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Billet de blog 18 janvier 2024

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Il faut lire Günther Anders (2)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

                   Günther Anders s'appelle de son vrai nom Günther Stern. Il fait partie de ces juifs qui se sentent complètement assimilés à la culture et à la société allemandes. A l'arrivée d'Hitler, Günther quitte l'Allemagne et se réfugie en France avant de partir pour les Etats-Unis. (1933/1950) Il écrira sur la condition des réfugiés des lignes très fortes sur lesquelles je reviendrai dans le billet suivant.

                    En 1974, il écrit "Ma judéité" qui sera publié dans un ouvrage collectif en 1978. La traduction de cet article est publiée aux éditions Fargo en 2016 avec une nouvelle intitulée "Léarsi", des poèmes, d'un texte consacré à Husserl et Edith Stein "Un professeur, deux élèves, trois juifs", et d'une lettre adressée à son neveu, "Lettre à mon neveu de Jérusalem que je ne connais pas encore, pour qu'il la lise dans quinze ans. Ecrite le jour historique de la proclamation de l'Etat juif."

                     Anders évoque ses premières expériences d'enfant et d'adolescent de l'antisémitisme. Pourtant il appartient à une famille qui a rompu avec la religion juive."Si mon père était fier d'un aïeul juif, c'était justement et seulement de celui qui avait commencé à déjudaïser le judaïsme". cette libération, Anders la retrouve chez Marx, Einstein, Freud, Husserl, Schönberg. Il voit dans l'émancipation du ghetto la possibilité pour certains de s'engager dans des mouvements révolutionnaires - le capitalisme n'étant pour eux qu'un autre ghetto. Mais comment ne pas se savoir tributaire de cette si longue histoire qui, au travers de l'exil, des pogroms, des massacres, de la Shoah a su transmettre leur histoire propre, leur fidélité à la Thora, leurs coutumes, en un mot leur identité. (p.31), et Anders répète à plusieurs reprises ce qu'il doit à ses ancêtres,  aux ancêtres de ses ancêtres et aux ancêtres des des ancêtres de ses ancêtres. Hommage à une continuité qui demeure unique.

                    Mais pour lui, "je n'appartiens pas, dit-il,  au judaïsme sur un mode national, je veux dire par là que je ne suis ni sioniste ni Israëlien." Pour quelles raisons ? la plus évidente est son rejet du nationalisme - marque indélébile de la théorie sioniste -. De là son malaise devant Israël et son appréhension du danger qui menace, "que les éternels opprimés deviennent des oppresseurs, s'ils ne le sont pas déjà un peu devenus - et ce serait effectivement moralement plus terrible que n'importe quel pogrom dont ils ont souffert."((p.28) Ces lignes datent, de 1974, mais dans la lettre qu'il écrivait à ce petit David  en 1948 Anders prévenait son neveu des dangers qu'il voyait se profiler à l'horizon du tout jeune Etat d'Israël."Si vos parents sont arrivés dans une nouvelle patrie, c'est parce qu'on leur a retiré les droits qui leur revenaient en tant qu'humains. Tire la conclusion, David. Maintenant, c'est à vous de devenir l'incarnation de ce qu'on leur a refusé. A deux pas, David, habite un garçon arabe de ton âge. Sois juif. Mais ne sois pas que juif. (...)Maintenant tu as une maison. Réjouis-toi. Mais ne construis pas de murs, David, et laisse les fenêtres ouvertes."

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