Patrick Castex (avatar)

Patrick Castex

Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

Abonné·e de Mediapart

151 Billets

0 Édition

Billet de blog 25 janvier 2024

Patrick Castex (avatar)

Patrick Castex

Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

Abonné·e de Mediapart

Il avait fait un rêve, j’en ai fait deux : songes de l’indépendance de la Calédonie

En 1963, Martin Luther King dans son célèbre discours « I have a dream », rêvait d’une Amérique fraternelle. Comme beaucoup d’autres, et pas seulement les Kanak, mes deux rêves évoquent le songe de l’Indépendance-Association de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Mais pourquoi « deux » rêves ? Car il y eu aussi Charles de Gaulle qui transforma le rêve d’indépendance des Algériens en réalité…

Patrick Castex (avatar)

Patrick Castex

Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pour une fois, je ne vais pas bassiner le lecteur avec des tentatives de démonstrations… Ni avec la distinction entre rêve (Freud s’en est occupé) et songe (où l’on arrive presque à Dieu, avec les anges, les démons, les saints ou le diable, le Malin).

Le premier rêve (ou songe) est le suivant, prononcé place des Cocotiers de Nouméa, sans doute par un ange très ailé ; on l’appellera Philippe (peut-être l’un de ceux de la Bible qui eut des rapports avec un ange). Ici, n’y allons pas par quatre chemins, il s’agit de Philippe Gomès, un homme politique bien connu sur le Caillou, sans doute moins sur l’Hexagone – on ne dit plus Métropole qui résonne encore avec colonial. Gomès est un homme politique de Nouvelle-Calédonie, centriste, progressiste en matière économique et social, maintenant macroniste, mais qui a toujours réussi (cependant avec moult volte-face) à parler avec les indépendantistes ; et il continue dans la période actuelle, sans doute la plus compliquée de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, si l’on excepte celle de 1984 -1988 desdits « Événements » : une quasi-guerre civile. Politiquement, il fut toujours astucieux, malin : Loyaliste il a toujours refusé l’Indépendance-Association – pardon : la pleine souveraineté avec partenariat.  Pour les autres loyalistes, c’est un diable rouge ou noir, un Malin plutôt qu’un ange blanc.

Un prochain billet traitera de cette question politique : Gomès va-t-il franchir le Rubicon ? Ici, il ne le franchit qu'en songe...

...

« Je suis heureux de me joindre à vous aujourd’hui pour participer à ce que l’histoire appellera la plus grande démonstration pour la liberté dans les annales de notre Kanaky Nouvelle-Calédonie. Oui, je dis bien Kanaky Nouvelle-Calédonie : celle du destin commun enfin réalisé entre deux Peuples pour former une Nation.

En 1946, grâce à un grand Français qui nous couvre aujourd’hui de son ombre symbolique, était signée la fin de l’Indigénat, cet ignoble statut où les Kanak (comme, par exemple, en Algérie française) n’étaient que des sujets à statuts civil et pénal différents des citoyens. Ce décret capital se dresse, comme un grand phare illuminant d’espérance les milliers de Kanak indigènes marqués au feu d’une brûlante injustice. Ce décret est venu comme une aube joyeuse terminer la longue nuit de leur quasi-captivité.

Mais, aujourd’hui, le Kanak n’est toujours pas vraiment émancipé, sa vie est encore terriblement handicapée par les menottes du néocolonialisme et, pour beaucoup, les chaînes des inégalités sociales. La majorité des Kanak vit à l’écart sur son îlot de pauvreté au milieu d’un vaste océan de prospérité matérielle. Le Kanak languit encore dans les coins de la société calédonienne et se trouve exilé dans son propre pays.

