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Billet de blog 28 octobre 2025

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500 familles et 10 millions de pauvres

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Les 500 familles et les 10 millions de pauvres

Nul besoin de sismographe pour mesurer l’étendue des fractures creusées par le pouvoir des droites coalisées dans les fondations sociales de notre République. La violence de leur guerre de classe se lit dans les lignes des budgets de la nation et de la sécurité sociale qu’il fomente et dans le cynisme des interventions ministérielles.

Par contre, lorsqu’est avancée l’idée d’une légère contribution de 2 % pour les 1 500 familles disposant d’un patrimoine égal ou supérieur à 100 millions d’euros, les forces réactionnaires qui squattent les plateaux de télévision et les ministères poussent des cris d’orfraie, ouvrent les tribunaux de la bien-pensance, se transforment en modernes Harpagons.

Cette montée des unités du bruit médiatique protège les privilégiés de la fortune quand le gouvernement n’hésite pas à « geler » les prestations sociales comme le revenu de solidarité active (RSA), la prime d’activité, les pensions de retraite, l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’allocation aux adultes handicapés, les aides au logement, dont les APL, les allocations familiales tout en doublant les franchises médicales.

Un cran supplémentaire dans la régression sociale se prépare alors que ce même gouvernement envisage une inflation à 2 %. Non seulement, la plupart des allocations sociales ou de solidarité n’augmenteront pas, mais on sera contraint d’acheter moins avec celles-ci en proportion de la hausse des prix. Une augmentation des prix qui aboutira à augmenter les prélèvements sur les plus modestes avec les  impôts indirects tels la TVA et les taxes sur les carburants. Des souffrances nouvelles pour la majeure partie de la population, considérées d’importance mineure par le grand média-business comparé aux vols au musée du Louvre… Sans compter les heures d’élucubrations grossières de cette caste sur les conditions d’incarcération de celui qui avait promis de chasser « la racaille » au karcher, le ci-devant M.Sarkozy.

Dans cette France de 2025, la férocité n’est pas du côté de celles et ceux qui réclament justice, en demandant aux 1500 familles ultra-privilégiées qui se vautrent dans l’or de payer leur tribut au bien commun… Elle est du côté de ceux qui considèrent qu’il serait tolérable, supportable, soutenable de diminuer encore les moyens du « pouvoir de vivre » de près de 10 millions de personnes reconnus en situation de pauvreté.

Une ouvrière, un jeune précaire, un paysan travailleur, un chercheur, un enseignant ou un intermittent du spectacle ne cache pas sa fortune dans une « holding », un système de société qui permet de faire écran entre eux et l’impôt. Du reste, ils n’en ont pas besoin puisqu’ils n’exploitent personne, ne spéculent pas et ne reçoivent pas de dividendes. Ils ne peuvent acheter ni yacht, ni château, ni grands vignobles, ni médias et maisons d’édition. De fortune, ils n’en ont point. Pourtant, environ 51 % du revenu que leurs octroient leurs exploiteurs est versé au bien commun, en impôts directs et indirects et en cotisations sociales.

Mais, pour les 500 plus grands détenteurs de capitaux qui, entre 2021 et 2025, ont augmenté leurs fortunes de 1 000 milliards d’euros les contributions sociales et fiscales sont d’environ 13 %, alors que le taux de rendement moyen de leur magot est d’au moins 6 %, quand l’épargne populaire ne rapporte qu’un peu plus de 2 %.

Voici un grand sujet de méditation pour tous les donneurs de leçons de « stabilité » de « raison » et  « compromis » républicain. Il s’agit ici, en vérité, d’une violation manifeste du principe d’égalité devant l’impôt. C’est la flagrante violation de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui édicte : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».

Loin d’être une mesure révolutionnaire, la taxe Zucman de 2 % amputerait donc non pas le capital, mais le taux de rendement de la fortune d’environ un tiers. Ceci équivaudrait à leur demander un impôt sur le revenu de cette rente de 33 %. Aucun des privilégiés de la fortune ne dormirait donc sous les ponts. Par contre, une telle disposition permettrait de combattre la misère et la pauvreté, de faciliter la progression vers une sécurité d’accession au logement, aux soins ou à l’alimentation.

Ajoutons que le contrôle et la réduction des aides publiques de 213 milliards aux grandes entreprises, le combat contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux pourrait permettre d’augmenter les salaires, de réaliser l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, de lancer un grand plan de formation permanente et de garantir une sécurité économique aux jeunes et à toutes les travailleuses et travailleurs, en même temps que des incitations fortes pour entamer une bifurcation écologique anticapitaliste. Il s’agirait d’une cohérence nouvelle et positive permettant des recettes nouvelles dans les caisses de l’État et de la sécurité sociale. Une autre logique donc !

Les laudateurs et les fondés de pouvoir du carnassier capitalisme ne veulent même pas de ces timides avancées parce qu’à l’accumulation de la pauvreté, des souffrances et de la déshumanisation correspond, l’accumulation du capital en compétition mondiale.

Et, la pièce de boulevard gouvernemental et parlementaire qui se joue sous nos yeux à l'Assemblée nationale n’est que le paravent de leurs agrippements à leurs privilèges, leurs héritages, leurs propriétés lucratives et au pouvoir.

Même le quotidien de la finance et de l’économie, le Financial Times, loin donc, d’être communiste, a pu écrire la semaine dernière : « La France se caractérise par l’emprise de ses milliardaires sur la vie économique et la vie politique de la nation. »  

Il est ainsi devenue manifeste que cette extrême concentration du capital et  des richesses à un pôle de la société va de pair avec l’extrême concentration des pouvoirs dans l’entreprise et au sommet de l’État. Ce capitalisme d’État veut tout détruire de l’État social et reléguer pour toujours les plus modestes, les travailleuses et les travailleurs de plus en plus appauvris à leur condition sociale précaire.

Les violents coups de couteau contre la démocratie et l’accumulation sans fin du capital entre quelques mains, constituent désormais l’une  des principales questions  posées au mouvement démocratique et progressiste. Il doit clairement se fixer l’objectif de libérer la société et L’Etat de l’appropriation privé des moyens de production et d’échanges en ouvrant la voie à la souveraineté des travailleurs -producteurs sur l’orientation des production, sur l’autogestion des entreprises et du système bancaire. Ne pas hisser les débats et les actions à ce niveau peut ouvrir les pires impasses. En effet, plus inquiète que jamais  l’oligarchie capitaliste cherche les voies et moyens pour maintenir sa domination en organisant l’union des droites et des extrêmes droites comme garantie, comme béquille pour leur système essoufflé.  

C’est dire la dangerosité de la situation si ne leur est pas opposé à la fois la fermeté au Parlement pour obtenir plus de justice sociale et fiscale, ainsi qu’une unité populaire impulsée par l’union des gauches, des progressistes et des écologistes dans le respect des diversités. 

La classe capitaliste est unie et défendue par l’alliance des macronistes, des droites et des extrêmes droites. Les travailleurs et le peuple des plus modestes invisibilisés doivent faire irruption sur la scène et rechercher les chemins de leur unité avec l’assurance de pouvoir s’appuyer sur une union des gauches et des progressistes tels que l’avait prévu le programme du nouveau Front populaire.

Entre le petit club des 500 familles qui viennent de grossir leur cagnotte de 1000 milliards d’euros et les 10 millions de pauvres qui vont se priver encore plus, le choix à gauche devrait être vite fait.

Patrick Le Hyaric,

27 octobre 2025.

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