Je souligne, PC] Le texte sera présenté en Conseil des ministres d’ici le mois de décembre si nous voulons tenir les délais, et un examen au Sénat pourrait être envisagé début janvier". Aussitôt dit, aussitôt modéré : "Tout ça est encore à confirmer, prévient la ministre des Outre-mer. C’est un calendrier prévisionnel tout récent, qui nécessite encore probablement des ajustements." Quant au corps électoral, "c’est celui qui est prévu dans l'accord" de Bougival ».
« Mais quelle question sera posée aux Calédoniens ?, s’interroge la présidente de la commission, Muriel Jourda. [Elle aussi LR, PC] De quels éléments disposeront-ils pour se prononcer ? Naïma Moutchou dévoile là aussi une nouvelle piste. "Tout le monde est conscient que cette consultation va nécessiter d'éclairer ceux qui vont voter […] Si on veut un scrutin qui soit sincère et que les Calédoniens aillent voter en conscience, il faudra probablement éclairer un certain nombre de choix", conçoit-elle. […] La ministre des Outre-mer rappelle alors que pour les référendums d’autodétermination, un texte abordait les conséquences d’un Oui ou d’un Non. Diffuser un document avec quelques éléments, avant la consultation ? "C’est un peu cette idée qui est aujourd’hui sur la table. J’y réfléchis encore, à la meilleure manière dont on peut éclairer les Calédoniens au moment de leur vote, à l’architecture que ça peut prendre. Mais c’est évidemment un sujet essentiel et nous y travaillons" ».
On peut suivre soit la totalité de la vidéo (sur LNC) de la commission du Sénat (c’est barbant, avec un florilège de chiffres et de ratios avancé par Moutchou qui lit sa copie) soit des extraits (sur NC 1ère). Moutchou est aussi revenue sur le recul à l’Assemblée nationale du rabotage de la défisc, mais il faudra voir…
Un peu plus tard en milieu d’après-midi, LNC mentionnait le débat au Sénat en séance plénière.
« Le budget 2026 est arrivé mercredi 19 novembre au Sénat. Les parlementaires calédoniens s’inquiètent de l’absence d’aide exceptionnelle au profit du Caillou, qui en a désespérément besoin. "Nous n’avons pas prévu de vous laisser sans soutien", a promis Amélie de Montchalin, la ministre des Comptes publics, sans plus de précisions ».
Concernant la défisc (dont le rabotage fut donc suspendu à l’Assemblée) Moutchou a déclaré « "Nous avons besoin de temps pour bâtir une réforme qui soit sérieuse, qui soit équilibrée, adaptée aux réalités ultramarines, acceptée aussi", a-t-elle indiqué. Cela signifie qu’elle n’est pas complètement abandonnée. L’État compte bien travailler à la baisse des taux de défiscalisation dans les prochaines années. "L’objectif est d’atteindre un équilibre juste, permettre aux Outre-mer de contribuer à l’effort national, tout en préservant leurs intérêts essentiels, ce que je défends depuis le premier jour" ».
Le 20 novembre au milieu de l’après-midi, on apprenait que le gouvernement calédonien demandait de « suspendre le remboursement des prêts de l’État ». On sait que Moutchou avait déclaré y être peu favorable (c’est une litote).
« "La Calédonie n’a pas les moyens" […] C’est Christopher Gygès, membre du gouvernement en charge notamment de l’économie et du budget qui l’annonce. L'exécutif local a demandé à l’AFD, l’Agence française de développement la suspension temporaire de plusieurs prêts ».
Mais ce n’est pas tout : « La demande du gouvernement vise également à faciliter les discussions en cours sur la transformation d’une partie des prêts en subventions. "La seconde étape, c’est de s’adresser directement à l’État tous ensemble pour une transformation de ces prêts en subventions, au moins en partie, comme c’est prévu dans le cadre des travaux du pacte de refondation. Il y est bien précisé un ‘accompagnement réciproque’ c'est-à-dire que la Calédonie fait des efforts en termes de réformes mais il faut également que l’État puisse nous accompagner et pas par du prêt" explique Christopher Gygès ».
