La réforme impose de créer, pour l’ensemble des cours de français et de mathématiques des niveaux 6e et 5e, des groupes «de besoin», à effectif réduit, mis à jour à chaque trimestre.
Les professeur.es rencontré.es ne sont pas unanimes sur l’opportunité ou le danger que représentait cette réforme pour eux, avant sa mise en place. Une majorité, à l’instar de Léonie*, Adèle*, Arnaud*, Nina* ou Romain*, étaient absolument contre, dénonçant un «tri social absolu», et la «poursuite du déterminisme social» à travers la formation de «classes poubelles». «Je trouvais ça aberrant qu'on puisse vouloir mettre en place des groupes de niveau en prétextant que ce serait un moyen pour chaque élève de progresser alors qu’on sait, et c'est prouvé, que classer les élèves ne fonctionne pas» témoigne Léonie, 25 ans, enseignante de français dans le Val d’Oise.
Arnaud, enseignant de mathématiques depuis 25 ans dans un établissement de REP+ à Garges-lès-Gonesse, raconte avoir connu des dispositifs similaires au début des années 2000, se souvenant «d’effets assez désastreux.»
Le groupe de niveau c’est une orientation précoce qui ne dit pas son nom, et qui a pour logique vae victis, malheur aux vaincus. Arnaud
Rappelant que la «suppression progressive du collège unique» était au programme de Marine le Pen en 2017, Arnaud ajoute «je pense que le stade d'après, c’est l’orientation en fin de cinquième, vers la voie professionnelle ou le CAP.»
Pour Juliette*, professeure de mathématiques dans un établissement rural du Rhône, comme pour beaucoup d’autres, la réforme était d’emblée une mauvaise idée parce que l’hétérogénéité permet une émulation qui tire le groupe vers le haut.» Avec ses collègues, elle est encore moins convaincue lorsqu’un inspecteur leur explique la réforme : «si un enfant se casse la jambe et est absent pendant trois semaines, vous le mettez dans le groupe de faibles pendant trois semaines, pour qu’il rattrape». «Une aberration» pour Juliette.
Le fait que le terme «groupe de besoin» ait remplacé celui de «groupe de niveau» est une «hypocrisie» selon certains, comme Nina*, enseignante de français depuis 11 ans dans un collège de REP à St Denis. Pour Arnaud, il s’agit d’une «escroquerie intellectuelle et pédagogique» : «un besoin est quelque chose de très très ponctuel. On ne travaille pas un besoin pendant deux mois. Les groupes de besoin sont en réalité des groupes de niveaux.»
Sur les neuf professeurs rencontrés, un tiers s’est dit plutôt curieux à l’annonce de la réforme : la perspective de réduire des classes surchargées à l'hétérogénéité parfois très marquée, tout en prenant en compte le niveau de l’élève était réjouissante. Pourtant, tous se sont rapidement heurtés à un problème : le nombre d'élèves au niveau très faible est beaucoup plus nombreux que les effectifs des groupes de besoins.
Une inégalité criante
Quelle que soit leur position, les professeur.es sont unanimes : les injonctions contradictoires, les revirements constants de la part des académies, le manque de temps, le zèle ou la rétivité des directions à la réforme, le flou du texte et l’absence de feuille de route ont engendré une grande inégalité entre chaque établissement.
La communication avec les familles a été catastrophique. C’est nous qui avons dû insister pour que la direction envoie un mail aux parents. Jessica
Tout d’abord, témoigne Adèle, enseignante de français dans un établissement REP classé politique de la ville et Prévention violence dans le 93 : «on nous a demandé de réfléchir à la mise en place de la réforme alors même qu'il n’y avait pas de texte officiel, et que celui-ci est arrivé tardivement.» Par la suite, la prise de poste de Nicole Belloubet, «a laissé penser que l’on pourrait faire des groupes complètement hétérogènes à plus petits effectifs», raconte Jessica, professeure de lettres classiques à Auch depuis 18 ans. Cette situation a créé des crispations avec sa direction, «qui pensait que tout était calé, tandis que l’équipe enseignante pensait déjà à faire autrement.» La direction de Jessica impose finalement aux professeurs de constituer l’ensemble des groupes en une heure.
