C’était un midi paisible, la pluie et l’heure laissaient le bord de mer presque désert. Ici et là un groupe de mouettes et un d’une espèce dont je ne connais pas le nom, « des jolis zozios », travaillaient leurs vols en formation. Quelques individus plus solitaires, eux, gratifiaient l’oeil de fascinantes trajectoires en rase-motte.
Hier soir, sur la plage , la jeunesse profitait de la vie et les bars tournaient à plein régime. C’était beau à voir. Pour combattre le mal matinal causé par l’excès de bières et de clopes je décidais qu’il fallait que je me retrouve avec mon corps, comme j’ai besoin de le faire parfois. Mes deux amis me laissèrent seul.
Arrivant sur le sable me rattrapa cette mélancolie qui désormais me quitte rarement : la triste réalité de notre civilisation est visible, palpable : les déchets, ici aussi, jonchaient le sol. Il est facile de se laisser abattre devant l’ampleur de la tâche mais je décidais, lentement, d’être un colibri. Sur une toute petite parcelle je me mis à ramasser quelques mégots, quelques pailles, des bouchons en plastique et des débris de verre, c’était ma petite contribution. Puis, les heures qui suivirent je méditais et en arrivait à quelques conclusions.
On nettoie les plages avec des tracteurs, on brûle des calories, parce que les gens n’ont pas assez d’auto discipline. La moindre petite action du moindre être humain peut avoir des répercussions sur l’état de la nature et sur ses semblables êtres humains. C’était cette bouteille de verre cassée sur laquelle aurait pu marcher un enfant.
Cherchant à savoir comment il est possible de changer le monde je suis tout à fait convaincu d’une chose : il faut changer les cœurs. Il faut, pour que les gens changent de comportements, qu’ils en arrivent à être convaincus, lorsqu’ils sont seuls avec leurs mégots, à l’abris des regards, que c’est une mauvaise action que de les jeter à terre. Il faut que le « comportement banal » ne le soit plus. Tout ceci n’est pas une question d’amendes à dresser face à des pollueurs c’est une question d’apprentissage du respect de la beauté du monde. Il faut que l’être humain devienne meilleur. Et pour cela il faut le dire, comme une révélation fracassante dans un sujet tabou : Il faut entrer dans le cerveau des individus pour leur faire intégrer le fait que certains comportements sont totalement proscrits au nom du vivre ensemble. Mais ce genre de mécanismes rappellent certaines des heures les plus sombres de l’humanité : les propagandes racistes, celles de la société consumériste ou le prosélytisme religieux. Il ne s’agit ici, ni plus ni moins, que d’éducation. Ces mots, bien plus que les quelques mégots ramassés, sont ma contribution.
In fine, les question que nous devons nous poser peuvent être les suivantes : comment devons nous faire pour que les individus de notre civilisation agissent comme nous le souhaitons ? Quel est l’être humain que nous souhaitons voir émerger par l’éducation ? J’ai l’impression, parfois, de prêcher. Ne vous en déplaise, garder son mégot sur soi et avoir la poche qui pue : c’est ça ma religion. L’écologie est une religion je le sais depuis longtemps, nous y reviendrons au fil des textes. Elle peut être radicale comme les religions, nous souhaitons qu’elle se repende comme les religions. Parce que l’être humain n’est pas encore assez évolué et qu’il est perfectible. Tout ceci questionne la culture et la manière de se comporter de notre civilisation. Jadis j'étais moi même inconscient de tout cela. A 17 ans je jetais les gobelets de café achetés sur l'autoroute à travers la fenêtre. Depuis j'ai changé. D'abord parce que j'ai pris un retour de flamme : le gobelet que j'ai jeté par la fenêtre s'est retrouvé à re-rentrer dans la voiture, tapissant le plafond du véhicule de marron. Ensuite parce que j'ai été touché par la beauté du monde
. Depuis les déchets continuent à être déversés un peu partout par les humains et des objets d'un genre nouveau on même commencé à pousser au milieu des parterres de fleurs des régions de mon pays. Ce sont des capsules d'azote que des jeunes respirent pour rigoler ou même des bouteilles de pisse jetées par des routiers peut-être victimes d'un système où s'arrêter fait perdre de l'argent. Tous sont les représentants d'un je-m'en-foutisme généralisé. Et c'est toujours parmi mes rêves les plus fous que j'imagine à quoi je pourrai servir. Puissiez-vous marquer sur ma tombe "avant qu'il ne se décide à parler des humains jetaient des bouteilles remplies d'urine sur le bord des routes".