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Patrick Castex

Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

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Billet de blog 26 mai 2025

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Charlot Marx et Mickey Bakounine enquêtent sur les coLibs... (« Voyage » 1)

1 – Le Premier congrès du Parti ouvrier social-démocrate de Russie – « social-démocrate » voulant dire à l’époque « marxiste révolutionnaire », les futurs « communistes » – (le POSDR) à Minsk, en 1898. Première visite chez ceux qui ont mit du temps à devenir cocos. Surtout un coup d’épée politique dans l’eau, mais pas mal d’Éros, au moins en rêve...

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Illustration 1

Un rêve de Charlot...

Quelques minutes après la rentrée dans la chope de bière du bon Zweisteine, Charlot et Mickey étaient excités comme deux puces, désirant partir au plus vite pour ces nouvelles aventures ; Lou était en mission en Allemagne, (la nouvelle RPA où ils venaient de mener la Révolution des coLibs) et la Friterie chez Charlot de Bruxelles était presque vide ; « Et si j’ai bien compris, dit Charlot, on reviendra à la seconde même ou nous sommes partis, n’est-ce pas ? »« Tu as bien compris, sauf erreur ». Mais où aller en premier lieu ? Mickey voulait absolument voir et participer à Mai 68 ; Charlot, heureusement plus organisé, lui rappela l’un des interdits de Zweisteine : « Tu vas comme toujours foutre le bordel d’entrée ! » et il lui tira les oreilles, se disant qu’il allait falloir faire attention à chaque voyage… Mickey reconnut son erreur ; et ils décidèrent, épuisés et les neurones encore en feu, d’aller se coucher, demain étant un autre jour, et sans doute le bon !

Pour ce premier voyage, Charlot avait une idée, mais il ne continua pas sa pensée qui aurait pu être lue par son compère, encore bien éveillé. Mickey une fois endormi, ayant donc perdu la concentration exigée, Charlot se mit à rêver, bien éveillé et les yeux écarquillés : il rêva de commencer par là leur expérience qui allait peut-être foirer ; l’histoire de ce Zweisteine n’était peut-être qu’un beau rêve dû à un excès d’alcool, mais le bon côté était qu’ils avaient en effet maintenant au moins la possibilité d’aller voir dans le futur et qu’ils avaient acquis une connaissance universelle. Toutefois, en matière de voyage, ce n’était donc pas forcément gagné, il fallait tenter le coup. Et, rêve pour rêve, autant tenter de séduire encore une fois Véra, de la connaitre encore (au sens de la Bible) une nouvelle fois, le voyage en arrière étant interdit[1]. Malgré cela, rien dans les règles édictées par Zweisteine n’interdisait de s’attarder longtemps, très longtemps, encore plus longtemps ; et plus si affinité. « Merde ! se dit Charlot, qu’allait devenir Mickey si cette hypothèse était la bonne ! Il s’en trouvera bien une autre, une bien jolie Slave encore un peu narodnika, populiste (au sens russe du terme) ou une anar, même, à la rigueur, une véritable adepte des idées idiotes de ma jeunesse, une belle coco ; il ne cracherait pas dessus. Je m’en doutais avant Zweisteine, maintenant, je sais qu’il n’y avait pas que Véra qui deviendrait coco au sens de Freddy ».

Charlot se tâtait ; il devrait en parler à Mickey qui était en train de dormir profondément. Il continua dans ses pensées.  « Merde ! allez savoir s’il ne va tenter et sans doute réussir de séduire aussi Véra, comme sur les barricades de la Commune de Paris avec Lou ; mais pourquoi pas ! Et on augmentera notre espérance de vie au sens de Zweisteine, en prenant, c’est le cas de le dire ici, du bon temps là-bas ! Quant à Lou, elle n’en saura rien, et elle prend sans doute elle-même du bon temps avec d’autres, c’est probablement pour "ça" (comme dirait Sigmund Freud) que nos voyages ne se font qu’en duo avec Mickey et pas en trio, je n’y avais pas encore pensé. Coup monté de Zweisteine avec Lou ? Ça me turlupine ! Mais mon truc, ce soir, c’est Véra ! ».

