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Billet de blog 21 novembre 2008

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Tant qu'il y aura des champignons

Dimanche dernier, au Salon du livre gourmand de Périgueux, l'ambiance était chaleureuse, mais le chaland avait visiblement autre chose en tête que les raffinements gastronomiques que certains éditeurs lui proposaient - et pourtant tout cela était très alléchant ! mais en cette période difficile, le panier moyen, comme disent les libraires, du visiteur était à la baisse.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dimanche dernier, au Salon du livre gourmand de Périgueux, l'ambiance était chaleureuse, mais le chaland avait visiblement autre chose en tête que les raffinements gastronomiques que certains éditeurs lui proposaient - et pourtant tout cela était très alléchant ! mais en cette période difficile, le panier moyen, comme disent les libraires, du visiteur était à la baisse. Le titre, la couverture du livre attirent l'oeil ; on s'arrête, on feuillette, on admire les photos, on salive à la lecture d'une recette, on échange, en connaisseur, quelques propos avec l'auteur, sur les champignons, pas fameuse la récolte, cet automne, mais dans le Médoc, ça pousse - oui, mais ce ne sont pas de vrais cèpes, enfin, ceux d'ici... Et puis, après avoir soupesé le livre comme pour en estimer la valeur, le promeneur le retourne et fait la grimace devant le prix - même lorsque le fameux principe du bon rapport qualité/prix est tout à fait respecté.

Un peu lassé d'attendre le client, j'ai fait un tour dans les travées pour me faire une idée de la production des collègues et j'ai découvert une perle rare à laquelle j'aimerais bien faire un peu de pub. Christopher Till Geissler publie, chez Le serpent à plumes, un bouquin plein d'humour et de fantaisie, intitulé Lamelles, sur ...les champignons, on s'en serait douté. La quête des morilles, des oronges, des cèpes prend une dimension à la fois poétique et philosophique ; elle plonge dans l'enfance, se nourrit de connaissances extrêmement précises empruntées aux meilleurs spécialistes, comme Romagnesi, elle se révèle initiatique lorsque le promeneur, rêveur solitaire d'ordinaire, admet à ses côtés un compagnon ou une compagne ; elle permet à la fois de développer un sens très aigu de l'observation, un amour de la nature et des surprises qu'elle nous réserve, une gratitude immense à l'égard du long cheminement qui s'est accompli, tout au long des millénaires, pour que nous soit donnée l'émotion intense de la rencontre d'un Bolet royal ou du Clathre rouge - je garde, pour ma part, un souvenir précis, d'une promenade dans l'Entre-deux mers, je ne devais guère avoir plus de douze ou treize ans et mes connaissances en la matière étaient très incomplètes et ne dépassaient celles que je tenais de mon père, fondamentales, il est vrai, impossible donc d'identifier cette chose, où m'était apparue cette surprenante cage d'un rouge vif, sur le bord d'un fossé : une forme qu'on pourrait croire sortie d'un tableau de Tanguy, rien d'un champignon à première vue, plutôt un chef d'oeuvre incongru et mystérieux -; du lent cheminement, souterrain cette fois, que parcourt le mycélium avant que n'éclose cette fleur à nulle autre pareille. Et ce plaisir ne serait pas complet s'il n'était suivi d'une dégustation entre amis des produits de cette quête - Geissler aime les recettes classiques, mais ne dédaigne pas les innovations.

Bien sûr, on peut lui reprocher de ne faire aucune place aux girolles - mais c'est sans doute parce que la girolle occupe dans mon imaginaire mycologique une place de choix. En tout cas, je lui pardonne volontiers ce manquement, tant les pages sur les Volvaires et les Phallus impudicus sont d'un érotisme exquis et son pastiche de Sherlock Holmes est d'un humour impeccable.

La situation de l'économie mondiale vous déprime, les coups bas de Darcos contre l'enseignement vous accablent, les amabilités échangées au PS vous désolent à proportion de la joie sans pudeur qu'elles font naître chez les gens de droite, la pluie qui tombe sans discontinuer menace de vous diluer dans le paysage - changez d'air et partez à la suite de Geissler, je suis sûr que vous me remercierez !

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