patrick rodel

Abonné·e de Mediapart

533 Billets

6 Éditions

Billet de blog 16 mai 2025

patrick rodel

Abonné·e de Mediapart

Henri Guillemin, Chez Sangnier, textes et articles 1923-1935, (utovie/h.g.)

La version numérique gratuite de ce livre est disponible sur www.utovie.com

patrick rodel

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

                    Ce recueil de textes peu connus de Guillemin que nous devons au travail patient de Patrick Berthier tombe à point nommé. Il nous permet de mieux comprendre les engagements politiques de Guillemin, depuis sa première rencontre avec Marc Sangnier, quand il n'est encore qu'un jeune khâgneux, jusqu'au moment où il s'éloigne de la France pour l'Egypte où il est professeur de littérature française à l'Université du Caire (cf Chroniques du Caire 1937-1939 une certaine idée de la critique, édition établie par Patrick Berthier, Utovie 2019). Guillemin va, lorsqu'il entrera à l'Ecole normale supérieure, en 1923,  devenir un des secrétaires de Sangnier - ce qui lui coûtera de repasser le concours d'agrégation... - ; il va suivre Sangnier dans toutes ses campagnes électorales et en rendra compte dans la presse du Sillon, avec des accents enthousiastes ; dans la même presse, il abordera , très vite, des sujets plus généraux comme la situation en Allemagne, en Italie, des analyses sur l'état d'esprit de la jeunesse étudiante ou, déjà, des critiques de livres ou de films. La diversité des centres d'intérêt de Guillemin est grande.

                    Mais ce qui ressort le plus de ces pages c'est l' admiration inconditionnée qu'il éprouve pour Marc Sangnier, pour son charisme, son éloquence simple et directe, la rigueur de son analyse politique tout entière centrée sur la condition ouvrière . Sangnier prend au sérieux l'encyclique Rerum novarum de Léon XIII mais il la pousse bien plus loin que ne l'avait souhaité le Pape : il s'agit bien d'accepter le régime républicain que les catholiques bien pensants abhorraient, comme le recommandait Léon XIII,  mais aussi de dénoncer vigoureusement l'exploitation des ouvriers par le système capitaliste, ce qui allait à l'encontre de la position papale qui luttait contre le socialisme athée et défendait mordicus la propriété privée. Sangnier incarne cet engagement chrétien aux côtés des plus pauvres, ce qui se traduira par sa volonté de donner aux ouvriers accès à la culture, par sa défense d'une économie coopérative, par son pacifisme, par son désir de surmonter les différences de classe en offrant à tous l'occasion de se retrouver dans les premières Auberges de Jeunesse. Cette gauche chrétienne aura son prolongement  naturel dans le Parti Jeune République mais aussi dans Témoignage chrétien.

                    Je me suis étonné qu'il n'en soit pas question dans la monumentale Histoire du catholicisme de la Révolution française  au Pape François de John T  Mc Greevy, qui préfère centrer son analyse sur des gens de meilleure compagnie, en oubliant que les partis se réclamant de la démocratie chrétienne, en France comme en Italie, ne sont pas sortis indemnes de leur exercice du pouvoir.

                   On a voulu, ces temps derniers, faire de Sangnier un des fondateurs de la démocratie chrétienne. C'est factuellement faux. Le Sillon est le premier à avoir traduit en termes politiques les exigences de la foi chrétienne alors que les fondateurs de la Démocratie chrétienne ont eu pour but de s'éloigner du radicalisme qu'impliquait le mouvement du Sillon. La lecture de ces textes de Guillemin permet de se replonger dans une période de l'histoire que nous avons peut-être oubliée.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.