C’est pourquoi nous sommes venus ici aujourd’hui dénoncer une condition humaine honteuse. […]

Il est évident aujourd’hui que la France a manqué à ses promesses à l’égard de ses citoyens de couleur ; car inutile de la cacher, ils sont bien noirs. Moi, je suis blanc ; mais on me taxe souvent de « diable noir » car je les respecte. […] Nous sommes également venus en ce lieu sacrifié pour rappeler à la France les exigeantes urgences de l’heure présente. […] Cet étouffant été du légitime mécontentement des Kanak ne se terminera pas sans qu’advienne un automne vivifiant de liberté et d’égalité. […] Il n’y aura ni repos ni tranquillité sur ce Caillou jusqu’à ce qu’on ait accordé au peuple Noir ses droits de citoyen, comme à tous les autres. Les tourbillons de la révolte ne cesseront d’ébranler les fondations de notre nation jusqu’à ce que le jour éclatant de la justice apparaisse : avec l'indépendance-association dont ils rêvent et que je finis (enfin!) à accepeter.

Mais il y a quelque chose que je dois dire à mon peuple, plus exactement à nos deux peuples, debout près de la statue érigée récemment de la poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou : en procédant à la conquête de notre place légitime, nous ne devons pas nous rendre coupables d’agissements répréhensibles.

Ne cherchons pas à satisfaire notre soif de liberté en buvant à la coupe de l’amertume et de la haine. Nous devons toujours mener notre lutte sur les hauts plateaux de la dignité et de la discipline. Nous ne devons pas laisser nos revendications créatrices dégénérer en violence physique. Sans cesse, nous devons nous élever jusqu’aux hauteurs majestueuses où la force de l’âme s’unit à la force physique.

Le merveilleux esprit militant qui a saisi la communauté Kanak ne doit pas nous entraîner vers la méfiance de tous les Blancs, car beaucoup de nos frères blancs, leur présence ici aujourd’hui place des Cocotiers en est la preuve, ont compris que leur destinée est liée à la nôtre. L’assaut que nous avons monté ensemble pour emporter les remparts de l’injustice doit être mené par une armée bi-raciale. Nous ne pouvons marcher tout seul au combat. Et au cours de notre progression il faut nous engager à continuer d’aller de l’avant ensemble. Nous ne pouvons pas revenir en arrière ; nous devons assumer notre Destin commun. […]

Nous ne pourrons être satisfaits aussi longtemps que la liberté de mouvement du Kanak ne lui permettra guère que d’aller d’une petite tribu à un ghetto plus grand à Nouméa. Nous ne pourrons être satisfaits aussi longtemps que nos enfants, même devenus grands, ne seront pas traités en adultes et verront leur dignité bafouée par les panneaux, ici non écrits, mais pourtant bien réels en matière d’éducation secondaire et universitaire : “ Réservé , de fait, aux Européens ”. Nous ne pourrons être satisfaits aussi longtemps qu’un Kanak de Brousse se demandera pour qui voter et qu’un Kanak de Nouméa croira qu’il n’a aucune raison de voter. Non, nous ne sommes pas satisfaits et ne le serons jamais, tant que le droit ne jaillira pas comme l’eau, et la justice comme un torrent intarissable. […]

Je vous le dis ici et maintenant, mes amis, bien que, oui, bien que nous ayons à faire face à des difficultés aujourd’hui et demain, je fais toujours ce rêve : c’est un rêve profondément ancré dans l’idéal de cette Terre. Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : “ Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux ”.

Je rêve qu’un jour sur les collines rousses de La Foa, Moindou ou Bourail, les fils d’anciens indigènes et ceux d’anciens propriétaires fonciers qui leur ont subtilisé leurs terres pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité. […]

Je rêve que mes quatre petits-enfants vivront un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés sur la couleur de leur peau, mais sur la valeur de leur caractère. Je fais aujourd’hui un rêve ! »[1].

...

Le second rêve est encore plus fou, beaucoup plus fou; même si le premier l'est déja...

Macron revenant à Nouméa début 2024 et prononçant le discours suivant place des Cocotiers, encore plus prêt des statues de Lafleur et Tjibaou, avec à sa droite son nouveau dircab Patrice Faure (qui géra moult problèmes, en tant que Haussaire, sur le Caillou) et à sa gauche le président indépendantiste du gouvernement de la Calédonie : Louis Mapou, tout sourire.