Auprès de Léonie, les inspecteurs d’académie ont d’abord établi que les groupes concernaient seulement quelques heures de cours, avant d’affirmer que tous les cours de français et mathématiques sont concernés, pour finalement avancer la possibilité de dix semaines de cours en classe entière. Alors que les inspecteurs de lettres ont confirmé la possibilité de créer des groupes hétérogènes auprès d’Adèle, expliquant que les besoins des élèves pouvant être définis comme sociaux, l’équipe pédagogique plaide pour une «hétérogénéité limitée» auprès de leur chef d'établissement. Lorsque les inspecteurs reviennent, ils ne répondent à aucune des nombreuses questions de l’équipe pédagogique.
On ne comprend tellement pas cette réforme qu’on est incapable de la mettre en application. On aurait voulu être juste dans une forme d’application et qu’on nous donne les outils. Adèle
Le chef d’établissement d’Adèle accepte dans un premier temps les requêtes des enseignants, avant de changer d’avis pour leur imposer, «d’une manière assez paternaliste» d’après Adèle, de suivre la réforme à la lettre.
Dans le même collège que Nina, Romain*, professeur de mathématiques constate, au regard du flou des textes et des dispositifs mis en place par les établissements alentours, que «l’on peut mettre ce que l’on veut sous ce terme de groupe de besoin.»
Cette réforme dénigre notre crédibilité, et divise pour mieux régner. Ca empêche une coalition qui serait la bienvenue dans l'Education Nationale. Léonie
Selon Léonie, les professeurs qui subiront l’injustice de la réforme ne seront pas entendus, ni même compris par «les professeurs qui auront la chance de faire comme ils veulent.»
Que faut-il sacrifier ?
La Dotation Horaire Globale (DHG) est une enveloppe d'heures attribuée à chaque établissement par la Direction des Services Départementaux de l'Éducation Nationale (DSDEN). Cette enveloppe, plus ou moins grande en fonction de la classification de l’établissement - REP ou REP+ notamment - et de son département - le 93 étant par exemple l’un des mieux dotés - permet d’ouvrir un certain nombre de classes et de demi-classes. En effet, dans certaines matières comme l'Éducation physique et sportive, la SVT, ou les langues, les classes sont divisées une à deux fois par semaine, afin de garantir la sécurité, d’aider aux manipulations, ou de favoriser la prise de parole. Jusqu’ici, la DHG permettait aux établissements de partager leurs heures pour ouvrir de nouvelles classes - et ainsi réduire les effectifs - et/ou ouvrir des demi-classes. L'arrivée de la réforme, accompagnée d’une augmentation de la DHG - souvent insuffisante, voire absente - a bouleversé ce fragile équilibre.
En termes de critères sociaux, l’établissement du Tarn et Garonne dans lequel Nathalie* enseigne les mathématiques pourrait être classé REP. Mais les quotas étant déjà atteints, le collège n’accède pas à cette classification, et rate les moyens qui pourraient lui être alloués. Pour Nina et Juliette, le complément de la DHG n’a permis d’ouvrir les groupes que pour un niveau.
Dans l’établissement d’Arnaud, classé REP+, la DHG a augmenté de 25 heures. Si le chiffre est élevé au regard de la plupart des dotations, elle reste insuffisante. Afin de préserver des effectifs en-dessous de 25 élèves, la direction à dû «sacrifier pratiquement toutes les demi-classes», un choix dont témoigne aussi Jessica dans son collège. Dans l’établissement de Nathalie, en l’absence d’un professeur de mathématiques supplémentaire, deux classes sur sept de 4e n’ont plus cours de maths. L’établissement d’Adèle comme celui de Léonie a choisi de maintenir les demi-classes, en repoussant la mise en place des groupes de besoin au 1er décembre. Pour Adèle, ce choix permettait à la fois de répondre à leur réalité administrative, d’apprendre à connaître les élèves, mais aussi de se donner plus de temps pour négocier avec la direction… en vain.
À l’inverse, repousser le début de formation des groupes était «inconcevable» pour Juliette et ses collègues, ce choix signifiant faire passer les sixièmes de classes entières à des groupes «alors qu’ils sont déjà perdus lorsqu’ils arrivent au collège.» L’imbroglio est tel que la semaine de démarrage des groupes de besoin est parfois différente au sein du même collège, comme celui de Nathalie, dans lequel les groupes en mathématiques ont commencé dès la rentrée, tandis que les groupes de français ont débuté après les vacances de la Toussaint.
