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Billet de blog 12 mars 2023

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Evolution de l'Education nationale ?

Le hasard m'a remis sous les yeux des pages écrites il y a une bonne trentaine d'années. L'étonnant est que j'en pourrais reprendre bien des lignes sans que cela détonne dans la situation actuelle. Je suis le premier conscient de ce que ces pages ont de caricatural et qu'elles risquent de soulever l'indignation des uns et des autres. Caricatural ? pas si sûr que ça.

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 Me suis toujours demandé qui s'intéressait vraiment, dans cette grande machine qu'est l'Education nationale, à ceux dont tout le monde a toujours proclamé qu'ils devaient en occuper le centre : les élèves      

     -    les gouvernements successifs, de droite comme de gauche ? l'enseignement a-t-il jamais été déclaré grande cause nationale ? S'est-on donné les moyens d'une vraie politique qui définisse aussi bien la formation des maîtres, l'accueil des élèves, la définition des programmes, les passerelles, les sas de remise à niveau, l'ouverture sur des pratiques culturelles.

          chaque gouvernement, dans l'urgence, a cherché à réformer tel ou tel secteur, avec souvent les meilleures intentions du monde, avec, parfois, des résultats tout à fait intéressants. Mais chaque gouvernement dans le même temps a supprimé ce que son prédécesseur avait mis en place, que cela ait commencé ou non à porter des fruits.

          On sait très bien que sont nombreux ceux qui pensent que la machine est ingérable et qui rêvent d'en céder des pans entiers au privé. Ce qui se fait déjà pour l'enseignement commercial , ceux qui rêvent aussi du jour où les ordinateurs remplaceront les profs.

          Tous en tout cas se fichent comme d'une guigne des laissés pour compte du système qui se retrouvent sans rien à la sortie de l' école ou qui encombrent des filières qui depuis longtemps ne sont plus que des impasses. La France est pauvre, paraît-il. Elle n'aura qu'un deuxième sous-marin à propulsion nucléaire. Quelle tristesse !

   -      Les ministres ? Je ne reviens pas sur ce sujet. Ils mènent une vie de ministre. Ils sont heureux d'être là plutôt qu'au ministère des Anciens Combattants. Certains ont des idées, d'autres ont des femmes, certains font partie de la bonne vieille maison, d'autres non ; on tient l'un pour un grand philosophe, l'autre pour un grand savant, (ce qui fait doucement rigoler ceux qui se souviennent des bourdes lâchées par l'un et par l'autre dans leur domaine respectif.)  On dit d'eux qu'ils ont de jolies cravates ou qu'ils doivent travailler beaucoup parce que ça fait longtemps qu'ils ne sont pas allés chez le coiffeur ou qu'ils sont rudement mal élevés, ce qui la fout mal quand on est à la tête d'un tel ministère. Ils se font tancer comme n'importe quel larbin, vider comme n'importe quel salarié. Ils profitent de leur passage au ministère pour gagner des sous, échanger leur trois-pièces-cuisine contre des logements de fonction un peu lus vastes, ne plus être obligés de faire cuire les spaghetti du dimanche soir ni de porter le petit déj de bobonne au pieu. Ils se font des tas d'amis, des tas d'amis aussi - ce sont souvent les mêmes.

                Et zut, j'y suis revenu.

     - Les parents. Bien sûr, ils veulent ce qu'il y a de mieux pour leurs chers petits. Ils sont prêts à taper sur la gueule des profs qui leur mettent de mauvaises notes ou du principal qui ne tient pas ses troupes. Public ou privé, ils s'en foutent pourvu que le résultat soit garanti.

    Mais, bien sûr aussi, si ça peut faire chier le gouvernement, ils se battent comme des lions pour la défense de la  laïcité ou celle de l'enseignement libre. Ils sont majoritairement favorables à la semaine de quatre jours, ça crève les mômes mais on peut partir en week-end.

 Il y a longtemps qu'ils ont cessé de comprendre ce qu'on en seigne à leurs moutards. Ils détestent ces cons de profs qui sont toujours en vacances.

Quand ils sont eux-mêmes profs, ils connaissent toutes les ficelles, les bons collèges, les bons bahuts, les bonnes sections, les bons profs (mais si, il y en a ), les bonnes filières.

