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Billet de blog 9 avril 2008

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le silence du poète

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

je reviens sur ce thème du silence qui me préoccupe depuis quelque temps. Je suis bien le seul, d'ailleurs. Dans le club mediapart, le mot "silence" renvoie à un blog consacré à la musique ! La semaine dernière, un poète est mort, Hélène Mohone. Elle avait publié trois recueils de textes, chez des éditeurs exigents (William Blake, l'Atelier de l'Agneau...). Une voix s'est tue, comme on dit, et Dieu sait qu'elle était étrange, cette voix, lorsqu'elle lisait ses poèmes. Une voix grave, sensuelle, haletante parfois, rageuse ou douce, et qui suivait un rythme découvert au cours d'une enfance africaine ou éprouvé dans son corps souffrant. Elle n'avait pas peur de tordre la langue pour qu'elle exprime, au plus près, son monde intérieur et les images qui le peuplaient (tout un bestiaire à la fois familier et fantasmé, des fruits exotiques dont la saveur était encore sur sa langue, des fleurs au parfum trop lourd). De malmener la syntaxe pour obéir à l'urgence de dire, tant qu'il était encore temps, le déchirement qui était le sien entre la révolte qui noue la gorge et le désir de transmuer en mots cette révolte.

Un extrait pour ceux qui lisent encore de la poésie

"(dévoration)

dit c'est ainsi que cela s'achève trop senti ce trop

plein dit ces mots dit encore dit en s'épuisant ce

qui s'épuise se souvient se souvient de l'eau versée

fragilité des corps remémorés se souvient étreinte

nu-tête se souvient du corps à l'odeur féroce sang

mêlé d'excréments fugace l'odeur de ce qui fut

En mourant qui s'efface"

de loin, aux éditions Atelier de l'agneau

Qu'est-ce qui reste d'une voix retournée au silence ? La mémoire des voix de ceux qui nous ont quitté est des plus fragiles, celle peut-être qui s'efface la première. Quelle(s) voix entendront ceux qui d'aventure liront ce texte ? C'est au texte qui ne parle pas qu'est confiée la parole de qui ne parle plus, sa mélodie, ses inflexions, ses éclats, ses échardes. Seul le silence permet à la voix qui s'est tue d'être, à nouveau, entendue.

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