« Je vous ai enfin compris ! Je sais ce qui s’est passé sur ce Caillou depuis des décennies. Je vois que la route que vous avez ouverte, c’est celle du Destin commun et du Vivre ensemble. Je dis le Vivre ensemble à tous égards. Mais très justement vous avez voulu que celle-ci commence par le commencement, c’est-à-dire par nos institutions, et c’est pourquoi me voilà. Et je dis le Destin commun parce que vous offrez ce spectacle magnifique d’hommes qui, d’un bout à l’autre du Caillou, quelles que soient leurs communautés, communient dans la même ardeur et se tiennent par la main. Eh bien ! de tout cela, je prends acte au nom de la France et je déclare, qu’à partir d’aujourd’hui, la France considère qu’il n’y a qu’une seule catégorie d’habitants : il n’y a que des Calédoniens à part entière, des Caldoches, des Kanak, des Wallisiens-futuniens et autres Communautés à part entière, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs dans une nouvelle Nation. Cela signifie qu’il faut ouvrir des voies qui, jusqu’à présent, étaient fermées devant beaucoup. Cela signifie qu’il faut donner les moyens de vivre à ceux qui ne les avaient pas. Cela signifie qu’il faut reconnaître la dignité de ceux à qui on la contestait. Cela veut dire qu’il faut assurer une patrie à ceux qui pouvaient douter d’en avoir une. Calédoniens à part entière, Kanak et Victimes de l’histoire, dans un seul et même collège ! Nous allons le montrer, pas plus tard que dans trois mois, dans l’occasion solennelle où tous les Calédoniens, y compris la moitié des 270 000 habitants de Caillou auront à décider de leur propre destin dans un dernier référendum d’autodétermination. Et là, pas de boycott. Pour cette moitié, leurs suffrages compteront autant que les suffrages de tous les autres. Ils auront à se prononcer sur la pleine souveraineté en partenariat avec la France et à désigner, à élire, je le répète, en un seul collège, leurs représentants pour les pouvoirs publics, comme le feront tous les autres. Avec ces représentants élus, nous verrons comment faire le reste ; sans doute un nouveau référendum de projet comme Sébastien Lecornu l’avait suggéré mais qui fut abandonné. Ah ! Puissent-ils participer en masse à cette immense démonstration, tous ceux de vos villes, de vos tribus, de vos brousses, de vos montagnes ! Puissent-ils même y participer, ceux-là qui, par désespoir, ont cru devoir mener sur ce sol un combat dont je reconnais, moi, qu’il est courageux, car le courage ne manque pas sur la terre de Kanaky Nouvelle-Calédonie, qu’il est courageux mais qu’il nen est pas moins cruel et fratricide ! Moi, Macron, à ceux-là, j’ouvre les portes de la réconciliation. Jamais plus qu’ici et jamais plus que ce soir, je n’ai compris combien c’est beau, combien c’est grand, combien c’est généreux, la France ! Vive la Kanaky Nouvelle-Calédonie ! Vive la République ! Vive la France ! ».

Toute analogie avec le discours de de Gaulle à Alger en 1958 serait évidemment fortuite[2].

...

J’ai bien un autre rêve, éveillé celui-là : celui du parti Calédonie ensemble qui se résoudrait enfin à accepter l’indépendance-association de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Ce sera pour une autre fois ; mais le passage du Rubicon, tant de fois refusé, rendrait possible ce rêve éveillé, tant les divergences avec les autres loyalistes, radicaux fanatique de la Calédonie française s’exacerbent de plus en plus après les incertitudes et la quasi-rupture du dialogue entre l’État, les loyalistes et les indépendantistes depuis le troisième référendum politiquement illégitime du 12 décembre 2021.

Notes de bas de page

[1]  Quelques extraits du discours de Martin Luther King.

« Je suis heureux de me joindre à vous aujourd’hui pour participer à ce que l’histoire appellera la plus grande démonstration pour la liberté dans les annales de notre nation.

