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Billet de blog 13 mai 2023

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Deux ballons de baudruche

Déchet de plastique, j’ai demandé à mon frère si, selon lui, il fallait interdire les ballons de baudruche. De cette simple question l’on peut saisir en un instant toute la complexité de l’orientation de l’économie vers un système plus vertueux et l’on peut saisir, aussi, le côté presque liberticide parfois de la volonté de changer le monde d’une pensée se revendiquant de l’écologie.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

                Deux ballons de baudruche, encore gonflés, jonchent le sol de la rue en face de chez moi. Certains diront que la manière qu’ont les êtres humains de se comporter est ici en question. Elle l’est. S’il n’est plus à démontrer que la gestion des déchets est souvent, avant tout, une affaire de volonté et d’éducation le parti est pris, ici, de s’en désintéresser.

                Déchet de plastique, j’ai demandé à mon frère si, selon lui, il fallait interdire les ballons de baudruche. De cette simple question l’on peut saisir en un instant toute la complexité de l’orientation de l’économie vers un système plus vertueux et l’on peut saisir, aussi, le côté presque liberticide parfois de la volonté de changer le monde d’une pensée se revendiquant de l’écologie. Le ballon de baudruche, avant d’être ce déchet qui introduit ces lignes, est une réalité économique. Le ballon de baudruche c’est du PIB, ce sont des usines dans lesquelles des êtres humains travaillent pour gagner de l’argent qui leur permettra de s’acheter à manger, de se loger, et d’éduquer leurs enfants. Le ballon de baudruche c’est toute une somme d’individus qui vivent grâce à une activité, ce sont les grossistes et les commerçants qui revendent, c’est aussi par la taxe de l’argent qui rentre dans les caisses de l’Etat.

                Mais en y regardant de près, ces ballons symbolisent le summum de la société de consommation à usage unique. Un peu comme les gobelets ou les touillettes en plastique que les forces en quête d’une société plus responsable s’efforcent d’interdire. Si nous sommes à peu près surs, de par l’expérience, qu’un gobelet en plastique peut recevoir en son antre trois, quatre fois du café : nous le sommes tout autant qu’après avoir été gonflés les ballons de baudruche éclatent, se dégonflent peut-être un peu, ou leur durée de vie est volontairement écourtée de la main ou du pied d’êtres humains de tous âges pour en jeter ensuite le reste éventré, parfois un peu humide de bave, à la poubelle. Personne n’est jamais venu dire « Ah, tu fais une fête ? Si tu veux il me reste quelques ballons encore gonflés de la dernière fois ».      

                A certains de ces ballons, avant de finir dans des décharges ou à l’incinération, je leur ai fait vivre leur meilleure vie. Mariages et anniversaires ont étés pour moi des sources inépuisables de joie et de mouvements dans l’espace. Je jonglais sans fin, des pieds, de la tête, des mains et du nez avec cet objet étrange qui, en l’absence de vent, se meut dans l’espace quasiment à notre guise. Moi qui, jusqu’à la post adolescence, était souvent incapable d’aligner trois jongles sur un terrain de football, me prenais alors, au contact de ces bulles de plastique remplies d’air et flottantes, pour aussi doué que mes illustres idoles du ballon de cuir. Et que dire du moment où la fête allait prendre sa retraite ? Il fallait sauter à pieds joints, comme une dernière performance artistique, sur nos fervents compagnons d’un soir. C’était la belle vie de l’insouciance.

                Une histoire avec ces ballons tout le monde en a. Mais l’insouciance, à mon grand désarroi, n’est plus. Alors je signe : je suis profondément convaincu qu’il faille interdire tant la production que la commercialisation des ballons de baudruche. Certains pourraient alors soutenir qu’ils font partie intégrante de notre culture de la fête et nous pourrions l’entendre. Oui ! Mais depuis quand ? Depuis la révolution culturelle post WWII ? Sa production de masse ayant commencé « après les années 1930 ». Si l’objet fait partie de notre culture : il est grand temps d’en changer.

                Tout ceci contribue à continuer d’introduire l’idée : l’écologie est potentiellement économiquement liberticide et peut aussi être perçue par l’individu comme une privation de liberté comportementale. Tout dirigeant qui voudrait interdire les ballons de baudruche ne saurait le faire sans en mesurer les conséquences économiques. Tout individu qui partage cette volonté doit être conscient qu’interdire une production de biens qui rencontrent un public c’est potentiellement porter atteinte à la richesse pécuniaire de la nation. Voilà notre plus grand défi : comprendre cela.

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