Je tombe sur ces lignes de`Jacques Ellul dans le Bluff Technologique (2010) et ne résiste pas au plaisir de les rappeler. Elles sont directement transposables à la situation actuelle/
Les Jeux olympiques "ne sont plus rien des Jeux Olympiques, qui étaient tout autre chose : d'abord ils n'étaient pas seulement sportifs (il y avait chant, théâtre, lectures poétiques, etc.)mais surtout c'était le moment de regroupement et de rencontre de toutes les cités grecque, même en guerre. Pendant les jeux, la trêve s'imposait, la guerre s'arrêtait, l'unité de la Grèce était reconstituée, et je suppose que les entretiens diplomatiques devaient trouver là une bonne occasion pour résoudre des problèmes. Nos "Jeux Olympiques" sont exactement le contraire : ils sont l'occasion de sanctions contre tel pays, de ruptures, d'expressions de conflits ! Les uns refusent d'aller à Moscou, les autres d'aller aux Etats-Unis, on exclut tel pays maudit (en l'occurrence aujourd'hui l'Afrique du Sud). Autrement dit ces "jeux" sont un moyen de combat et par conséquent manifestent bien la mutation que le sport a subie du fait de la technicisation de la société (et non pas de la politisation, car il n' y avait pas de monde plus politisé que le monde grec !) : il faut à tout prix écraser le concurrent. Telle est la loi sans loi, impitoyable, de la technique en même temps que du sport : à partir du moment où celui-ci est pris au tragique mystique par le public, exalté par tous les médias, où les sportifs reçoivent les honneurs qui étaient autrefois réservés aux généraux et maréchaux d'Empire, où leur gloire dépasse celle des vedettes traditionnelles, il est évident que les "jeux" ne sont plus des jeux, mais des compétitions mortelles, des affrontements sans merci, une véritable lutte manichéenne. Et de ce fait, les jeux ne peuvent plus être "Olympiques", de paix et de dialogue, mais de rivalité féroce." (p.660/661)