Le hasard de mes lectures quotidiennes m'a fait tomber sur deux textes qui ne manquent pas d'intérêt, dans le moment que nous traversons ; ils viennent d'horizons bien différents, ce qui fait tout le sel de leur rencontre.
Le premier vient de l'étude qu'Anselm Jappe consacre à Guy Debord (éditions La Découverte) : c'est à propos de Mai 68 : "pendant quelques semaines il y avait eu une démission de toutes les autorités, un sentiment que "tout est possible", un "renversement du monde renversé", qui représentait à la fois un événement historique et quelque chose qui concernait les individus dans leur essence intime et quotidienne. C'était la preuve que chez un grand nombre de gens sommeille le désir d'une vie totalement différente, et que si ce désir trouve le moyen de s'exprimer, il peut à tout moment mettre à genoux un Etat moderne. : exactement ce qu'avait affirmé l'Internationale Situationniste. Si un autre mai 68 ne s'est pas reproduit jusqu'à présent, il n'en demeure pas moins que les causes qui l'ont créé n'ont pas pour autant disparu, et que si un jour le désir d'être maître de sa propre vie devait redescendre dans la rue, on se rappellerait plus d'un enseignement de l'Internationale situationniste."
L'autre est tiré d'un article d'Henri Guillemin, Bossuet contre Fénelon ou la politique sous un masque ( Henri Guillemin, De l'Histoire et de la littérature, sélection d'articles 1964-1974, préface de Guy Peeters, édition établie pas Patrick Berthier, Utovie/h.g. - j'en parlerai plus longuement dans un prochain billet). "L'Eglise, précédemment (i.e. avant Louis XIV) s'en tenait (du moins pour la théorie) à saint Thomas d'Aquin, lequel déclare que nul homme n'a, de soi, pouvoir et commandement sur ses semblables ; que Dieu seul est le maître des "rois" comme des sujets ; et qu'en conséquence un chef - qu'il doive sa puissance à l'hérédité ou à l'élection - ne détient légitimement l'autorité qu'à la condition (absolue, rigoureuse) de faire de cette autorité un emploi conforme à la "volonté divine", c'est-à-dire au bien commun et à la justice. Saint Thomas, du reste, inclinait à penser que le souverain, quel qu'il fût, n'était que le délégué du peuple. "Omnis potestas a Deo per populum", autrement dit : tout pouvoir dérive de Dieu, est subordonné à Dieu, par l'entremise de la collectivité qui désigne, ou accepte, ce chef dont l'autorité n'est valable que si lui-même se considère comme au service de ceux qu'il guide. Autrement dit encore : le souverain perd tout droit de commander s'il fait dévier dans son emploi le pouvoir dont il est investi et cesse d'en faire usage au profit du bien commun."(P.58/9)
Textes à méditer pour le (je n'écris pas "notre) Président