Voilà presque 15 années que Boualem Sansal recevant le Prix de la Paix des libraires et éditeurs allemands déclarait voir dans le Printemps arabe le signe avant-coureur d'un changement considérable dans un monde qui en était resté sous la domination de dictateurs sanguinaires. "Ce qui se passe à mon avis n'est pas seulement la chasse aux vieux dictateurs obtus et sourds et ne se limite pas aux pays arabes, c'est un changement mondial qui s'amorce, une révolution copernicienne : on veut une vraie démocratie, universelle, sans barrière ni tabou. Ce qui violente la vie, l'appauvrit, la restreint, la dénature, est devenu insupportable à la conscience du monde, on le refuse de toutes ses forces. On refuse les dictatures, on refuse les extrémistes, on refuse le diktat du marché, on refuse l'emprise étouffante de la religion (...) on refuse les pollueurs, partout on s'indigne, on s'insurge, contre ce qui fait mal à l'homme et à sa planète." Et le voilà, emprisonné par un régime algérien dictatorial ; et voilà la Tunisie sous la coupe d'un tyran qui s'arroge tous les pouvoirs ; et voilà le monde sidéré par les politiques convergentes de Poutine et de Trump ; et voilà la planète à feu et à sang ; et voilà l'humanité aveugle à la proximité de son propre anéantissement....
Comme elle était belle son espérance d'alors, comme elle frémissait de joie à l'évocation d'un monde enfin parvenu à un équilibre entre les peuples, entre l'homme et la nature ! Il faut que les forces de destruction soient diablement puissantes pour avoir résisté à ce grand vent de liberté ; que l'alliance des puissances d'argent avec une technologie débridée et des fantoches politiques qui ne voient que leur intérêt immédiat soit indéracinable pour que tout appel à résister apparaisse comme criminel. Droit dans le mur ? Est-ce la seule perspective qu'il nous reste ? N'y a-t-il vraiment aucune issue ? Même lorsque les déshérités de tous les continents auront disparu - tués par les guerres, les épidémies, la famine, les pollutions - que restera-t-il aux puissants terrés dans leur bunker ? pas d'autre solution que de partir sur Mars ? Pitoyable de bêtise, tragique et absurde idéal.