(Préambule : je n'ai pas encore d'avis sur le fond de la réforme, je veux juste souligner la précipitation que cela entraîne.)
L'annonce de la réforme du bac à partir de la session 2021 peut sembler raisonnable aux gens extérieurs à l’éducation nationale. On a l'impression que ça laisse le temps de préparer les choses. Sauf que l'éducation nationale n'est pas une entreprise ou un ministère comme les autres, et les délais sont extrêmement courts.....
- Du point de vue de la gestion des personnels. Un nouveau bac en 2021, c'est une nouvelle terminale en 20/21, une nouvelle première en 19/20 et une nouvelle seconde en 18/19. La nouvelle seconde verra donc le jour à la prochaine rentrée. Il faut donc prévoir les enseignants nécessaire pour assurer les cours. Les mutations se font en avril pour la phase intra-académique, et les lycées doivent faire remonter leurs besoins en postes fin février.
Donc, dans 4 semaines, les proviseurs de tous les lycées de France doivent dire de combien d'enseignants ils auront besoin l'an prochain. tout en ne sachant pas les horaires de chaque matière, et par exemple, si les enseignements d'explorations sont maintenus ou pas. C'est impossible. Par exemple, en SES, dans un bahut à 15 secondes, l'enseignement d'exploration SES en seconde représente plus ou moins un poste d'enseignant. Pour que les bahuts puissent faire remonter leurs besoins, il va falloir sortir les textes sur la nouvelle seconde très vite et, forcement, dans la précipitation. Ce n'est pas une bonne idée pour assurer le succès d'une réforme.
- Du point de vue des élèves. Les élèves de troisièmes de cette année seront les plus pénalisés. Ils sont entré en 6ème dans l'ancien collège. La réforme du collège a eu lieu entre la cinquième et la quatrième, avec les changements de programmes qui vont avec. Ils ont été les premiers à tester les nouveaux programmes de quatrième, sans forcement de continuité parfaite avec ce qui a été fait avant vu la précipitation de la réforme des collèges. L’épreuve du brevet qu'il vont passer sera plus ou moins nouvelle aussi, avec plus ou moins de contrôle continu (j'ai perdu le fil sur ce sujet). Ils seront aussi les premiers à tester la nouvelle seconde, ainsi que la première et la terminale et le nouveau bac, qui ne sont encore qu'a l'état de projet. Aucun doute qu'ils seront bien préparé aux exigences du post-bac.....
-Du point de vue des enseignants. La plupart des gens s'en fichent, mais une bonne partie des enseignants aime son travail et a envie de faire progresser les élèves. Ce n'est pas facile si on ne sait plus quel programme les élèves ont suivi, quelles épreuves ils passeront au bac et qu'on navigue à vue. Tout en répondant aux questions des élèves sur l'orientation. Les professeurs principaux de seconde l'an prochain devront répondre aux questions sur le bac 2021, qui ne sera sans doute pas encore finalisé. (Quelle option prendre pour faire tel type d'étude en 2022?) Difficile de bien faire....
-Du point de vue politique et médiatique: C'est sans doute très bien des ministres qui annoncent de l’interdisciplinarité (IDD), la suppression du redoublement, la semaine de 4 jours, de l’interdisciplinarité (TPE), le retour du redoublement, la semaine de 4 jours et demi, de l’interdisciplinarité (EPI), la suppression du redoublement, un deuxième professeur principal en terminale, la semaine de 4 jours, le retour du redoublement.....Tout cela avec application immédiate, pas question de réfléchir, l'annonce doit être suivie d'effets. Cela donne l'impression de ministres qui bossent. Lorsque les reformes bâclées ne fonctionne pas, on augmente artificiellement les résultats du bac et on critique les profs qui résistent aux réformes. Mais à un moment, il faudrait sortir de ce système.
-Soyons raisonnables. On peut tester cette réforme dans une académie, (ou quelques secteurs sur la France entière), voir quels sont les moyens humains nécessaires, embaucher (ou ne pas embaucher) à l'avance, attendre que les élèves cobayes aient le bac (3 ans!), évaluer le plus objectivement possible la réforme (ne pas gonfler le taux de réussite au bac pour dire que la réforme est géniale...), puis appliquer ce qui a fonctionné à la France entière. Avec, soyons fous, un débat public sur un sujet qui concerne tout le monde! Bon, j'avoue, je suis en plein rêve, ce n'est pas du tout raisonnable...
Tant pis. Improvisons une nouvelle seconde pour dans quatre semaines, donc. Ensuite, on verra bien.