En quittant le hameau, les deux compères voguent en noctambules, longeant le ruisseau, puis parviennent à l’extrémité d’un canal là ou l’écluse est restée bloquée, empèchant l’écoulement en apprivoisement d’eau de l’usine.
Bob : « Ouais je vois ce que c’est. La crémaillère qui est restée bloquée, comme l’autre fois. »
Ils descendent au bas de l’écluse (ou chantier), Bob éclaire Koant à l’aide de sa torche. Celui-ci à grands coups de masse parvient à débloquer la pièce mécanique enrayée, puis il se relève.
Koant : « Tiens Bob, écoute voir si on n’est pas des pros ! » Grand bruit d’une cascade d’eau qui se libère enfin ! « RRRAaah ! (Prolongé) que c’est bon !!!! ! » Simulant la jouissance d’un ras- lovely sans fin. (en plan de coupe, au loin l’usine qui sursaute)
Bob : « Hop pas là ! Alors on se lâche Koant ? »
Koant : « Allez ! Assez déconné! Cà devrait tenir, jusqu'à la prochaine fois !!! »
Bob : « A Kerdrein, t’avais raison »
Ils remontent l’escalier, rebroussant le chemin, s’en retournent vers le village.
Koant : « Cà fait longtemps que j’ai pas vu Job Kerdrein. Puisqu’on est là, on va aller faire la politesse »
La camionnette se range le long de la grange, les portières claquent. Koant et Bob se dirigent vers la demeure éclairée. Koant frappe à la porte, un homme âgé souriant et étonné ouvre la porte de la demeure, ou les convives s’échangent palabres et vantardises partisanes ...
Un joueur : « Bout, comme Auguste Blanqui, chef des bandits à Paris ! »*
Koant : « Bonsoir Job. On est allé jusqu’à Pont Glas, y’avait encore la vanne qui bouchait. »
Job : « Ah bon, encore! » Compréhensif envers l’ouvrier de nuit.
Koant : « Toujours debout à cette heure? »
Job : « ya ghast, ici on joue aux dominos. Entrez donc ! »
A l’invitation de Job, ils pénètrent dans la chaleureuse maison auberge encore animée malgré l’heure avancée de la nuit. Dans la salle à manger, la tablée de joueurs se partagent les dominos. Les deux travailleurs de nuit les saluent d’un geste de la main. La maîtresse de maison serre un vin chaud fumant et odorant. Le feu de bois crépite joyeusement dans la cheminée.
Mme Job, casserole en mains : « Asseyez-vous, j’étais juste à faire du vin chaud…».
Job : « Tu te rends compte, ils nous ont battus 4-0, deux fois de suite. François ici, et Marie là, C'est vraiment des champions. Les meilleurs du pays. Et je les ai pour voisins, tout l’hiver à perdre aux dominos…va falloir me recycler ! »
François : « Vous prenez les gagnants? »
Job : « Ah ! J’aimerais bien voir çà. Pas toujours aux même de prendre des branlées ! »
Koant : « Je pense que vous vous êtes rendu compte ! C’est du boulot, dont nous sommes obligés ! Si on est ici , c’est parce qu’il a fallu qu’on y aille ! Pour que cette usine ne s’arrête pas de tourner ! A nous la surveillance... c’est du boulot! ... » d'un air emprunté qui ne laisse pas de doute, il se la joue la comédie.
Job, du tac au tac : « Ouais ! La surveillance. Et l’entretien! ».
Koant : « T’a raison Job, l’entretien, très important. Surtout depuis que les ruisseaux ne sont plus entretenus !! C’est à qui les prés qui sont aux alentours? » Railleur! De toute évidence le débat n’est pas nouveau.
Job : « C’est pas à-nous que tu dois dire çà ! Tu le sais bien ! Nous qui sommes en retraite! » Un rien larmoyant. Le monde paysan est en pleine mutation. Les prés sont délaissés au profit d’un remembrement et d’acquisitions foncières. « J’ai même presque plus de place pour les patates ! »
Koant : « Ouais! Enfin! Depuis que cette une usine nourrit son monde aux alentours ! »
Le petit comité approuve. L’air songeur tout à coup, usant du dramatique, en contraste avec l’ambiance joueuse, un court moment de gravité. Mais Koant coupe vite court à la réflexion productive, le philosophe et boute-en-train.
Koant : « Et vous voudriez qu’on abandonne notre poste? »
En chœurs, tous les joueurs : « Non ! Non ! »
Koant : « D’un autre côté …Nous autres, refuser une partie de dominos ! Cela ne se fait pas non plus ! Et on ne voudrait pas vous offenser ! (Se tournant vers Bob) Qu’est que t’en pense? »
Bob : « Ouais ! Ouais ! T’as raison, j’ai jamais entendu dire de quelqu’un qu’il aurait refusé une partie de dominos !! Cà aussi! Ne ce fait pas non plus !!! »
Exclamations, rires fournis. Puis une autre partie commence, les joueurs sont concentrés, les ouvriers ont rejoint les bons viveurs de nuits, les parties vont ce suivre, des approbations et quelques petites déceptions, des mots rageurs aux allures insignifiantes.
Fondu sur un lever de soleil L’aurore se lève sur les Monts d’Arrée.
** Note : Une expression gagnante de fin partie de domino à la léonarde, référence à la Commune, les communards étant peu appréciés dans ce coin de la Bretagne de la droite catho-stricte.