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Billet de blog 23 septembre 2013

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les oligarques

Le hasard m'a fait découvrir, chez un ami qui déménageait, un petit livre de Jules Isaac (pseudonyme Junius) écrit en 1942, publié en 1946 aux éditions de Minuit. Isaac, le fameux, qui, avec son complice Mallet a écrit ces manuels d'histoire qui nous ont formés dans nos jeunes années et jusqu'à Ulm - pas si mal, si j'en juge ce qu'il nous en reste.

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Le hasard m'a fait découvrir, chez un ami qui déménageait, un petit livre de Jules Isaac (pseudonyme Junius) écrit en 1942, publié en 1946 aux éditions de Minuit. Isaac, le fameux, qui, avec son complice Mallet a écrit ces manuels d'histoire qui nous ont formés dans nos jeunes années et jusqu'à Ulm - pas si mal, si j'en juge ce qu'il nous en reste.

                     Il raconte comment la démocratie athéniene a été victime des complots des oligarques qui n'ont reculé devant aucun crime pour établir un régime qui soit conforme à leurs intérêts. Il relate les horreurs de la guerre civile, l'héroïsme du peuple qui se souvient encore de la grandeur d'Athènes et qui ne sombre jamais tout à fait, même lorsque les persécutions des Trente Tyrans culminent dans l'horreur et la terreur. Il dresse des portraits extrêmement vivants des principaux acteurs de cette période - Critias, Thrasimène, Thrasibule -, il dénonce l'action délétère de certains intellectuels - les sophistes, Sophocle -.

                  Et, bien sûr, Isaac s'intéresse à cette histoire parce que le parallèle s'impose avec ce que la France est en train de vivre - la destruction de la République, la collaboration avec l'ennemi qui va au-delà des souhaits mêmes de ce dernier. Il ressort que les oligarques sont les ennemis viscéraux de la démocratie et qu'ils sont prêts à tout pour la détruire ; ils sont des comploteurs dans l'âme. Isaac insiste beaucoup sur le rôle  des hétairies, ces sociétés secrètes où se retrouvaient tous les nostalgiques de l'ordre ancien (l'ennui, c'est qu'elle sont vraiment secrètes et qu'on n'a pas beaucoup d'éléments concrets à se mettre sous la dent et qu'on doit se contenter de soupçons plus ou moins étayés)

                    Le désastre de Sicile qui met un terme brutal à l'expansion impérialiste d'Athènes, apparaît comme une chance inespérée pour les oligarques, une "divine surprise", pour reprendre les termes odieux de Maurras en 1941 parlant de la déroute de l'armée française :"Les destins les plus vraisemblables nous ont apporté ce qu'un poète appelle la divine surprise... Dans le désastre et la déroute confirmés, nos idées se trouvaient extrêmement proches d'accéder au pouvoir" (en juin 40). Victoire annoncée de ce que Maurras, encore lui, appelait le "pays réel", victoire des "bons" (ainsi la nature en a-t-elle décidé, ce sont les riches qu'il faut entendre) sur les "méchants" (hommes de peu, hommes de peine,  à peine des hommes, esclaves, métèques).

                    "Les 'bons', écrit Isaac, sont toujours aussi malfaisants, savoir si les 'méchants' seront aussi magnanimes" que l'ont été à la suite de Thrasibule les démocrates athéniens - la question est lancinante.

                     Et puisque Isaac sous-titre son livre "essai d'histoire partiale", je ne peux résister à citer ces propos trouvés dans un livre d'un autre historien  également partial, Henri Guillemin, La première résurrection de la République", "L'Argent tient l'Etat, et dispose des moyens les plus sûrs pour se faire obéir. Il lui suffit de disparaître pour que l'asphyxie s'ensuive. En d'autres termes, et littéralement : la bourse, ou la vie. La Banque de France organise l'évasion de l'or ; son encaisse métallique, en quatorze jours, est tombée de 140 à 70 millions ; dans la seule journée du 15 mars (1848), 10 800 000 francs d'or sortent de ses coffres pour gagner des retraites diverses, s'enfuir ou s'enfouir. (...) Ecoutons encore la voix correcte de La Revue des Deux Mondes :"On ne taxe pas le capital à volonté ; il échappe à la violence par sa mobilité même"; "l'argent n'aime pas qu'on en use brusquement avec lui ; l'argent va où il lui plaît et non point ailleurs ; l'argent va chercher l'argent." (p.197)

                    Edifiant, tout ça,non ? J'en profite pour inciter le plus de monde possible à venir au Colloque Henri Guillemin, le 26 octobre, à l'ICP, rue d'Assas - où tous ces problèmes et bien d'autres seront soulevés. Cf. ici même le blog Colloque Henri Guillemin.

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