Faire un geste

Je m'étonne toujours de l'ignorance des gens qui nous gouvernent et de l'usage qu'ils font de la langue française sans en connaître les subtilités et les nuances. Ainsi de cette demande, répétée à longueur d'éditos, que le Président Macron adresse à Total Energie : "faire un geste" en direction des automobilistes qui subissent de plein fouet les augmentations qu'on sait de l'essence. L'expression dit le mépris complet pour ceux à qui l'on accorderait, peut-être, une ristourne sur le prix qu'ils auront à payer à la pompe ; il suffit d'ouvrir un dictionnaire pour en comprendre le sens : faire un geste c'est faire preuve de bonne volonté sans pour autant s'investir totalement - le hasard des mots est cruel car il est clair que les investissements de Total obéissent à une toute autre logique...-; c'est apporter une  contribution, une assistance modeste. En un mot, c'est faire l'aumône ; c'est ne distraire qu'une partie infime de son capital pour se donner bonne conscience et mériter les compliments et les remerciements des humbles quémandeurs que sont nos dirigeants. Quand un journaliste plus courageux que les autres demandait, ce matin, à Gabriel Attal si l'on ne pouvait pas taxer les super-profits réalisés par Total, Attal ne pouvait certes pas faire son Lemaire et s'écarquiller les yeux en demandant ce que c'était que des super-profits, mais il croyait user d'un argument imparable en disant que Total payait déjà beaucoup d'impôts en France pour les petites activités qui sont les siennes et que, dans les autres pays où ses activités sont beaucoup plus importantes, il payait ce qu'il devait payer comme impôt selon la législation des pays où  il  s'investit. Point. Il n'y a pas à discuter. On aurait peut-être pu lui demander ce qu'il en était des dividendes versés  par Total à ses actionnaires - un simple geste aussi ? La question aurait était d'une grossièreté sans pareil. On en reste là - un geste, une aumône, une piécette - estimez-vous bien heureux et dîtes merci au monsieur.