Il est plus que jamais indispensable de réfléchir à ce qu'implique le terme de "vengeance". La définition du dictionnaire est précise : c'est l'action de se venger, c'est-à-dire de tirer réparation d'un mal, d'une injure ou d'une offense dont on a été victime. Mais encore ? Spinoza n"est pas un mauvais guide pour tenter d'y voir plus clair dans cet affect. "Qui s'imagine haï de quelqu'un, et croit ne lui avoir donné aucune raison de haine, l'aura en haine en retour" (Ethique, partie 3, proposition XL, traduction Pautrat, Points Seuil). On est bien ici dans une sorte de spirale infernale dont on ne voit pas l'issue et dont l'origine peut aussi bien être réelle qu'imaginaire. La vengeance est illustrée dans sa version la plus caricaturale par la vendetta. Il n'y a dans cette perspective aucune éthique rationnelle possible : la haine engendre la haine. Et cela dépasse le simple face à face : "Si quelqu'un a été affecté, par quelqu'un d'une certaine classe ou nation différente de la sienne, d'une Joie ou d'une Tristesse qu'accompagne comme cause l'idée de celui-ci sous le nom universel d'une classe ou nation : il aimera ou il aura en haine non pas seulement celui-ci mais tous ceux de la même classe ou nation."(proposition XLVI)
Comment sortir de cette spirale ? C'est à quoi les premiers juristes athéniens se sont attelés en remplaçant la vengeance première, apanage de l'aristocratie, par la recherche de la justice du peuple lui-même. Il s'agit bien d'une réponse politique appuyée sur une éthique rationnelle. C'est à quoi les premiers hébreux se sont également attelés en remplaçant la vengeance par la loi du talion : il y a dans le précepte "oeil pour oeil, dent pour dent" une proportionnalité qui tient à distance l'excès même de l'interminable vengeance. Nous en sommes loin à l'heure actuelle.