Un peu de curiosité étymologique permet parfois de découvrir des trucs marrants. Ainsi en est-il pour le terme "finance". Il dérive, vers la fin du 13ème siècle, de l'Ancien français, "finir" qui signifie "mener à bien une transaction", "exiger de l'argent", "donner de l'argent". Est-ce à dire qu'avant cette date il n'y avait pas de transaction ? Evidemment, non : le troc, l'invention de l'argent comme équivalent général, le prêt même à taux usuraire - ces formes existent depuis bien avant que "finance" fasse son apparition.
Le mot "transaction" mérite qu'on s'y arrête un moment : en latin, le verbe "transigere" dont il est issu désigne l'action d'achever , de finir ; en français, "transiger". Quand on transige, on prévient ou on termine une contestation grâce à des concessions réciproques. On a bien oublié cette idée de concessions réciproques quand, dans la vie économique, la transaction est censée désigner un contrat entre un vendeur et un acheteur, un ouvrier et son patron (cf l'analyse marxiste du salaire qui met à mal l'équité de ce contrat). Et l'usage du mot soupçonne une sorte d'entourloupe en lui conférant souvent un sens péjoratif - celui d'accommodement, d'arrangement.
En français moderne, "finance" a, d'abord, signifié "rançon" et, logiquement, "argent". Puis, le mot a désigné les ressources dont on dispose : avoir ou n'avoir pas les sous nécessaires à la réalisation d'un projet, qu'il soit privé ou public. On parle donc du Ministère des Finances, des Finances publiques. Toute une série de dérivés sont venus enrichir (sans jeu de mots) ce terme : financer, financement, autofinancement. Parmi ces dérivés, un retient particulièrement l'attention, celui de "financier". Il a, dès le 15ème siècle, désigné une personne qui manie des affaires d'argent et qui, par extension, s'entend à la gestion de l'argent. Sous l'Ancien Régime, le financier c'est le Fermier Général, celui qui collecte les impôts pour le Roi et dont on sait qu'il n'en remettait qu'une partie. Je ne résiste pas au rappel de 'la sauce financière'(ris de veau, truffes et autres gourmandises) qui venait agrémenter les rots et les poissons des dits fermiers.
Mais, très vite, sont apparues des activités financières privées avec le développement du capitalisme qui acquièrent une autonomie presque totale par rapport à la production - l'argent engendre l'argent dans ce processus qu'on appelle spéculation. C'est bien le sens qu'a pris la Finance, la majuscule est évidemment ici capitale (toujours sans jeu de mots), elle personnifie les mouvements d' actions mystérieuses qui montent et baissent selon les caprices d'un marché, mystérieuse entité tout aussi bien, et elle gomme ou dédouane les personnes concrètes qui en retirent des bénéfices substantiels. Cette Finance est cyniquement qualifiée de "Haute Finance" - non pas tant pour montrer l'intelligence supérieure de ceux qui s'y distinguent dans les toujours "hautes sphères" de la société que le mépris qu'ils professent pour ceux qui sont en bas de l'échelle sociale.
Comment s'en sortir ? Mitterrand condamnait "ceux qui s'enrichissent en dormant" et Hollande proclamait :"mon véritable adversaire, c'est le monde de la Finance". On sait malheureusement ce qu'il en advient par la suite, mais c'est toujours amusant de rappeler ces bons souvenirs