Charlot continua, n’arrivant pas à fermer l’œil, ses rêveries. Quelle était aguichante, cette Véra, « Ventre-saint-gris ! » jura-il en français. Après tout, continua-t-il à se morfondre, elle avait tiré la première, dans cette belle uchronie, en 1877, ne devait pas avoir trop vieilli en 1898 (quoique...) gardait sans doute ses exceptionnels talents amoureux… Il osa à peine continuer ses divagations. S’il avait été un amant convenable pour son âge, politiquement, il fut d’une nullité crasse en ne sachant pas trop quoi répondre à une question somme toute fondamentale qu’elle n’avait d’ailleurs pas posée mais qu’il connaissait maintenant bien sûr : comment faire la Révolution en Russie arriérée ? En poussant à fond la vieille théorie des cocos de ce con de Freddy ? En proposant une révolution prolétarienne dans un pays où les vrais capitalistes exploiteurs à peine naissants mais scélérats – il aimait bien, maintenant qu’il pouvait tout savoir, ces manières de parler très particulières des cocos de la RPDC, la République populaire démocratique de Corée, bref la Corée du Nord – et leurs ouvriers russes ne représentaient qu’un infime portion de la société ? Ou en utilisant, au contraire, la profonde révolte de la paysannerie, qui couvait, certes un peu adoucie par l’abolition du servage en 1861 par ce malicieux mais sympathique tsar Alexandre II, et en utilisant ce qui restait (important ou au contraire résiduel ?) des structures communautaires qui protégeaient encore un peu, malgré  ce second servage, cette exploitation semi-féodale scélérate (ça devient une manie, se dit-il…) la masse paysanne ?

Il s’endormit, rêvant encore de Véra jusqu’au bout de la nuit. Dans son rêve endormi, il alla revoir sa copine (c’était permis par Zweisteine) mais dans l’Histoire vraie, en 1881, juste au moment où elle recevrait sa minable réponse à la lettre que la belle lui avait envoyée. Il savait maintenant, même en rêvant, quand (à la seconde près) et où. Il imaginait déjà la scène : « Bonsoir chère Madame, je m’appelle Ch., pardon, Karl Marx, vous êtes en train de répondre à la réponse de ma lettre, je suppose (ne cherchez pas à comprendre ma présence ici, ce serait trop compliqué à vous expliquer) ; inutile, je suis à cette heure  devant vous ; je vous ai bien connu dans une autre vie, même au sens de la  Bible, au risque de vous choquer, je peux vous donner la place et la nature de tous vos grains de beauté, même les plus intimes ; le voulez-vous : il commença… ». Véra Zassoulitch était atterrée, au bord de la syncope : ce ne pouvait évidemment être Marx qui lui ressemblait toutefois en tout, sans parler de ses habits ; même sa voix, son accent allemand mosellan typique de Trèves que ses amis et amies connaissaient et lui avait contée avec ses phrases alambiquées mais directes, son ton sympathique mais hautain, sa manière de se tenir… Mais cette histoire de grains de beauté était une preuve… Pas du tout, se reprit-elle ; il pouvait s’agir de l’un de ses nombreux amants habilement déguisés qui, évidemment, les connaissaient ; sa syncope passa ainsi, et elle regarda Charlot en évitant de faire passer un trouble évident lui aussi. Sa syncope reprit de nouveau, car peu de révolutionnaires russes parlant parfaitement allemand avaient cet accent aussi typique. Elle ne savait plus où elle habitait.

Charlot continua après le léger arrêt provoqué par la réaction de Véra, mais ne poursuivit pas la liste commencée de son intimité qu’il avait décrite avec force détails, sans se douter qu’il n’y avait là rien de très convaincant : il était peu concentré, toujours aguiché par Véra. Mais reprenant ses esprits et en se reconcentrant, il comprit que l’argument des grains de beauté était faible. Il continua : « Vous connaissez mes écrits, je sais que votre mouvement révolutionnaire que je qualifiais jusqu’il y peu d’utopique et même de franchement réactionnaire – ne vous fâchez pas ! je vais vous expliquer pourquoi dans un instant – s’y intéressait depuis longtemps pendant vos exils ; je sais aussi que mon premier livre traitant de l’économie titré bêtement Le Capital, et sous-titré encore beaucoup plus sottement Critique de l’économie politique, vient d’être traduit et publié chez vous il y a peu par un certain Danielson et deux autres ; c’est au reste pourquoi vous m’avez écrit cette très belle lettre… ». Véra l’interrompit pour la première fois : « Je vous prie de bien vouloir m’excuser ; vous en savez des choses, permettez-moi de vous interroger sur le contenu de ce fameux livre ».

