Patrick Gabriel

Abonné·e de Mediapart

48 Billets

0 Édition

Billet de blog 19 mars 2011

Patrick Gabriel

Abonné·e de Mediapart

GUERRE DANS LA REVOLUTION, REVOLUTION DANS LA GUERRE

Patrick Gabriel

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Où est passée la "Révolution libyenne" ? Au moment où j'écris ces lignes et après l'adoption par le Conseil de Sécurité de l'ONU de la résolution 1973 "fourre-tout", la "révolution" s'est effacée derrière une approche purement humanitaire du conflit qui oppose le dictateur Kadhafi et ses troupes loyalistes ou grassement rémunérées, au peuple insurgé. Quant au représentant de ce peuple, le CNR (Conseil National de Transition) -dont on ignore exactement de qui il est composé, comment il a été choisi, désigné ou élu et quels sont ses objectifs politiques hormis abattre Kadhafi- il est aux abonnés absents. Pas une déclaration, pas un mot d'ordre ni même ordre, pas une analyse à court, moyen ou long terme, de la situation immédiate et de ce qu'il convient de faire politiquement et militairement dans les heures et les jours qui suivent. Les "combattants de la liberté" ont-ils un état-major politico-militaire leur donnant des directives opérationnelles? On l'ignore. Pour l'instauration de quel type ou système de société se battent-ils au prix de leurs vies ? On l'ignore. Le substantif "démocratie", s'il rassemble les bonnes consciences dans la communauté internationale, ne fait pas programme révolutionnaire, surtout lorsqu'il convient d'en passer par un affrontement militaire -la guerre dans la révolution et la révolution dans la guerre- pour assurer sa mise en place. "Eviter un bain de sang...", leitmotiv et justification du vote de la résolution 1973 à l'ONU, ne vaut pas "soutien à la révolution" et peut même se révéler contre-révolutionnaire -évidemment pas dans sa mise en application militaire (que l'on attend toujours ce samedi matin 19 Mars 2011..)- mais dans son approche purement humanitaire, donc "a-politique". C'est donc aux révolutionnaires libyens, à leur direction, de dire, proclamer à ceux qui les bombardent et les mitraillent: "bain de sang, oui, mais pour vous, les ennemis de la révolution, les mercenaires et les troupes loyales au dictateur, sa famille et ses affidés..." C'est aussi, parmi les dix pays signataires de la résolution onusienne, à la France et à la Grande-Bretagne, -champions de la rodomontade pour de strictes raisons de politique politicienne intérieure-, de préciser: "Nous soutenons inconditionnellement la révolution libyenne au nom de notre propre Histoire et de celle de tous les peuples en lutte pour leur affranchissement, et nous mettons en oeuvre toutes nos forces militaires en Méditerranée pour lui porter secours et assurer sa victoire" ! Mais nous n'en sommes pas là et n'en seront jamais là. Les camarades, compagnons libyens doivent malheureusement le savoir. Que celle ou celui qui croit sincèrement que sarkozy ne dort plus depuis que l'on assassine à tour de bras en Libye, lève le doigt ! Que celle ou celui qui estime que la décision unilatérale de sarkozy avec son Malraux du pauvre,BHL, -prise hors quai d'Orsay (du jamais vu), hors Europe et hors ONU- de reconnaître l'ectoplasmique CNT libyen, n'est aucunement liée à son effondrement politique à 14 mois des Présidentielles, lève le doigt ! Je passe volontairement sur l'affaire du possible financement de sa campagne électorale par Kadhafi, attendons les preuves. Je passe aussi sur les fastes de la réception du même en 2007, autorisé à camper dans les jardins de l'Elysée, comme Castro sur la pelouse de l'ONU (personne n'a fait cette comparaison lourde de sens, mais naboléon n'y a vu que du feu!). L'histoire de notre République nous enseigne que lorsque la droite en France est en passe de perdre le pouvoir, elle tente toujours une reconquête artificielle de l'opinion en des travaux guerriers ou simili guerriers. Elle ne connaît pas d'autre recette. Elle se drape dans les oripeaux d'un soi-disant "droitdel'hommisme", et pourfend les méchants et autres terroristes, en espérant une "union sacrée" autour de la défense de la veuve et de l'orphelin, voire de la patrie en danger. Mais laissons là les tristes turpitudes du locataire de l'Elysée en voie d'expulsion, aussi dingue que son ancien ami et nouvel ennemi, Kadhafi. Dans l'imaginaire collectif, le révolutionnaire libyen n'a plus que les traits de la brave et pauvre chèvre de Monsieur Seguin, en passe d'être égorgée par le loup mais qui doit être sauvée par les grands boucs humanitaires occidentaux aux cornes d'acier. Il est temps de renverser les rôles. C'est maintenant que la chêvre doit se transformer en loup. Si elle veut être sauvée, la Révolution libyenne doit parler haut et fort, reprendre la main sur le terrain politique et idéologique, national et international, en s'appuyant et se servant de l'aide militaire qui -espérons-le - est en passe de lui être apportée. Sinon, elle est morte en tant que Révolution et son décès portera un rude coup au formidable printemps arabe, porteur de toutes les espérances dans cette région du monde.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.