Sans transition : le journal loyaliste radical La dépêche.nc est ravi (article du 21 novembre au matin, fuseau horaire du Caillou) des nouvelles annonces de Moutchou.
https://ladepeche.nc/2025/11/21/consultation-bougival-letat-acte-le-report-et-resserre-lagenda/
« Dans un territoire encore secoué par les violences de 2024, l’État avance enfin ses pions. La consultation sur l’accord de Bougival ne sera plus un serpent de mer, mais un rendez-vous décisif ». […] La ministre rappelle que cinq forces politiques sur six, hormis le FLNKS, souhaitent pousser la mise en œuvre de l’accord. Ce n’est pas anodin : malgré les turbulences politiques locales, une majorité assume que l’avenir institutionnel passe par Bougival. Et dans un moment où la Nouvelle-Calédonie a plus que jamais besoin de stabilité, cette cohérence mérite d’être soulignée ».
Enfin, « Un État ferme sur la sécurité : pas de nouvelle prison, mais un plan réaliste. Face aux questions des sénateurs, Naïma Moutchou a également clarifié un sujet explosif : l’abandon du projet de nouvelle prison en Nouvelle-Calédonie. Elle l’assume… ».
La position de l’État reste donc floue sur de très nombreux sujets concernant le Caillou (mais pas que !) ; elle est aussi source des mêmes erreurs qui ont produit les effets que l’on connaît...
Le JT de Caledonia de ce jeudi était sans intérêt (du moins pour notre sujet) ; celui de NC 1ère ne parla que quelques minutes du flou évoqué plus haut quant à la nouvelle proposition de Moutchou, et le reste était aussi en dehors de notre sujet (le handicap ; le tabac ; etc.). C’est peut-être cela la goutte d’eau qui explique la décision de la fin de ce billet.
La presse de Métropole restait taiseuse sur le sujet le 21 novembre au matin, comme celle du Caillou.
Un nouvel article sur le sujet, publié par LNC en début d’après-midi du 21, apporte quelques précisions, mais sans plus.
Les réactions politiques locales rapportées par l’article sont diverses.
« Il n’existe aucune procédure légale permettant d’organiser" un tel vote, a affirmé le Mouvement nationaliste indépendantiste souverainiste (MNIS) » ; balayé par Moutchou : « un « projet de loi ordinaire » suffirait. Est-ce si sûr ? « La restriction du corps électoral pour une consultation qui n’a pas été envisagée par l’accord de Nouméa pourrait alors être jugée contraire à la Constitution. Par conséquent, certaines délégations ont exprimé leurs doutes, au lendemain de l’annonce de la ministre. "Avec quel corps électoral ?, s’est interrogé l’Éveil océanien dans un communiqué. L’assise juridique de cette proposition doit en effet être étayée par l’État" ».
« Quelle version de l’accord soumise au vote ? Le report des élections provinciales, définitivement validé par le Parlement le 30 octobre, doit "permettre la poursuite de la discussion en vue d’un accord consensuel sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie". Le retrait de la mention de Bougival, à l’initiative du Parti socialiste, vise à ramener le FLNKS à la table des discussions. Cela répond également aux demandes d’une partie des délégations politiques d’apporter des améliorations soient apportées au compromis, avant la tenue de la consultation de février. "Nous avons demandé que des éclairages supplémentaires soient apportés s’agissant de certaines dispositions de l’accord de Bougival" , a confirmé Charles Washetine, porte-parole du Palika, sur le plateau de NC La 1ère, évoquant notamment les mécanismes de transfert de compétences. Du côté de Calédonie ensemble, Philippe Gomès, convaincu qu’un accord ne peut pas se faire sans le FLNKS, soutient que la consultation anticipée devra se tenir "à la condition que certains compléments politiques soient intégrés au dit accord, et qu’ils fassent consensus avec" le Front de libération. Il s’agit, selon lui, de lever certaines ambiguïtés concernant "le transfert des compétences régaliennes, les modalités d’ouverture du corps électoral" ou encore "l’exercice du droit à l’autodétermination" ».
Or, Moutchou n’est pas du tout d’accord. Lors de son audition à la commission du Sénat, l’article indique : « "Ce qui a été convenu et ce sur quoi les forces politiques sont d’accord, hors FLNKS, c’est que l’accord de Bougival, tel qu’il a été publié au mois de juillet [Je souligne, PC], soit soumis directement aux Calédoniens". Selon elle, les améliorations au compromis devront être discutées "au moment de sa mise en œuvre", donc "après la consultation" ».
J’arrête donc là ce billet qui me lasse depuis un moment (et sans doute les éventuels lecteurs aussi…) ; je le reprendrai en cas de scoop ou quand le résultat des courses sera donné, et ça peut être dans longtemps…