Concrètement, comment ont été formés les groupes une fois les heures économisées ? Du côté de Nina et de Léonie, ironiquement, les groupes ont été constitués aléatoirement, avec un soin accordé à l’hétérogénéité du niveau des élèves dans chacun des groupes. Du côté d’Adèle, Nathalie et Jessica, la direction a imposé des groupes homogènes de huit à quinze élèves en grande difficulté, tandis que les équipes pédagogiques ont décidé de ne pas y inclure les élèves dits «perturbateurs.»
Dans l’établissement d’Arnaud, afin d’éviter de «casser la dynamique du groupe, de balader les élèves d’un endroit à un autre avec des référents qui changent tout le temps, et de perdre la relation prof/classe», c’est le régime de la co-intervention qui a été mis en place. Deux professeurs viennent suppléer chacun trois de leurs collègues pendant leur cours au fil de la semaine. À chaque cours, les cinq élèves les plus en difficulté sont identifiés pour constituer un «groupe de besoin temporaire différencié» sur lequel le prof «volant» va se concentrer. Arnaud témoigne d’une pratique qui permet de se focaliser sur les faiblesses des élèves, en permettant une grande flexibilité pour passer des classes pleines en cointervention à des demi-classes, tout en soudant l’équipe.
On n’applique pas la réforme. Arnaud
Nina confie le désarroi de l’équipe pédagogique en désaccord complet avec la direction, qui voudrait acter les changements de groupes en janvier. Dans l’établissement de Léonie, si un élève devait être amené à changer de groupe, ce sera pour son intérêt explique l’enseignante, et non en fonction de ses résultats. Dans le collège de Juliette, la question des changements de groupes ne se pose pas, «parce que les classes sont pleines.»
Une logistique à tâtons
«Cette réforme, c’est plus de travail pour tout le monde sans valorisation» affirme Nina.
L’ensemble des témoignages dénonce, plus que les groupes de besoin, la déconnexion du gouvernement avec la réalité du terrain dans les établissements.
D’une part, les heures de concertation entre collègues - à l’instar d’une grande partie du travail enseignant, comme les tâches administratives, les soirées au téléphone avec les familles - ne sont pas payées. D’autre part, leurs emplois du temps sont devenus chaotiques. La réforme ayant contraint les établissements à renoncer à leur professeur remplaçant, afin de pouvoir le mobiliser devant les groupes de besoin, les classes des enseignantes en congé maternité, ou de ceux qui devront prendre un arrêt maladie, se retrouvent sans professeur. Ce sont alors souvent les autres collègues qui se mobilisent pour effectuer des heures supplémentaires, en répartissant la charge de l’absence sur tous les groupes.
Soit je me soigne, soit je m’occupe de mes élèves. Juliette
Nathalie donne l’exemple de sa semaine : 8 à 17h tous les jours… avec des cours de 8 à 10h et de 16 à 17h. «Mais on ne va pas se plaindre, ajoute-t-elle amusée, comme disent certains, on ne travaille que 24h par semaine 6 mois par an.» Parfois, les emplois du temps des élèves ne sont pas épargnés non plus. Au-delà du fait que «visuellement, c’est une catastrophe», les élèves ayant parfois trois professeurs inscrits sur le même horaire, Jessica rapporte l’exemple d’une classe de 5e avec trois heures de cours de français le mardi après-midi : «à quel moment est ce qu'on pense que c'est pédagogique pour un élève de faire 3 h d'une même discipline?»
Ça fait des années qu’on dit que l’entrée au collège est compliquée pour les sixièmes, et là on fait une réforme qui dit “tiens, et si on leur éclatait la vie n’importe comment ?” Arnaud
Adèle dénonce «une catastrophe sur plein d'aspects qui n'ont pas du tout été pensés sur l'aspect pratique», évoquant tour à tour la difficulté de l’emprunt de livres en simultané, puisque dorénavant la progression doit être commune, celui du nombre de salles de classes devenu trop petit, tout comme la cour de récréation, qui ne permet plus de ranger correctement tous les élèves, le changement de classe et le transport du matériel d’une heure à l’autre.
