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Billet de blog 6 juillet 2010

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Législatives anticipées ?

«Panique à Elysée Parc» ou «La France brûle-t-elle?»: deux titres pour un même film dont l'action, depuis quelques semaines, se déroule au jour le jour, en extérieur ou indoor, sous les lambris du Palais de la République, dans cette rue du Faubourg-Saint-Honoré qui n'a plus de faubourg que ce nom au parfum populaire, mais incarne son exact contraire.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

«Panique à Elysée Parc» ou «La France brûle-t-elle?»: deux titres pour un même film dont l'action, depuis quelques semaines, se déroule au jour le jour, en extérieur ou indoor, sous les lambris du Palais de la République, dans cette rue du Faubourg-Saint-Honoré qui n'a plus de faubourg que ce nom au parfum populaire, mais incarne son exact contraire. Comme une injure de l'Histoire à tout ce que le substantif «peuple» peut évoquer dans la mémoire collective, c'est le haut lieu d'un exécutif, vassal assumé des puissances d'argent et exécuteur jusqu'à l'outrance, voir l'absurde, de leurs basses œuvres dont l'unique objet est la sauvegarde, voire l'extension de leurs privilèges au pays de leur abolition.

Tant va la cruche à l'eau, qu'à la fin, elle se brise... La haute bourgeoisie française, qui eut dans l'histoire ses lettres de "noblesse", sut toujours, avec plus ou moins de bonheur depuis 210 ans, s'abstenir de franchir les lignes rouges qu'elle s'était elle-même tracées et imposées dans le cadre d'une République démocratique dont l'horizon triptyque éternel est liberté, égalité, fraternité (mettons de côté les périodes de restauration et celle de la collaboration). Mais elle a commis une faute historique en 2007: prendre pour héraut, tout en méprisant mezza voce sa vulgarité et son inculture homérique, un petit bateleur, édile de la banlieue ouest, fort en gueule à défaut de l'être en thème, bien à même, eut-elle la faiblesse de croire, de présider à la défense et au renchérissement de ses intérêts, y compris les moins avouables, dans un pays ou l'argent -contrairement à nos amis anglo-saxons- n'est pas une valeur reine dans le conscient collectif, culturel et historique de son peuple.

L'insupportable fatuité présomptueuse de cette bourgeoisie d'affaire et d'affaires, s'appuyant sur une approche eschatologique (de fin de l'Histoire) depuis la chute du mur, rayant d'un trait de plume, le temps d'une élection ou au gré d'un discours populiste de piètre facture, la réalité des contradictions sociales inhérentes au système économique et financier du marché anarchique, mais aussi l'Histoire de France, et dans le même élan, Saint-Just, la Commune, le Front Pop, la Résistance et les aspirations sociales et égalitaires de son Conseil National (CNR), Mai 68 (pour ne citer que ces grands chapitres historiques qui ont forgé notre âme hexagonale depuis deux siècles), l'a conduite à s'ériger -via son homme de paille- en divinité créatrice d'une France imaginaire sortie de son outre-monde quasi schizophrénique, en complète rupture et perte de contact avec la réalité vécue par nos concitoyens.

Mais cette réalité est plus forte que sa fiction volontariste et platonicienne, et s'il fallait en convaincre la minorité au pouvoir, l'idée de Dieu existe, mais ce n'est qu'une idée... Cet excès d'idéalisme marchand, d'élitisme de pacotille, d'atteintes constantes et répétées aux fondamentaux de la République, de confiance en un personnage dont le seul et unique souci est lui même, sa famille et ses affidés stipendiés, a fini par trouver sa limite. Les prolégomènes de l'actuelle crise de régime s'écrivent depuis le funeste mois de Mai 2007. Son explosion, notamment via l'affaire Bettencourt (coup de chapeau aux vrais professionnels de l'information de Mediapart), tellement synthétique dans l'ensemble de ses déclinaisons, des turpitudes fonctionnelles d'un système économique et financier et d'un régime politique à ses ordres, signe l'entrée de ce régime en soins palliatifs. Le diagnostic est létal.

François Léotard, ami de longue date de l'occupant de l'Elysée, faisant preuve d'une lucidité ("la blessure la plus proche du soleil" R. Char) prophétique, avait écrit dès février 2008, «Ça finira mal !» Cet oracle venant d'un sympathique devin de droite est en passe de devenir réalité.

Alors, que faire ? Si, selon une terminologie marxiste, les "conditions objectives" semblent réunies pour une révolution à tout le moins copernicienne, reste que le peuple -à voir ses dernières démonstrations de rue qui, pour massives qu'elles furent, n'en tenaient pas moins de la promenade dominicale organisée ou de la transhumance syndicale bon enfant- ne semble pas prêt à en découdre et de faire valoir son droit à se révolter. Quant aux "avant-gardes", elles n'existent plus. Il semble donc urgent de puiser dans le seul arsenal démocratique, institutionnel et politique (au demeurant fourni) pour refermer cette malheureuse parenthèse de notre histoire, ouverte en 2007.

Car la seconde question qui va de pair avec la première est: devons-nous nous soumettre au calendrier électoral et attendre 2012, donc assister pendant 22 mois supplémentaires au déclin quotidien de la France et à l'effondrement de sa République, pour l'infortune de la majorité de nos concitoyens, ou mettre le plus tôt possible un point final à la dérive en cours ?

Non Mme Aubry, l'actuel occupant du Palais n'a pas «abîmé» la République, il l'a «karchérisée». L'euphémisme n'est pas une arme politique, mais il ne fait que révéler la tiédeur du parti majoritaire dans l'opposition. Or, entre "tiédeur" et "collaboration", la marge est étroite. Sans entrer dans la part de responsabilité de l'appareil du PS concernant l'échec de 2007, il convient maintenant d'examiner la responsabilité que doit prendre ce parti et avec lui l'ensemble des opposants, de Villepin à Besancenot, pour, dans une démarche républicaine, commune et prioritaire, mettre un terme à cette "démocratie-autoritaire", anachronique et impériale (tendance Napoléon le petit) et rétablir la République et ses valeurs, donc "l'identité exemplaire" de la France dont nous bassinons le reste du monde depuis 210 années, donc rallumer «les Lumières».

Plus de 70 % de mécontents, la quasi-totalité des régions (la France profonde) gouvernées par la gauche, inadéquation totale entre la réalité politique du pays et sa représentation parlementaire dont la majorité de droite ne représente qu'elle-même, présidentialisation sauvage et ubuesque du régime, destruction du service publique si cher au CNR et seul garant d'une France "fraternelle et solidaire", pour employer des mots à la mode. Comment avancer dans ces conditions grotesques ? Comment ne pas être la risée du monde ? Impossible. Cela ne peut aller que de mal en pis.

Il est donc nécessaire, sinon suffisant, que l'opposition -avant que cela tourne vraiment vinaigre et de façon incontrôlable dans la rue avec toutes les provocations imaginables- exige dès maintenant des élections législatives anticipées et rompent définitivement et dans tous les domaines avec le pouvoir en place.

Comment le dit-pouvoir pourra-t-il justifier devant le peuple, du refus qu'il ne manquera pas d'opposer à cette demande politiquement fondée et justifiée et qui recevra l'assentiment de la majorité de nos concitoyens ? Plonger l'adversaire dans ses contradictions qui confinent à l'aporie, tel est le devoir de l'opposition de gauche, si elle s'assigne, comme il en va naturellement de son rôle historique, de sauver la République.

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