Il y a un siècle de cela, un grand Américain qui nous couvre aujourd’hui de son ombre symbolique signait notre Proclamation d’Émancipation. Ce décret capital se dresse, comme un grand phare illuminant d’espérance les millions d’esclaves marqués au feu d’une brûlante injustice. Ce décret est venu comme une aube joyeuse terminer la longue nuit de leur captivité.

Mais, cent ans plus tard, le Noir n’est toujours pas libre. Cent ans plus tard, la vie du Noir est encore terriblement handicapée par les menottes de la ségrégation et les chaînes de la discrimination. Cent ans plus tard, le Noir vit à l’écart sur son îlot de pauvreté au milieu d’un vaste océan de prospérité matérielle. Cent ans plus tard, le Noir languit encore dans les coins de la société américaine et se trouve exilé dans son propre pays.

C’est pourquoi nous sommes venus ici aujourd’hui dénoncer une condition humaine honteuse. […]

Il est évident aujourd’hui que l’Amérique a manqué à ses promesses à l’égard de ses citoyens de couleur. […]

Nous sommes également venus en ce lieu sacrifié pour rappeler à l’Amérique les exigeantes urgences de l’heure présente. […]

Cet étouffant été du légitime mécontentement des Noirs ne se terminera pas sans qu’advienne un automne vivifiant de liberté et d’égalité. […]

Il n’y aura ni repos ni tranquillité en Amérique jusqu’à ce qu’on ait accordé au peuple Noir ses droits de citoyen. Les tourbillons de la révolte ne cesseront d’ébranler les fondations de notre nation jusqu’à ce que le jour éclatant de la justice apparaisse.

Mais il y a quelque chose que je dois dire à mon peuple, debout sur le seuil accueillant qui donne accès au palais de la justice : en procédant à la conquête de notre place légitime, nous ne devons pas nous rendre coupables d’agissements répréhensibles.

Ne cherchons pas à satisfaire notre soif de liberté en buvant à la coupe de l’amertume et de la haine. Nous devons toujours mener notre lutte sur les hauts plateaux de la dignité et de la discipline. Nous ne devons pas laisser nos revendications créatrices dégénérer en violence physique. Sans cesse, nous devons nous élever jusqu’aux hauteurs majestueuses où la force de l’âme s’unit à la force physique.

Le merveilleux esprit militant qui a saisi la communauté noire ne doit pas nous entraîner vers la méfiance de tous les Blancs, car beaucoup de nos frères blancs, leur présence ici aujourd’hui en est la preuve, ont compris que leur destinée est liée à la nôtre. L’assaut que nous avons monté ensemble pour emporter les remparts de l’injustice doit être mené par une armée bi-raciale. Nous ne pouvons marcher tout seul au combat. Et au cours de notre progression il faut nous engager à continuer d’aller de l’avant ensemble. Nous ne pouvons pas revenir en arrière. […]

Nous ne pourrons être satisfaits aussi longtemps que la liberté de mouvement du Noir ne lui permettra guère que d’aller d’un petit ghetto à un ghetto plus grand. Nous ne pourrons être satisfaits aussi longtemps que nos enfants, même devenus grands, ne seront pas traités en adultes et verront leur dignité bafouée par les panneaux “ Réservé aux Blancs ”. Nous ne pourrons être satisfaits aussi longtemps qu’un Noir du Mississippi ne pourra pas voter et qu’un Noir de New-York croira qu’il n’a aucune raison de voter. Non, nous ne sommes pas satisfaits et ne le serons jamais, tant que le droit ne jaillira pas comme l’eau, et la justice comme un torrent intarissable. […]

Je vous le dis ici et maintenant, mes amis, bien que, oui, bien que nous ayons à faire face à des difficultés aujourd’hui et demain je fais toujours ce rêve : c’est un rêve profondément ancré dans l’idéal américain. Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : “ Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux ”.

Je rêve qu’un jour sur les collines rousses de Georgie les fils d’anciens esclaves et ceux d’anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité. […]

Je rêve que mes quatre petits-enfants vivront un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés sur la couleur de leur peau, mais sur la valeur de leur caractère. Je fais aujourd’hui un rêve ! ».

 ...