Pour Julie, la multiplicité des professeurs pour chaque classe pose la question des bulletins scolaires et des conseils de classe, auxquels tous les professeurs ne pourront aller. Un problème de suivi que soulève également Arnaud : «mettre en place la réforme signifie qu’il n’y a plus de professeur de français ou de maths qui connaît la classe entière.»
Seul point très appréciable relevé par les enseignants : des classes allégées, descendues à 16, 18 ou 20 élèves.
Plus de temps, même rythme : une injonction contradictoire
D’après la réforme, quel que soit le groupe de besoin dans lequel les élèves sont inscrits, tous doivent atteindre le même niveau en entrant en 4e. Un objectif complètement irréalisable pour l’ensemble des enseignants rencontrés. D’abord parce qu’il suffira d’une absence d’une semaine pour décaler cette fameuse progression commune. Mais surtout parce que, comme l’explique Arnaud «on ne peut pas à la fois leur donner plus de temps, ce qui semble être l’objectif des groupes de besoins, et arriver à tenir au même rythme le même programme.»
Il y a cet effet un peu rouleau compresseur du “il faut avancer quoiqu’il en coûte”. Ça nous transforme en robot à apprendre à la même vitesse pour tout le monde. Jessica
Les élèves de Nathalie, nous raconte-t-elle, ont déjà quasiment un chapitre de retard par rapport aux autres groupes. Mais tant pis, le but n’est pas là : «il vaut mieux que les élèves aient travaillé moins de choses, mais qu’ils les maîtrisent à 100 %, plutôt qu’ils aient tout vu mais qu’ils ne maîtrisent rien.» À défaut de résoudre des équations impossibles, les enseignants se mettent au pas de course et adaptent leurs cours. Une tâche qui «multiplie le boulot par deux» estime Julie.
Il faudrait presque deux fois plus d’enseignants. Mais avec ce que Sarkozy a sorti, ça ne donne pas envie de devenir prof ! Nathalie
Le fantasme d’une progression commune ignore le fait que chaque élève est différent, mais aussi que chaque professeur possède un mode d’enseignement particulier, et surtout, dispose d’une liberté pédagogique, «l’une des rares libertés dans l’Education Nationale» rappelle Léonie. Par exemple, cela signifie pour les professeurs de français abandonner les ouvrages sur lesquels ils auraient aimé travailler, ou pour les professeurs de mathématiques, adopter une méthode à l’inverse de leur pratique, comme Juliette, qui déplore ne plus pouvoir effectuer de «progression spiralée» - une façon de donner plus de sens à l’apprentissage en étudiant chaque chapitre tout au long de l’année.
Redonner confiance aux élèves
Plusieurs enseignant.es témoignent d’une appréhension, ou de l’expérience d’une rétivité des élèves à l’annonce des groupes de besoin. Jessica se souvient «ça a été très dur pour eux de comprendre ce qu’il se passait. Ils ont été très perdus». Capucine*, enseignante de mathématiques dans le même établissement qu’Adèle, appréhende déjà les changements de groupes du trimestre prochain : «s’habituer à une nouvelle méthode, pour eux c’est un stress, on le sent, et ils me l’ont dit. J’ai eu des messages de parents inquiets «Madame s’il vous plaît, gardez ma fille.»
Juliette, Nathalie et Jessica, qui expérimentent les groupes de besoin depuis la rentrée ou depuis le retour des vacances de la Toussaint, sont unanimes : la crainte d’être moqué ou comparé avec les élèves «intellos» ayant disparu, ces élèves «qu’on n’entendait pas» se sont révélés. Ils osent lire, lever la main, poser des questions, obtiennent des bonnes notes, autant de choses qu’ils ne connaissaient pas.
À leur grand étonnement, aucune des enseignantes ne ressent de problème de stigmatisation dans le ressenti des élèves. Seule Nathalie rapporte son échange avec un élève lui déclarant : «ça veut dire qu’il y a des groupes de nuls et des groupes de bons...» Son enseignante lui demande alors s’il pense qu’il aurait obtenu sa moyenne actuelle de 15 dans une classe ordinaire. L’élève répond : «non, parce que j'aurais été distrait par mes camarades. Là, on n’est pas nombreux, et vous nous interrogez tout le temps, donc on va participer.» Un autre ajoute alors «on n’est peut-être pas très forts mais au moins on est dans un groupe où on peut progresser.» Juliette se souvient de parents d’élèves lui ayant confié : «on espère que l'an prochain, vous pourrez continuer, et on regrette que vous ne puissiez pas le faire aussi pour les 4e.»
