À la recherche d'un regard...
Suite à nos différentes observations, le regard se révèle indispensable, nécessaire, incontournable pour exister, nous en sommes à sa recherche. Une de mes voisines me confiait par téléphone, qu'elle s'était surprise à voir les yeux de la personne qu'elle croisait, lors de ses rares sorties dans la rue, elle n'y avait jamais prêté attention auparavant;. Leurs regards croisés ont été suivis d'un Bonjour ! Inhabituel !, « nous existons à travers nos regards ».
D'autres yeux se ferment à jamais, dans la plus totale solitude. Dans la plus grande solitude, la personne meurt, les yeux sont inertes, absents. Une main gantée, ferme les paupières sur le regard qui n'est plus. Les proches, le prêtre ne peuvent accompagner le regard de l'âme; il n'y a personne, pas de pleurs, pas de mots, aucune parole d'adieu, aucune main caressant le visage du défunt, aucune pensée chuchotée. Et pourtant, ceci est fondamental afin que le mort soit immortel, au-delà, et présent en nos mémoires. Plus douloureux que de ne pouvoir accompagner le corps, est celui de ne pouvoir accompagner l'âme irréductiblement existante.
C'est ici, un traumatisme qui ne pourra être que très difficilement réparé, et peut-être jamais. Les traumatismes psychologiques sont et vont être nombreux face à cette crise existentielle. Les carences d'accueil et de prises en charge pour ces personnes en grande souffrance, dans les hôpitaux, le nombre de médecins psychiatres a été drastiquement diminué par nos derniers gouvernements, pour le sacro-saint de l'économie de marché multinational. Il y a là, un choix qui n'est pas celui de la vie, un choix sans éthique, sans foi, une inhumanité orchestrée. Et le temps de recueillement dans les lieux de culte n'y sont pas possibles.
Les regards, derrière les mains jointes, la couleur des yeux sont voilés et se métamorphosent en larmes. Nos mains ne savent pas s'il est possible d'être réconfortantes dans un sentiment de bienveillance. Non, à ce jour dans le confinement, on ne peut plus parler silencieusement avec les mains, pour réconforter, prendre les mains de la personne en souffrance; le partage d'affects de bienveillance, d'une simple humanité désintéressée nous est interdit.
Des regards, une mémoire, qui se souviendra de cette prise de conscience que la couleur des yeux ne peut plus être négligée. Sans aucun doute un autre monde en devenir, dans la mesure où, nous pratiquerons inlassablement et le plus simplement, le Bonjour !, quelle est la couleur de nos yeux ?.
À la recherche d'un regard... le cinq avril 2020 jour de confinement par Patrick Croix.