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Billet de blog 8 juin 2008

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élitisme ou égalitarisme ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je lisais, il y a quelques temps, un livre de George Steiner. Les livres que je n'ai pas écrits (Gallimard). Steiner est un des derniers représentants d'une espèce en voie de disparition, ces hommes de culture, aussi à l'aise dans les langues anciennes que dans les vivantes, vraiment européen au sens qu'il se veut l'héritier d'une culture humaniste, à la fois rationaliste et morale, sensible à toutes les formes d'art. Elitiste, ce qui peut choquer l'époque nivelante qui est la nôtre, qui met sur le même plan toutes les opinions, toutes les expressions, accorde autant d'importance à un gribouillis qu' à un dessin, à un slogan qu'à un poème, à une chanson qu' à une symphonie. Cette culture est morte, "la consommation de masse et la technologie" l'ont tuée. Est-il possible de la ressusciter ? sans doute pas. Darcos se trompe s'il croit que c'est en revenant à des recettes du passé (le par coeur, la leçon de morale, etc) qu'on le pourra ; tout autour de l'enfant et de l'adulte vient contredire cette culture et magnifie les valeurs frelatées du monde du spectacle et de la consommation ; ces recettes ne sont que des coquilles vides si personne ne croit plus à la culture désintéressée, au temps passé à la fréquentation des oeuvres, à la valeur formatrice d'une discussion réglée et respectueuse des règles, à une culture qui reconnait qu'il y a une différence entre celui qui sait et celui qui ne sait pas (encore), entre le maitre et l'élève. Tout au plus ces "réformes" satisferont-elles la partie la plus réac de la droite ; les autres iront chercher dans des écoles privées les contenus que l'on s'acharne à vouloir détruire (cf. les projets de "formation des maîtres" que l'on nous concocte)

Tout n'est pas accessible à tous. C'est l'idée très incorrecte de Steiner. "La capacité à assimiler une argumentation complexe, à réagir à un dialogue platonicien, à un traité de Spinoza, à un opuscule de Kant ou à un sonnet de Shakespeare caractérise une minorité. Un brouillard d'hypocrisie politique et de jargon pédagogique envelloppe toute cette question. Le "politiquement correct", l'humble soumission aux droits du peuple interdisent presque de si confronter aux profondes barrières qui séparent peut-être la majorité des hommes et des femmes de l'accès aux hauteurs, aux "monuments de l'incoercible intellect" de Yeats."(p.203)

Difficile à entendre, n'est-ce pas ? La seule solution est dans une autre approche de la pédagogie. C'est à une pédagogie totalement refondée qu'il faut confier le soin de réparer les désastres engendrés par la "pédagogie dominante". Pas à un retour au passé.

"Des remèdes sont à portée de main", écrit Steiner, "il ne manque que le courage politique d'affronter et de défier ce dédain de la vie intellectuelle, cette méfiance envers l'excellence qui caractérisent la consommation de masse dans le capitalisme tardif" (p.207)

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