patrick rodel

Abonné·e de Mediapart

539 Billets

6 Éditions

Billet de blog 21 juin 2016

patrick rodel

Abonné·e de Mediapart

A qui profite le crime ?

patrick rodel

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je me fais avec plaisir le relai de cet article de mon ami Hervé Le Corre qui raconte avec le talent qu'on lui connaît et la rigueur politique qui a toujours été la sienne les  manipulations du gouvernement et des medias à propos des dernières manifestations. Je peux en reprendre chaque terme à mon compte.

                           "Le lundi 13 juin au soir, un commandant de police et sa compagne sont assassinés à leur domicile par un djihadiste. Crime terroriste odieux, barbare. Leur petit garçon de trois ans, pris en otage par le tueur, est retrouvé en état de choc. On ne sait quel traumatisme aura été le sien, ni comment il pourra s'en sortir. Révolte. Nausée.

                            Le lendemain, une foule considérable défile à Paris contre la  loi travail, à l'appel de l'intersyndicale en lutte depuis des mois. Dans le calme, la dignité. Avec colère et détermination. Des groupes de "casseurs" affrontent les forces de l'ordre, saccagent, dégradent.Certains s'en prennent à l'hôpital Necker des enfants malades.

                           Acte 1 : Le soir même, sur France 2, le ministre de l'Intérieur se livre à un amalgame : on s'en prend dans ce pays aux policiers qui font avec courage et abnégation leur devoir dans un contexte compliqué et tendu : mobilisation syndicale, menace terroriste. Il établit très clairement un parallèle entre le crime commis contre le couple de fonctionnaires de police et les incidents provoqués pendant la manifestation. Et il va même jusqu'à fustiger l'attaque contre l'hôpital en précisant que le petit garçon des deux victimes y a été conduit la veille. La boucle est bouclée.

                          Acte II : Le mercredi 15 juin, sur France Inter, Manuel Valls reprend les termes de l'amagalme opéré par son ministre de la police. Séquence émotion. Et il finit par trouver à ce déplorable climat antipolicier un responsable : la CGT. Pas l'intersyndicale, non. La CGT seule, stigmatisée depuis quelques semaines à cause d'une affiche dénonçant les violences policières. CGT qui n'aurait pas su maintenir l'ordre. Dont le service d'ordre aurait eu une attitude ambiguë. Dont les manifestations mêmes seraient la porte ouverte à tous les excès, à toutes les violences. Comme on lui fait remarquer que c'est à la police que revient la tâche d'assurer et rétablir l'ordre. M. Valls élude, insiste et demande à la CGT, voire exige d'elle, de ne plus manifester dans Paris.

                      Bien sûr, on ne lui rappelle pas les graves troubles à l'ordre public causés à Marseille par les hooligans, qu'il se garde bien de fustiger. Qu'on sache, pour l'instant, les jeux du cirque (l'Euro de foot) n'ont pas été perturbés par des syndicalistes ou des grévistes, mais par des bandes d'extrême droite imbibées d'alcool. On attend toujours, à ce sujet, les protestations de Mme Le Pen ou de l'un de ses porte-serviettes qui assurent son service après-vente.

                        A Paris, on dénombrerait plus d'une vingtaine de policiers blessés, deux fois plus que de manifestants touchés. On se demande, du coup, comment désigner les dizaines de personnes ensanglantées, contusionnées, après que quatre ou cinq valeureus policiers se sont acharnés dessus : ces blessures font-elles moins mal ? Occasionnent-elles moins de dégâts ? Y a-t-il un médecin légiste dans la salle ?

                          Acte III : Dans la matinée du 15 juin, le président de la République envisage explicitement d'interdire des manifestations qui ne répondraient pas aux critères de sécurité et d'ordre public. Quels critères ? Définis par qui ?

                        Le pouvoir socialiste, secondé en cela par les droites, n'hésite plus à instrumentaliser l'émotion suscitée par les crimes terroristes pour étendre la notion de maintien de l'ordre et de sécurité : par-delà l'état d'urgence, c'est bien à une restriction des libertés publiques qu'on assiste, sans précédent en temps de paix dans ce pays. Démocratie mise à mal à coup d'amalgames et de manipulations qui rendent finalement, avec un cynisme révoltant, si profitables les crimes les plus odieux.

                  En outre, de tout temps, les pouvoirs aux abois ont usé des méthodes de basse police pour discréditer, criminaliser les protestations politiques ou sociales. Manipulation, infiltration des groupes les plus violents. Comment ne pas s'interroger aujourd'hui sur l'empressement malsain avec lequel nos gouvernants et les grands médias jouent sur les peurs, les émotions, à coups d'analogie scabreuses et de mensonges éhontés ?

                    Il n'y a pas de complot. Cette fuite en avant répressive, antidémocratique, est l'expression brutale d'une mutation assumée, pensée, du pouvoir politique dans ce que l'on peut encore appeler nos démocraties, ces fictions mises en scène par les grands médias. Socilistes au pouvoir et droites aspirant à y (re)venir préparent des jours sombres, des temps de fer. Le règne d'une caste politico-financière prête à tout, à vraiment tout, pour garder le pouvoir et faire taire toute dissidence."

                                                                                Herné LE CORRE

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.