Poète et dessinateur, érudit et enseignant, Sergio Lima, la principale figure du surréalisme au Brésil, est décédé à São Paulo, le 25 juillet. A la suite d’une longue maladie qui l’a isolé du reste du monde, la nouvelle est parvenue tardivement en France. A partir de sa rencontre avec André Breton à Paris, en octobre 1961, il a consacré sa vie à la défense et à l’illustration des idées et des œuvres du mouvement surréaliste à São Paulo, dans un contexte dominé par le nationalisme, de moins en moins réceptif à l’influence française.
Sergio Claudio De Franceschi Lima est né le 28 décembre 1939 à Pirassununga (Etat de São Paulo). Documentaliste à la Cinémathèque brésilienne de São Paulo, francophile et francophone, il obtient une bourse du gouvernement français pour effectuer un stage à la Cinémathèque française. Lors de ce séjour parisien, il prend contact avec André Breton, à son atelier du 42 rue Fontaine, et emporte avec lui ses dessins à l’encre de Chine. Le fondateur du surréalisme choisit deux de ses vignettes zoomorphes pour illustrer le tract collectif d’octobre 1961 intitulé « Sauve qui doit », contre la revue Planète.
Breton le présente au groupe surréaliste, qui se réunissait à la Promenade de Vénus, un café du quartier des Halles. Quatre années plus tard, La Brèche, la dernière revue dirigée par le poète, se fera l’écho de la formation d’un noyau surréaliste à São Paulo, ainsi que de la parution du premier ouvrage signé par Sergio Lima, Amore (1963). Publié par Massao Ohno, éditeur d’avant-garde, ce livre de 240 pages manuscrites puis lithographiées, est un hymne à l’érotisme et au corps de la femme. D’autres recueils réuniront la prose poétique de l’auteur, animé par la même flamme (A Alta Licenciosidade, 1985; Cantos à Mulher Noturna, 2009).
En août 1967, en collaboration avec le groupe de Paris, Sergio Lima organise la XIIIe Exposition Internationale du Surréalisme à São Paulo. L’appellation choisie, 1a Exposição Surrealista, était destinée à marquer son caractère inaugural au Brésil. L’accrochage prend pour thèmes « la Main Magique et l’Androgyne Primordial », mis en scène par Leila Ferraz Lima, épouse de Sergio. L’affiche dessinée par lui défie la censure avec une femme-serpent à la poitrine insolente. En guise de catalogue, les organisateurs publient A Phala, « revue du mouvement surréaliste », dont la couverture, conçue par Sergio Lima, est reproduite dans le catalogue Surréalisme que vient de publier le Centre Pompidou. La controverse sur la réception du mouvement surréaliste au Brésil deviendra le sujet de sa thèse de doctorat à l’Université de São Paulo (1988).
Malgré ses efforts, la période n’était pas propice à la subversion intellectuelle. Le premier numéro de la revue A Phala ne sera suivi d’autres livraisons, sous forme d’almanach, qu’en 2013 et 2015. Pendant les années de plomb, Sergio Lima poursuit son travail d’écriture et explore le collage (auquel il consacre un ouvrage), tout en cherchant une place dans l’enseignement supérieur. En 1995 et 2010, les presses universitaires de Campinas et de São Paulo éditent des volumes destinés à retracer A Aventura Surrealista. L’auteur allie érudition et pédagogie pour présenter les références de la modernité et du romantisme européens, à contre-courant de la déferlante nord-américaine. Enfin, le cinéphile revient sur ses découvertes de jeunesse avec un essai sur le cinéma des surréalistes, O Olhar Selvagem (2008).
Cet anticonformiste a noué une relation épistolaire nourrie avec le chef de file du surréalisme au Portugal, le peintre et poète Mario Cesariny, dont les lettres sont publiées en 2019. De leur côté, des maisons d’édition ou institutions portugaises reproduisent l’œuvre plastique et poétique de Sergio Lima, méconnue des Brésiliens. Ni sentinelle de l’orthodoxie surréaliste ni simple témoin, il était un passeur croyant à la puissance libératrice de l’imaginaire.