L’interrogatoire dura longtemps, Charlot qui connaissait son livre par cœur fut brillantissime, comme d’habitude ; Véra n’en crut plus ses oreilles ; elle ne comprenait toujours pas qui était cette sorte d’épave mal fagotée et hirsute. Charlot, très fier, encore comme d’habitude, lui précisa qu’il avait gribouillé depuis longtemps cet écrit qui ne sortit qu’en 1867 ; et il précisa « Comme s’il ne fallait que critiquer pour changer le monde ! L’arme de la critique ne vaut pas la critique des armes ! Vous le savez bien et vous avez assez pratiqué le terrorisme armé, mais de façon, je vous prie de m’excuser encore, que je juge néanmoins idiote ». Il tenta de développer le contenu de sa minable réponse que Véra voulut cependant lire. « Minable, cette réponse, j’espère que ce n’est pas vous, sinon je vous étripe ! Un si grand esprit pour une si petite lettre, juste quelques lignes et à la fin, quelque-chose comme "Démerdez-vous !" ». Alors qu’il allait commencer, il se réveilla brusquement, regrettant que ce rêve ne se soit pas muté en rêve érotique ; décidément, il vieillissait…

… rêve cassé par Mickey

Au même instant, Mickey se réveilla aussi, commençant ses exercices de concentration où il n’était pas fortiche. « Tu en rêves de belles, très cher Charlot ! J’ai tout compris, je connais, qui plus est, les pages au langage bien fleuri[2] de ce zozo qui, en tant que narrateur, tire en fait toutes les ficelles (même celles de Zweisteine) qui décrivent par le menu tes trois "hommages", comme ce zozo l’écrit avec élégance, à cette belle Véra qui n’est autre que Véra Zassoulitch dont je connais maintenant toute la vie, soit dans la première uchronie de ce zozo, soit dans la vraie vie ; je n’en dirai pas plus pour ne pas te chagriner. Tu comprendras qu’il n’est pas question, avec tout ce tu as pensé, de commencer par ce premier voyage chez Véra en 1881 ; c’est niet ! ».

Ils décidèrent donc que leur premier voyage serait pour le congrès qui fonda, mais beaucoup plus tard, le POSDR, le parti coco russe. Et ils ont mis le temps, ces cocos, pour en arriver là, remarquèrent-ils, mais ils savaient pourquoi.

Long débat entre Mickey et Charlot pendant le très court voyage

Un éclair et une fumée, Charlot, précédé de quelques minutes par Mickey, arrivent à ce premier congrès qui fonde le Parti ouvrier social-démocrate de Russie en 1898 (plus connu donc sous le sigle de POSDR) les deux sachant pertinemment que l’appellation social-démocrate n’avait rien à voir (quoique…) avec la social-démocratie réformiste qu’ils avaient combattue en Allemagne pour la première fois unifiée  en 1871 (pas tout à fait, la Bavière et quelques États du Sud n’étaient que des satellites : il faudrait parler d’Allemagne du Nord…Ah ! l’Allemagne et la boussole…) par Otto von Bismarck et le premier empereur dit Guillaume 1er.

D’ailleurs, pendant leur voyage dans le temps de quelques mini secondes, ils s’étaient copieusement prix le chou. 

Charlot tiquait sur cette appellation qui se substituait à celle de communiste bien que signifiant la même chose ; mais si les mots ont un sens, « Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup » pensa-t-il ; il se corrigea cependant : « Il y a bien du flou dans l’expression social-démocrate, et un loup est sans doute entré dans notre bergerie, bien que cette dernière ne soit pas remplie de moutons mais de militants autonomes sachant penser sans slogan, quoique… ». Il toussota en fronçant les sourcils, mais ne développa point. Ces coquins, pensa-t-il « n’ont donc pas voulu reprendre l’appellation plus précise de la Ligue communiste », son joujou bien aimé qu’il avait fondé à Bruxelles en 1847 avec Freddy (Friedrich Engels dans l’Histoire vraie) devenu son opposant le plus virulent après l’accord de Charlot et Mickey qui avait, péniblement, réussi à se mettre d’accord en fondant le mouvement des coLibs, des communistes libertaires, un mouvement, pas un parti. Mais on sentait chez Charlot comme une nostalgie du bon vieux temps…

