Evidemment ça ne pouvait pas plus mal se terminer, cette année de merde. J'avais déjà écrit la moitié d'un billet vengeur, quand pour une de ces raisons dont la logique m'échappe, mon ordinateur a choisi ce moment précis pour m'imposer des mises à jour dont je n'ai rien à faire et qui n'ont eu pour résultat que de faire disparaître ce que j'avais déjà pondu. Il faut donc recommencer. Mais comment retrouver la rage qui m'animait quand elle vient d'être parasitée par des problèmes purement matériels et accessoires par eux-mêmes ? Je ne sais plus ce que je disais et quand bien même le retrouverais-je, rien ne me dit que ce sera exactement ce que je pensais avant d'être interrompu.
Je ne déteste rien de plus - disais-je à peu près - que ces retours en arrière, ces rétrospectives, ces sélections des événements les plus marquants, ces hommes, ces femmes, ces enfants de l'année, ces listes de records, ces listes de prix, ces "nous avons aimé", ces bêtisiers qui, en rappelant les gaffes, les lapsus, les fous-rires, les inepties variées, les conneries, pour tout dire en un seul mot de l'année passée, espèrent se dédouaner des gaffes, lapsus etc dont les medias continueront de nous abreuver dans l'année à venir. Je ne déteste rien de plus que ces doubles pages sur ce qui va changer à partir du 1er janvier - et ce ne sont qu'augmentations, mesurettes en lieu et place des grands projets dont on nous avait promis qu'ils changeraient notre vie - et jamais une ouverture sur un futur qui fredonnerait. Je ne déteste rien de plus que ces voeux obligés dont on fait semblant de croire qu'ils peuvent changer quelque chose à l'état du monde, que ce cérémonial dont rien ne vient jamais troubler l'ordonnancement - on sait ce qui sera dit, on sait aussi ce que les commentateurs diront - rien de neuf, rien de ce qu'on attendait. Tout le monde n'a pas le courage du Pape François pour transformer une cérémonie de voeux en une engueulade mémorable - quand même la tête de tous ces vieillards qui se font remonter les bretelles, c'est un moment unique ! imaginerait-on que quelqu'un, ici, dans notre monde politique et laïc, ait l'autorité suffisante pour tenir un semblable discours devant nos députés, sénateurs, maires, conseillers régionaux, généraux et devant les associations de blogueurs ? Je ne déteste rien de plus que l'obligation de s'amuser à date fixe qui précipite des foules dans les supermarchés pour y dépenser leurs derniers sous, leurs dernières forces - danser sur un volcan, ça vous dit quelque chose ? Réveillons, réveillons, disent-ils. Quand diront-ils réveillons-nous ?
Qu'est-ce qu'il me reste à faire ? comme les autres? même pas, plus de homards canadiens dans ma poissonnerie ! Je vais envoyer quelques messages mais pour dire quoi ? Que ce matin, Bordeaux s'est réveillé sous des brouillards givrants qui ont peint la ville en blanc, luxe et misère recouverts d'une même couleur. Que j'ai croisé un loup bravement tenu en laisse sans que cela déchaîne quelque réaction que ce soit - il est vrai qu'à Bordeaux, il n'y a pas beaucoup de bergers. Que j'ai acheté des boules de graisse pour nourrir le rossignol qui m'adresse chaque matin des reproches parce que je ne fais pas assez de miettes. Que je vais descendre ramasser les pubs que le facteur aura glissées dans ma boîte et râler de n'y trouver aucune carte. Que je m'éclipse jusqu'à l'année prochaine.
En attendant, bonne et heureuse année 2015 à tous.