Je suis plongé dans l'excellent livre d'Eric Vuillard, La bataille de l 'Occident (Actes Sud 2012, Babel 2014); il y relit la première Guerre mondiale avec ce regard neuf qu'il est un des rares à porter sur l'histoire récente. Nous sommes loin des clichés habituels, loin du roman national que l'on nous ressasse.Son point de départ est la théorie d'Alfred von Schlieffen qui va décider de la stratégie allemande et enclencher une des premières boucheries de masse qui vont scander l'histoire de ce XXème siècle et de ce XXIème siècle qui semble ambitionner de faire encore mieux que son prédécesseur.
Le portrait qu'il trace de Schlieffen fait froid dans le dos, "la bouche est amère, les paupières lourdes" et voilà son projet :" Schlieffen table sur une offensive et une victoire rapide, mais il n'envisage en cas de piétinement, aucune solution de secours. On peut donc dire qu'il plonge le monde dans un conflit foudroyant ou dans une guerre sans fin. De toute façon, Schlieffen ne s'intéresse pas aux raisons du conflit, ni aux autres issues possibles. Il ne sait pas véritablement pourquoi il faut faire la guerre, mais il est certain qu'il le faut. La diplomatie lui répugne. Une existence passée à envisager la vie humaine comme une simple unité de compte finit par faire de lui un homme hautain vivant parmi des convictions abstraites. Il envisage la force comme la seul réponse à l'hostilité. DE plus en plus, la guerre se confondra pour lui avec l'élaboration de son Grand Mémorandum."
A quelques détails près, cela ne vous rappelle personne ?