Mickey, qui avait toujours une dent contre le vieux communisme de Marx avant qu’il ne devienne Charlot et celui de Freddy avant la séparation de ces derniers, fut bien concentré, pour une fois : il avait lu dans la pensée de son ami. « Quand Charlot fronce les sourcils ; c’est qu’il y a un loup » se dit-il ; et il en profita pour affirmer haut et fort : « J’aime mieux cette appellation de social-démocrate, car si je suis certes collectiviste, je suis avant tout socialiste et démocrate, bref anar ; mais qu’on ne se méprenne pas : le mot social-démocrate fleure bon le réformisme, qu’on le veuille ou non ; toi-même tu regrettes, je l’ai lu dans tes pensées, que le mot communisme de ta chère Ligue ait été remplacé par cette connerie ». Il continua, très énervée : « Dans l’Histoire, les Allemands y sont venus, certes sur le tard, à cette social-démocratie réformiste, et ton vieux marxisme à la Freddy – je suis sûr que c’est ce sale fils de grand bourgeois et grand bourgeois lui-même qui t’a perverti, qui t’a détourné du chemin royal que j’ai pris et que tu aurais dû prendre… ». « Royal, comme tu dis, l’interrompit Charlot ; marrant pour un révolutionnaire issu d’une famille d’aristocrate qui… ». « Oui, royal, riposta Mickey, et les fins de race sont plus révoltés que les bourgeois qui croient encore à leur avenir ; je continue : ta merde de communisme à la Freddy, c’est fini : maintenant le soleil ne brille plus que pour le mouvement des coLibs ! ». Charlot accusa le coup mais sourit et lui tomba dans les bras ; des larmes perlaient sur leur visage de vieux couple genre famille Bidochon… Mickey continua, passant une main sur son visage : « Je salue toujours cependant votre beau succès de 1847 qui a transformé à la fois la Ligue des justes en Ligue communiste (malheureusement sans libertaire...) et la devise "Tous les hommes sont frères" en nouveau cri de ralliement : "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !" ».

Ils réussirent à s’entendre car, de toute façon la social-démocratie allemande réformiste n’avait pas pu se développer (dans l’uchronie ; mais elle se développa dans l’Histoire) en Allemagne, pour deux raisons.

La première est que tous les deux, avec Lou, avaient joliment torpillé (beaucoup mieux que, dans l’Histoire où Marx et Engels ne s’étaient contentés que de vives critiques) les velléités droitières du programme de Gotha (de mai 1875) du Parti socialiste des ouvriers allemands, le SAP (Sozialistische Arbeiterpartei Deutschlands) devenu en 1890, toujours dans l’Histoire, le Parti social-démocrate d’Allemagne, (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, le SPD) qui existe encore ; et ils le savaient. « On ira leur dire leurs quatre vérités à ces connards ! Tout ça à cause de ce prussien de Ferdinand Lassale qui avait semblé adhérer à ton mouvement de jeunesse mais n’était qu’un réformiste qui s’accoquina très tôt avec Bismarck ; heureusement, fin baiseur, il mourut en duel en 1864, (il y a une justice !) ; et c’est resté chez ces connards de sociaux-démocrates allemands », hurla Mickey. Charlot rajouta, plus calme : « En 1875 en Allemagne, ce n’était que le début du paléo-révisionnisme du marxisme que j’avais forgé de mes mains quand je n’étais encore que le Jeune Charlot, révisionnisme qui va éclore plus tard, même soutenu, quoique du bout des lèvres, par Freddy. Et ces fous qui ont suivi Freddy (et malheureusement mes conneries quand j’étais jeune et avant que je te rencontre) parlent du "révisionnisme moderne" desdits communistes de l’URSS et des partis "frères", sans nommer l’ancien "paléo révisionnisme" ; même pas le moindre  humour ! ». Mickey le corrigea : « Dans l’Histoire, que l’on connaît bien tous les deux, Engels le soutint à la fin plus que du bout des lèvres, ce révisionnisme ; et ceux qui parlent au XXe siècle du "révisionnisme moderne"  (un peu moins au XXIe) car tu sais très bien que ton marxisme à la con (du Jeune Charlot, comme tu dis) est mort avec la chute du Mur de Berlin dans la nuit du 9 novembre 1989 – jolie manière de fêter le bicentenaire de la Révolution française de 1789 ! – lorsque ces tarés de Berlinois de l’Est, avertis par les médias ouest-allemands qu’ils pouvaient librement se tirer, se sont précipités, surtout à Checkpoint Charlie (point de contrôle C, Charlie, comme pour les pilotes d’avion) pour rejoindre la liberté capitaliste, suivi, par effet domino de l’écroulement, deux ans plus tard, du château de cartes déjà branlant de l’URSS, fin 1991. Mais, pourquoi tu pleures, serais-tu nostalgique de cet effroyable capitalisme d’État oppressif que j’avais décrit presque en détail en 1873 dans l’Histoire, quand nous étions devenus vraiment adversaires et que tu m’avais viré de l’AIT avec tous mes copains anars en 1872 ! Bien sûr, ce n’étais pas toi, mais l’autre, influencé par Freddy, je me répète… Putain, je me perds moi-même entre cette putain d’Histoire et notre belle histoire ! ». « Tu as raison, murmura Charlot, depuis que je connais toute l’Histoire grâce à Zweisteine, j’ai du mal à digérer cet épisode de 1989-1991, la nostalgie de ma jeunesse sans doute ; j’ai beau essayer de me corriger, mais c’est difficile, tu sais ». Et Charlot renifla. 

