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Billet de blog 1 novembre 2023

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Un texte inédit d'Henri Guillemin ( utovie.com, édition numérique )

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

                   Nous sommes en 1945. En Suisse. Et Henri Guillemin prononce une conférence au profit du Comité suisse d'aide médicale à la Pologne. C'est le texte de cette conférence réécrit par Guillemin lui-même qu' Utovie publie ces jours-ci. Nous aurons certainement encore de belles surprises car l'on n'a pas encore fini de recenser la totalité des articles publiés par Guillemin. Jonathan Wenger, jeune chercheur suisse en a répertorié plusieurs centaines.

                 Ce texte ne manque pas d'intérêt. Il part de la déjà longue histoire de l'amitié entre la France et la Pologne dont la littérature populaire (Henri Guillemin en fait un éloge assez étonnant) et l'accueil par la France de Mickiewitz (1798/1855), grand écrivain et défenseur de la cause polonaise, sont, parmi d'autres liens, d'autres influences, la preuve.

                Mais Guillemin n'en reste pas là et il interroge l'histoire millénaire de la Pologne, ce "fragment slave converti au catholicisme", coincé entre la Germanie et la Moscovie. Comment cet Etat à la culture remarquable ( n'oublions pas que Copernic était polonais !), qui a joué un rôle essentiel pour stopper l'avancée musulmane au 17ème siècle, a-t-il pu s'affaiblir au point de n'être plus qu'un jouet entre les ambitions de la Prusse et de la Russie ?

                 La réponse de Guillemin est politiquement engagée - les responsables sont les grands propriétaires terriens qui ne pensaient qu'à leurs intérêts propres et se souciaient comme d'une guigne du peuple lui-même. Et ce n'est pas faute de soulèvements populaires contre cette situation :"1794, 1830, 1846, 1863, en vain ! toujours en vain", dit Guillemin. Et il a cette formule remarquable qui résonne étrangement à nos oreilles :"Il y a eu cette chose jamais vue dans le monde : une nation engloutie, qui était là et qui n'est plus là ; morte, et impossible à tuer ; supprimée, et présente, et prodigieusement présente dans le scandale de son absence."

                Il y a d'autres choses à découvrir dans cette conférence où se dessine un Henri Guillemin convaincu qu'"il faut toujours dire la vérité, en Histoire, même si cette vérité nous est désagréable." Notamment sur la position russophile de nombreux encyclopédistes (et il y a de Voltaire quelques formules anti-polonaises particulièrement nauséabondes)- et le seul lucide c'est encore Rousseau dans ses Considérations sur le Gouvernement de la Pologne. Cela n'est sans rappeler l'affaire Dreyfus et les réactions de ce que Guillemin appelle l'anti-France.

                Le texte est court mais annonciateur de ce que sera l'oeuvre à venir. Certes, Guillemin sera moins polonophile quand il s'agira, pour lui, de s'élever contre le Pape Jean-Paul II et l'Eglise polonaise, mais ceci est une autre histoire.

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