La Fondation Michel Serres-Institut de France vient de décerner le premier Prix Michel Serres. Il s'agissait de récompenser une thèse de doctorat interdisciplinaire - Sciences exactes/Sciences humaines. On sait l'importance que Serres attachait à l'interdisciplinarité et combien il y voyait le moyen de croiser plusieurs démarches que la rigidité universitaire avait tendance à cloisonner, alors que la complexité des problèmes qui nous font face nécessitait de toute urgence qu'on les aborde sous plusieurs angles. Ce Prix était doté de 3.000 euros. On attendait, modestement, une dizaine de thèses, il en est arrivé plus de 80 et de grande qualité. Il a été attribué à Stéphanie Barbier qui a présenté un travail de tout premier ordre sur l'optique et l'histoire de la photographie de ses débuts au milieu du siècle dernier qui permet de saisir comment les photographes eux-mêmes se sont emparés des résultats scientifiques de l'optique - un véritable échange ayant lieu entre les physiciens et les praticiens. C'est à partir d'un corpus de textes écrits par les photographes eux-mêmes (en particulier allemands et anglais) que Stéphanie Barbier a pu explorer ce thème qui n'avait pas attiré jusque là l'attention des chercheurs.
La présentation de la thèse par Florence Naugrette, professeur de littérature française à la Sorbonne a permis aux béotiens qu'étaient plusieurs des auditeurs de saisir tout l'intérêt de son contenu. Et Stéphanie avec une modestie qui l'honore n'y a ajouté que quelques détails méthodologiques.
La Fondation Michel Serres, fière de ce premier essai, est bien décidée à inscrire dans la durée ce Prix et à lui donner tout le retentissement qu'il mérite. Elle y voit la fécondité des intuitions de Michel Serres pour mieux comprendre la richesse des rencontres entre sciences dures et sciences douces - Cf, entre autres ouvrages, Le Passage du Nord-Ouest (Hermès V, éditions de Minuit, 1986). Le mono-idéisme cache trop souvent la pauvreté de la réflexion - on en voit l'illustration aujourd'hui.