La faillite du médico-social
Plusieurs enseignants posent un constat : si les groupes de besoins étaient réalisés sur la seule base des compétences des élèves, il comprendraient tous ces élèves en souffrance, dont les parents ont refusé une orientation SEGPA, pour la stigmatisation qu’elle engendre ou pour sa localité trop lointaine, ceux avec une notification MDPH (Maison Départementale pour les Personnes Handicapées), mais qui ont été refusés par des ULIS trop engorgés (Unités localisées pour l'inclusion scolaire), ceux qui doivent être suivis par un.e AESH (accompagnant des élèves en situation de handicap), qu’ils soient porteurs d’un handicap ou d’un trouble dys [1].
S’ils démantèlent les instituts médico-éducatifs, qu’ils nous donnent les éducateurs et les médecins qui vont avec ! Arnaud
Beaucoup de ces élèves pâtissent du manque ou de l’absence d’un.e AESH. Certains sont allophones, et pour les parents, la lourdeur administrative des dossiers en vue d'obtenir d’une notification MDPH est un autre handicap. Déplorant le démantèlement du médico-social, le manque criant d’ergothérapeutes, d’orthophonistes, psychologues, pédopsychiatres, Arnaud déclare : «ces problématiques devraient être repérées dès cinq ans. Mais elles ne le sont pas, et même si elles le sont, il n’y a personne pour s’occuper d’eux.»
Certains établissements comme ceux d’Arnaud ou d’Adèle, ont fait le choix de ne pas inclure ces élèves dans les groupes de besoin, justement parce que ces derniers «ont des difficultés qui relèvent d'autre chose que de l’apprentissage ou de la compréhension pure».
À l’inverse, l’établissement de Juliette a fait le choix de regrouper ces élèves dans le groupe de besoin dont l’enseignante a la charge. Celle-ci témoigne : «si on avait mis ces élèves dans des classes comme on avait avant, on les perdait.» Consciente qu’elle ne pourra mener le programme de 6e à terme avec eux, pratiquant un niveau de CE2, elle se dit heureuse de mettre en place un enseignement où les élèves peuvent se dire «je sais des choses, je ne suis pas nul.» L’objectif : ne pas perdre les élèves, leur redonner confiance, l’envie de continuer et leur donner un maximum de chances d’être réorientés.
Certains élèves ont de telles difficultés qu’ils sont considérés comme non-lecteurs. En attendant une prise en charge adaptée, Juliette a monté avec l’aide de la documentaliste, une webradio afin d’enregistrer les cours.
Une bouteille à la mer
Si le ministère de l’Education Nationale venait à lire ces lignes, voici quelques-unes des autres propositions des enseignant.es pour produire, avant un choc des savoirs, un choc pour l’égalité : en tête, la réduction des effectifs des élèves par classe. Cela nécessite l’engagement d’enseignants pour effectuer de la coanimation, mais aussi d’AESH, ainsi qu’une reconnaissance MDPH plus importante et un suivi systématique.
Les fonds manquent à tous les niveaux : ceux des heures de concertation non-payées, des livres pour les cours de français qu’il faut se partager, des sorties culturelles auxquelles il faut renoncer, des collèges qu’il faut construire ou rénover - nombre d’entre eux étant en état de délabrement, notamment dans le 93.
J’ai l’impression qu’ils ont voulu préserver cette réforme du collège en sacrifiant 3000 postes du primaire. Romain
Pour Arnaud, «l’un des gros problèmes de l'Education Nationale, c'est le manque de continuité. Sous Blanquer par exemple, il y avait des modifications tous les ans.» Il s’agit aussi d’améliorer l’enseignement du français et des mathématiques dès les premières années d’école, projet rendu difficile par la suppression prochaine de plus de 3000 postes dans le primaire, et par la restriction du nombre d’heures pour ces matières dans le secondaire depuis dix ans, sans que le programme ne s’allège.
À la croisée de ces propositions, un constat unanime : ce qu’il manque aux élèves, c’est du temps, et de l’humain.
*Les prénoms ont été modifiés.
[1] Les troubles dys sont des troubles cognitifs spécifiques affectant une ou plusieurs fonctions cognitives telles que la perception, l'attention, la mémoire ou le langage.