Ce qu'il y a de palpitant dans l'Actualité ce sont les coïncidences. Le Clezio, le discret, l'éffacé, l'anti-mondain, l'inaudible (on attend avec délectation le discours devant l'assemblée à Stockholm, faudra fournir des casques pour malentendants), l'homme lui atteint un sommet qui ravale une médaile olympique ou une élection présidentielle au rang de sucette à la fraise. Et quand au même moment Bernard-Henri Levy et M. Houelbecq se tortillent pour sur-exister, on ne peut pas manquer d'y voir un clin d'oeil, une "Fatalitas" (irait Chéri Bibi). L'un, tout en silence et en effacement, les autres s'auto-classant parmi les baudelauriques ou les malrautistes de la littérature, réputations qui ne passeront pas au-delà de la Porte de Bagnolet.
Nos deux comparses, les faux-enthousiastes de la littérature semblent considérer que l'auteur est au-dessus de l'oeuvre, l'auteur est plus que l'oeuvre, il est la représentation réelle de leurs fictions, la mise en action de l'écrit dans le monde, sa mesure, sa justification et sa cohérence. Bref, l'auteur est un Grand Tout. Taratata ! Ce n'est pas qu'ils écrivent mal, qu'ils ne soient pas intelligents (sûrement plus que moi au moins) ou que leur oeuvre ne soit pas primordiale ou interessante ; ça c'est un autre problème. C'est une affaire d'usage de la posture d'intellectuel. Ecrivez vraiment ! Ne nous racontez pas ce qu'il faut penser de vous, cela nous ennuie et vous fait passer pour des fâcheux.
Ceci n'a rien à voir, mais ils me font penser à ce pauvre Alexis Piron (1689-1773) qui échoua douloureusement à l'entrée de l'Académie française et qui écrivit sa propre épitaphe avec beaucoup plus d'humour que certains petits marquis contemporains de la Place des Vosges ne pourraient le faire : "Ci-gît Piron qui ne fut rien, pas même académicien." Il apprit qu'il ne faut pas écrire seul "Ode à Priape" [BnF ENFER 478] ou accompagné dans la "Foutro-manie , poème lubrique" [BnF ENFER - 546] quand on veut avoir un position visible.