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Billet de blog 5 décembre 2023

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Un conteur nous est né

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

                     Je ne suis pas un fan des réseaux sociaux, mais il se trouve que je me suis inscrit sur Linkedin - va-t-en savoir pourquoi ! - je n'en tire aucun avantage à part celui d'y retrouver, parfois, d'anciens élèves. Mais j'ai eu la surprise d'y recevoir très récemment une proposition d'un inconnu : il venait d'écrire un livre et il se demandait si je voudrais bien le lire. Je croule sous les bouquins que mes copains pondent, pourquoi ne pas changer mon champ d'exploration ? Pourquoi pas ? Rien à perdre qu'une ou deux heures de lecture. Et c'est ainsi que j'ai découvert Laurent Pépin,  une de mes plus belles découvertes de l'année.

                     Laurent Pépin a écrit deux contes : Monstrueuses fééries et L'angélus des ogres. J'ai commencé par le deuxième mais il convient de les lire dans l'ordre de leur parution puisque L'angélus des ogres est la suite de Monstrueuses fééries - même narrateur, mêmes lieux, mêmes personnages. Le narrateur travaille dans un hôpital psychiatrique - les patients qu'il appelle les Monuments sont pour lui les créateurs de mondes intensément poétiques avec lesquels il entretient des relations  de proximité mises à mal par l'évolution de la psychiatrie qui cherche, par tous les moyens, à les normaliser, c'est-à-dire à tuer en eux toute créativité. Pépin parle joliment de leur "décompensations poétique".

                      Mais les Monuments aident le narrateur à se protéger de ses propres Monstres. Et c'est cette étrange osmose entre le thérapeute et celui ou celle qu'il est censé accompagner qui est au coeur de chacun de ces contes. Il faut dire que le narrateur traîne avec lui une histoire dont il ne parvient pas vraiment à se défaire et que l'on ne sait jamais vraiment, dans ce qu'il raconte,  ce qui est de l'ordre du délire, du fantasme ou d'un passé qui ne passe pas. Il y a des moments où l'on ne distingue plus vraiment ces différents états comme on ne distingue pas non plus, dans le corps à corps amoureux, avec cette étrange Elfe à l'anorexie ravageuse, qui est qui, qui sauve qui ou qui le perd définitivement. Le narrateur connaît l'asile de l'intérieur, il est probable qu'il y ait été lui-même pensionnaire.

                      Les contes de notre enfance nous faisaient pénétrer dans des univers bien mystérieux où se tissaient peurs et fantasmes qui nous fascinaient par leur cruauté et leur perversité. Il en est de même des contes de Laurent Pépin. Le lecteur se laisse entraîner dans cet univers étrange. Il n'y a qu'à se couler dans ce flux d'émotions, de souffrances et de rêves (de cauchemars ?) sans chercher toujours à comprendre telle image ou telle association - onirisme et délire se mêlent intimement dans cette familiarité troublante entre le thérapeute et ses malades ; il n'existe pas de frontière établie entre leurs univers respectifs, les limites qu'on y voudrait mettre pour se rassurer sont éminemment poreuses.

                       L'élégance de l'écriture maîtrise ce qui se laisse si difficilement  cerner par les mots. Il faut absolument lire Laurent Pépin.

   Monstrueuses fééries et L'angélus des ogres sont publiés chez un éditeur au bien joli nom Fables fertiles. Vous pouvez les commander sur le site  https://fablesfertiles.fr/ ; 16,20 € , le premier ; 17,50 €. Belle et bonne lecture !

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