La collision des faits dans l'actualité, nous rend perplexe et nous incite à revisiter un thème de nos chères études : la dualité du sacré et du profane. On a longtemps cru que la laïcité pouvait être confondue avec l'espace profane. Or, la laïcité a elle-même ses centres de sacralité, ses lieux de cultes et de vénération : les musées, les bibliothèques, les écoles et universités, les lieux d'assemblée politiques (...), lieux de savoir, et de décision. Le sacré traditionnel ou traditionnaliste s'insinue au delà de ce que nous pouvons imaginer.
La venue du pape nous a rappelé qu'il pouvait rendre sacré tout ce qu'il touche à défaut de soigner les malades par imposition des mains : sa présence aux Bernardins a resacralisé cette caserne de pompiers réhabilitée en espace culturel. Il ne manquait que le goupillon et la bouteille de champagne écrasée contre un pilier pour que l'on puisse inaugurer ce nouveau vaisseau culturel et donc cultuel. Le pape, toujours lui, a assuré une messe sur l'esplanade des invalides a rendu un lieu de sacralité républicaine et guerrière plus sacré en l'offrant au piétinement de la ferveur catholique : parvis et pelouse compris. Ce qui, somme toute, est une rechristianisation du champ de Mars, 214 ans après la fête à l'Être Suprême voulu par Robespierre.
Puis, les journalistes - corporation que l'on aime bien par ailleurs - ont été saisi d'une soudaine fébrile ferveur par le déplacement de la sacralité jusqu' à Lourdes. Ils en ont perdu leur précaution naturelle pour qu'inmanquablement un fait hypothétique et strictement religieux se transforme en réalité avérée : en effet, pourquoi dire "la grotte où la vierge est apparue à Bernadette" au lieu de "la grotte où la vierge serait apparue à Bernadette". Les chaines de télévision auraient-elles un lien avec Radio-Vatican ?
Heureusement, pendant toute cette période, on avait fermé la station de métro et de RER Saint-Michel-Notre Dame pour empêcher les travailleurs-morlocks ne surgissent par hordes pour montrer leurs faciès émasciés et tristes à la face rayonnante à la sacralité de la cathédrale.
Pour mieux nous aider à réfléchir sur la sacralité, donnons la main à nos voisins allemands. La palme de la sacralité est à décerner aux responsables du club de Hambourg qui propose un espace d'enfouissement des dépouilles des supporters dans un terrain (de foot) non loin du stade officiel du club. Reste à savoir quel eest l'endroit le plus sacré : le terrain où l'on joue ou le terrain où l'on est enterré.