La seconde raison, plus pertinente, était qu’avec Lou, ils avaient fomenté (dans l’uchronie du Tome 1, évidemment…) en 1875 la révolution d’Octobre en Allemagne, virant rapidement (grâce à Louis II de Bavière ; sans ce dernier, l’échec était assuré) qui fit naître la RPA, la République Populaire d’Allemagne.

Arrivées fracassantes au congrès de Minsk, mais départ précipité

Ils partirent, terrorisés, pour ce premier voyage et arrivèrent à Minsk, en actuelle Bélarus.

Premier arrivé donc, à l’entrée d’une jolie maison et dans un froid de canard, début mars, Mickey fut houspillé par le service d’ordre qui avait reconnu avec son accoutrement, un rigolo singeant le vieil anar russe bien connu ; il cassa la gueule à une horde de gorilles venus à la rescousse (rappelons que bien que déjà fort gaillard, un vrai Titan, il était devenu invincible grâce à Zweisteine). On admit, après la bagarre qui eut ainsi des effets très positifs, que ce clown qui déclarait se nommer Mickey, pouvait assister au congrès, qu’il pouvait même intervenir pour raconter toutes les conneries qu’ils voulaient (ça égaillerait les débats, par ailleurs fort ennuyeux) mais sans droit de vote ; le congrès étant évidemment clandestin et n’avait réuni qu’une quinzaine de pauvres délégués, sans Lénine. Les deux larrons annoncèrent « Vous serez tous arrêtés à la fin du congrès ! On vous prévient » ; éclats de rire : « On n’est pas si cons, on sait ce que c’est que la clandestinité ! Et c’est pour ça qu’on vous garde, et aussi pour rire un peu ; personne ne saura rien de ce gag ! ». L’Histoire confirma les dires des deux compères…

À peine Mickey avait-il pris la parole d’entrée de jeu pour rappeler que le communisme pur à la Charlot première mouture avait été remplacé par la synthèse du mouvement des coLibs, que les éclats de rire et les huées fusèrent : les cocos du congrès connaissaient le communisme anarchiste, proclamé pour la première fois à la Fédération italienne de l’AIT anti-autoritaire,  opposé au collectivisme de Bakounine dont le leader était Errico Malatesta, mais de l’expression coLibs, ils en rient encore… Entra alors Charlot, un autre clown déguisé qui avait subi le même sort mais s’était aussi débarrassé des gorilles déjà bien arrangés par son prédécesseur. Celui qui se faisait appeler Charlot fut ainsi également admis, avec les mêmes règles. Sa première question à l’assemblée fut, en la cherchant vainement dans la salle, « Où est Véra ? ». Mickey leva les yeux au ciel. Il fut déçu et n’intervint pas pour défendre Charlot ; ce dernier avait aussi compris qu’il n’y avait rien à tirer de ces pseudo-révolutionnaires qui continuaient bêtement à se réclamer de sa vieille théorie mais sans en détailler le contenu : ils n’avaient en fait toujours rien compris…

Tous deux décidèrent qu’il n’y avait rien à tirer de ce congrès ; ils prirent la décision de repartir en 1875, avec encore un éclair et de la fumée. Le congrès fut stupéfait mais la discussion reprit, comme si de rien n’était.

Notes

[1] Voir au tome 1 les nombreux hommages de Charlot à Véra : il s’agissait de Véra Zassoulitch, bien connue des marxistes érudits (sans doute un peu moins des autres) à l’origine de la fondation du marxisme révolutionnaire russe.

[2] La Saison 16 de la précédente uchronie mixée avec l’Histoire est probablement son meilleur morceau où Éros prend tout sa dimension charnelle ; le lecteur peut aller voir…

Cette précédente uchronie, et les quelques lignes de la présente, remplace dans l’Histoire le très bref échange de lettre de 1881 : Véra Zassoulitch lui demande, répétons-le, ce qu’il pense du chemin révolutionnaire en Russie (développement capitaliste inéluctable, comme dans toute l’Europe de l’Ouest, où blocage de ce développement, la Révolution ne pouvant ainsi se faire que par la paysannerie, et en utilisant les structures communautaires qui existaient encore, le Mir, qui en russe signifie paix ou monde mais aussi communauté paysanne.  La réponse de Marx à la demande des populistes russes est pour le moins courte et très évasive. Véra Zassoulitch fut, radotons, l’une des premières a quitté l’anarchisme révolutionnaire terroriste pour fonder avec d’autres, le mouvement marxiste en Russie dès 1883.

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