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Billet de blog 13 avril 2009

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A propos de la polémique

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

c'est un mot à la mode, un de ces mots comme en découvrent souvent les gens des medias et dont ils s'enchantent, le répétant à qui mieux mieux, le mettant à toutes les sauces - en attendant qu'un autre mot vienne le remplacer. Polémique ! polémique ! elle fait rage après la déclaration de..., elle est suscitée par la mesure prise par..., elle s'apaise, elle cède la place à une nouvelle qui ne demande qu'à enfler..., elle est très souvent jugée basse, ignoble même, par ceux qui en sont les victimes et qui en dénoncent la méchanceté alors qu'ils s'attendaient à un concert de louanges.

Si l'on regardait un peu dans les dicos ! le mot vient du grec "polemikos" qui signifie qui concerne la guerre, qui est disposé à la guerre, batailleur, belliqueux. La racine "polemos" est utilisée par Homère pour désigner le combat, la guerre. Quant au verbe "pelemizein" il veut dire agiter, secouer, repousser avec force. Certes, son sens s'est affadi, comme beaucoup de choses, à notre époque, et n'évoque plus que le débat, la dispute - mais avec il a gardé un lien avec sa violence originaire, cette violence est toute verbale et se traduirait sans doute difficilement en horions quoique....

Voilà donc notre société qui abhore la lutte des classes, qui n'a pas de mots assez durs pour condamner la violence que les méchants ouvriers font subir à leurs gentils patrons en les séquestrant, c'est-à-dire en les gardant avec eux à l'intérieur de l'usine alors que les patrons, eux, veulent seulement mettre les ouvriers dehors, voilà que notre société, donc, trahit, dans le langage même qu'elle utilise, la violence qu'elle s'est donné tant de mal à euphémiser, comme l'aurait dit Bourdieu. Voici que la guerre que nous croyions avoir mise à l'écart fait retour, et qu'elle soit verbale ne change rien à l'affaire - car il y a des mots qui tuent, et nombreux sont ceux qui, s'ils avaient un peu de pouvoir, passeraient facilement à des mises à mort à balles réelles.

Ici même, il ne fait pas bon être partisan de Bayroux, ou de Royal, il ne fait pas meilleur pour un catho, qu'est-ce qu'on ne prend pas dans la gueule, Mediapart y compris, suppôt, support de tout ce que les anti-machins honnissent par-dessus tout, alors qu'il y a parfois une indulgence qu'on pourrait dire coupable à l'égard de certains écarts de langage. Mais, bon, ça n'est que de la polémique, une bonne et saine bagarre, où les coups ne marquent pas, on y dépense son trop-plein d'énergie, ça permet de ne pas se fatiguer en courant....

Et je n'ai rien contre. Sauf qu'à certains moments je ne suis pas convaincu par l'usage de cette forme-là de violence. Elle me paraît ne faire que diversion, elle me semble détourner des vrais combats à mener, elle oublie qu'il y a une violence factuelle qui a toujours existé

dans nos sociétés, mais qui, à l'heure actuelle, se déchaîne et c'est contre cette violence qu'il nous faut lutter. Or nous perdons notre temps en des combats parfaitement stériles, à des moulinets verbeux, à des rodomontades qui n'ont pour effet que de conforter le pouvoir en place.

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