        - les profs. Ils sont avant tout prof de... ( à l'exception notables des profs de philo, qui, eux, sont philosophes). Cela veut dire qu'ils défendent leur discipline qui est, à leurs yeux, la reine des disciplines. Le prof de serbo-croate est convaincu qu'il faudrait donner à l'enseignement du serbo-croate toute la place que mérite cette belle langue (très formatrice par sa rigueur), cette culture (mal aimée, et c'est injuste, parce qu'elle a su montrer au monde entier comment résoudre des problèmes délicats de cohabitation). Il est prêt à se dévouer corps et âme pour convaincre les autorités d'ouvrir des sections de serbo-croates dans tous les établissements, il connaît tous les secrets du lobbying, organise des voyages linguistico-culturelo- touristiques.

       C'est ainsi que les profs de maths ont accepté que leur discipline devienne un simple moyen de sélection dans des filières où l'on n'a besoin que d'une calculette (mais un simple boulier ferait aussi bien l'affaire) - filières commerciales ; dans d'autres où le langage mathématique donne un certain air de respectabilité à ce qui n'est que l'idéologie - sciences économiques. Grande erreur, me semble-t-il, car les vrais matheux se font rares.

      C'est ainsi que l'on a continué à payer des profs d'université qui n'avaient qu'un ou deux étudiants, quand ils en avaient ! pour que survive la discipline - perinde ac cadaver. Personne ne se scandalise du coup social que représentent certaines disciplines ainsi maintenues sous assistance respiratoire. Il est entendu que ça ne sert plus à rien, que des élèves qui peinent à parler correctement le français ne l'amélioreront certainement pas grâce aux barbarismes et aux solécismes qu'ils multiplient en latin et en grec. Mais enfin, il y a encore des profs de langues anciennes, on ne va pas quand même les euthanasier - j'en suis bien d'accord, j'adore ceux que je connais - mais ne pourrait-on pas les empêcher de se reproduire ? Dois-je rappeler que les lycées où cet enseignement est programmé se comptent sur les doigts de la main, ailleurs, il n'existe qu'à titre de curiosité pour un ou deux élèves. Et ces mêmes profs ne désirent que transmettre leur savoir, faire partager leur passion, maintenir une tradition humaniste qui a fait ses preuves (oublions les bons philologues allemands nazis...) - ou bien sauver leur peau et leur poste ? Ils ont des arguments qui paraissent imparables à leurs pairs : tout fout le camp ! Les élèves ne savent plus rien ! Comment comprendront-ils la littérature française, l'histoire de l'art s'ils ignorent les bases mêmes de notre culture ?

     Autre exemple : lorsque Jospin, ministre de l'Education nationale, reprend une idée du GREPH (Groupe de Recherche sur l'Enseignement de la Philosophie) qu'avait impulsé Derrida : qu'on commence la philosophie avant la Terminale. Le GREPH souhaitait que ce soit à partir de la seconde, des extrémistes allaient même jusqu'à souhaiter que cela commence dès la sixième, le ministère proposait une initiation en première. C'était mieux que rien. La réforme a été sabordée par les associations des profs de philo pour la simple et unique raison qu'ils ne voyaient pas comment faire tenir en deux heures le programme de terminale : les cons ! pas un pour penser qu'on pouvait imaginer autre chose que ce à quoi ils avaient été habitués, une initiation justement.

        - Qui ai-je oublié ? l'administration elle-même. Les chefs d'établissements sont des gestionnaires qui vivent les yeux fixés sur les classements publiés par quelques journaux - les meilleurs lycées, les meilleures classes préparatoires, les meilleures cantines, les internats qui ont la meilleure literie... Leur mérite essentiel est de tenter de répercuter les instructions concoctées par le Rectorat qui sont généralement rédigées par des analphabètes,

                    et pourtant, ça marche. Beaucoup mieux qu'on ne le dit. En dépit des blocages, des obstacles, des incuries, des psychopathes, des mots d'ordre contradictoires. Ca Marche. Ca innove dans tous les coins. Ca bricole dans des conditions parfois  ahurissantes. Du savoir est transmis. Du goût pour la recherche et la réflexion. Jusqu'à quand ?

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