[2] Il y eut, en mai 1958, en Algérie en proie à la guerre d’indépendance, une sorte de drame d’Ouvéa à l’endroit et à l’envers : l’exécution de trois militaires français par le FLN ; elle allait mettre le feu aux poudres chez les Français d’Algérie et dans l’armée. C’est ainsi que le général de Gaulle (coup d’État, légaliste ou non) reprit le pouvoir. Les « petits » assassinats ont souvent de grandes conséquences politiques…

Le discours de de Gaulle fut, à Alger, en juin 1958, le suivant.

« Je vous ai compris ! […] Je sais ce qui s’est passé ici. […] Je vois que la route que vous avez ouverte, […] c’est celle de la rénovation et de la fraternité. Je dis la rénovation à tous égards. Mais très justement vous avez voulu que celle-ci commence par le commencement, c’est-à-dire par nos institutions, et c’est pourquoi me voilà. Et je dis la fraternité parce que vous offrez ce spectacle magnifique d’hommes qui, d’un bout à l’autre, quelles que soient leurs communautés, communient dans la même ardeur et se tiennent par la main. Eh bien ! de tout cela, je prends acte au nom de la France et je déclare, qu’à partir d’aujourd'hui, la France considère […] qu’il n’y a qu’une seule catégorie d’habitants : il n’y a que des Français à part entière, des Français à part entière, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. Cela signifie qu’il faut ouvrir des voies qui, jusqu’à présent, étaient fermées devant beaucoup. Cela signifie qu’il faut donner les moyens de vivre à ceux qui ne les avaient pas. Cela signifie qu’il faut reconnaître la dignité de ceux à qui on la contestait. Cela veut dire qu’il faut assurer une patrie à ceux qui pouvaient douter d’en avoir une ».

Suivait cependant un vibrant hommage à l’Armée française. De gaulle continuait, après cet hommage marqué.

« Français à part entière, dans un seul et même collège ! Nous allons le montrer, pas plus tard que dans trois mois, dans l’occasion solennelle où tous les Français, y compris les 10 millions de Français d’Algérie, auront à décider de leur propre destin. Pour ces 10 millions de Français, leurs suffrages compteront autant que les suffrages de tous les autres. Ils auront à désigner, à élire, je le répète, en un seul collège leurs représentants pour les pouvoirs publics, comme le feront tous les autres Français. Avec ces représentants élus, nous verrons comment faire le reste. Ah ! Puissent-ils participer en masse à cette immense démonstration, tous ceux de vos villes, de vos douars, de vos plaines, de vos djebels ! Puissent-ils même y participer, ceux-là qui, par désespoir, ont cru devoir mener sur ce sol un combat dont je reconnais, moi, qu’il est courageux… car le courage ne manque pas sur la terre d’Algérie, qu’il est courageux mais qu’il n’en est pas moins cruel et fratricide ! Moi, de Gaulle, à ceux-là, j’ouvre les portes de la réconciliation. Jamais plus qu’ici et jamais plus que ce soir, je n’ai compris combien c’est beau, combien c’est grand, combien c’est généreux, la France ! Vive la République ! Vive la France ! ».

Il ne rajouta cependant pas : « La France serait moins belle sans l’Algérie », et les Pieds-noirs (largement majoritaires comme l’étaient les Européens loyalistes de la place des cocotiers de juillet 2023) l’applaudirent à tout rompre, car de Gaulle proposait aux habitants musulmans d'être Français à par entière dans une Algérie qui resterait française, après "une paix des braves". Les Pieds-noirs ne se rendront compte que plus tard que, selon de Gaulle, l’Algérie française, c’était finie, après avoir négocié avec le FLN (Accords d’Évian).

Rappelons que le statut de l’indigénat fut abrogé par l’ordonnance du 7 mars 1944 relative au statut des Français musulmans d’Algérie ; mais tout n’était pas fini : « Français formels », les Algériens n'étaient plus des « indigènes », mais des « Français musulmans d’Algérie (FMA) », citoyens de statut local, par opposition aux « Français non-musulmans », citoyens de statut civil.

D’où le discours de de Gaulle…

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.