Plusieurs sujets d'agacement, en ce début d'année. Agacement est un terme faible. Chacun réagirait sans doute différemment. Ou trouverait d'autres occasions de s'agacer.
- où sont passées les nappes phréatiques ? elles ont quitté visiblement la une des journaux qui nous menaçait des pires malheurs si elles continuaient de baisser, comme elles en avaient pris l'habitude, ces dernières années. Mais qu'elles soient dans mon jardin ne semble inquiéter personne - c'est à peine si on indique que les fleuves, rivières, torrents ont tendance à aller voir ailleurs que dans leur lit. Ca m'agace.
- le bulletin météorologique, chaque jour, me donne des prévisions pour tout l'hexagone, en oubliant systématiquement mon coin à moi. Du coup, je sors avec mon parapluie et il ne pleut pas ; mais quand il pleut, je l'ai laissé à la maison. Ca me mouille et ça m'agace.
- je n'arrive pas à comprendre pourquoi il me faut, à chaque bulletin d'information, subir les variations d'humeur du cacarente, comme s'il s'agissait là d'un événement qui concernait tout le monde, parmi les auditeurs, combien de rentiers ? j'aimerais bien le savoir. Ca m'agace prodigieusement.
- quand je reçois des invitations des services culturels de ma mairie, je découvre qu'elles sont rédigées en deux langues - en français et ...en occitan ? non. En espagnol ? non. En swahili ? non. En anglais ! Bordeaux fut jadis colonisé par les anglais, c'est un fait , mais, à l'heure actuelle, ils ne se précipitent pas aux expositions des différents musées de. la ville. Il y a deux ans, à Londres, pour l'exposition Gauguin, les titres français des oeuvres étaient traduits en anglais et il n'y avait pas un mot de français sur les prospectus. Agaçant, n'est-il pas?
- un peintre bordelais, Joffo, avait peint pour la ville de Blaye une toile qui évoquait, disait-il, la catastrophe de Fukushima. La toile a été retirée. Elle n'était pas contraire aux bonnes moeurs, pourtant, mais beaucoup plus certainement contraire aux intérêts d'EDF, dont la centrale atomique à quelques kilomètres de là fait peser sur l'ensemble de la région une menace qui n'est pas tout à fait fantasmée. Plus agaçant encore.
- dans les cours de Bourdieu sur Manet, une révolution symbolique, un parallèle fort instructif entre les profs de prépas et les peintres pompiers - il y parle de"cette espèce de gaspillage imposé, d'exhibition ostentatoire de technicité [qu'on voit dans les exercices auxquels sont soumis les prépas scientifiques] un des instruments par lesquels on contrôle la jeunesse...". Evidemment, on ne peut pas demander aux profs de prépas d'avoir lu Homo academicus où ces analyses sont développées - mais c'est dommage et agaçant qu'ils ne l'aient pas fait, ils auraient ainsi éviter d'utiliser des arguments qui, sous couvert de défense de l'intérêt général, ne sont que des réflexes de défense d'un corps qui se sent attaqué dans sa légitimité.
- nous entendons et nous allons entendre, encore plus souvent dans les semaines qui viennent, sur l'Europe, des propos hostiles, elle va être la cible de tous les mécontentements de ceux qui s'estiment (et certains le sont) victimes de l'oligarchie dominante. Pourtant, pendant ce temps, des gens meurent pour s'en rapprocher. Comme le discours politique est embrouillé et pervers qui a si souvent accusé l'Europe de décisions malheureuses pour ne pas avouer que les gouvernements les avaient avalisées !
- les histoires de coeur de Hollande ne m'intéressent pas. Mais dire, comme NKM, que le communiqué de François Hollande ressemble plus à une lettre de licenciement qu'à une lettre de rupture est débile : Hollande a réglé en privé un problème privé et a clarifié sa situation de la manière la plus neutre possible.Comment réduire le train de vie de l'Etat ?
- un dernier motif d'agacement. Il est une formule qui se répand de plus en plus dans les discussions, débats et autres confrontations - sans doute ceux qui l'utilisent pensent-ils qu'elle est la preuve d'une très grande délicatesse. "J'aimerais rebondir sur ce que vient de dire monsieur X, sur les propos de madame Y." Très étrange non ? cette métamorphose du dialogue en exercice de trampolino. Profondément, ce qui est ici suggéré c'est le désir de piétiner l'autre, de l'écraser sous prétexte d'aller plus loin ou plus fort dans son sens.
(à suivre)