Durant les années 1960, les essais nucléaires atmosphériques et leurs retombées planétaires ont montré que l’homme pouvait modifier la biosphère et mettre en danger l’ensemble les espèces vivantes, cela a entrainé leur suspension à partir de 1981. La mise en évidence du trou de la couche d’ozone a également représenté une alerte sérieuse concernant l’influence des activités humaines sur la vie sur terre. Les mesures prises à l’échelle internationale dans les années 1990 et le retour progressif à la normale prévu dans les décennies à venir montrent que l’humanité peut agir efficacement pour préserver son habitat.
En ce qui concerne le réchauffement climatique, cela fait plusieurs décennies qu’il est démontré que les activités humaines en sont la cause principale. Les prévisions d’évolution des températures globales sont toujours plus inquiétantes, le réchauffement entraînera des conséquences à l’échelle globale avec des déplacements de populations, une augmentation des évènements météorologiques extrêmes et des modifications de la biosphère à grande échelle. Ces alertes, les désastres annoncés et déjà observés imposent à la mise en place rapide d’actions collectives pour garder la planète habitable. Force est de constater que les actions concrètes restent très insuffisantes vis-à-vis des enjeux. La Terre est notre seule maison, irremplaçable et vitale pour tous ses habitants. Les activités humaines et le réchauffement de la biosphère transforment et mettent en péril cet habitat. Il y aura des pertes de ressources, des migrations, des conflits. Quel niveau de dégradation de notre planète faudra-t-il atteindre pour que des actions adaptées soient mise en place ? Doit-on attendre des cataclysmes ou des guerres à grande échelle pour mobiliser les décideurs ?
Les acteurs sont multiples, ils peuvent être motivés par des intérêts particuliers ou à court terme qui l’emportent sur l’intérêt collectif à moyen et long terme. Un levier de pression efficace pourrait être l’établissement d’un principe de responsabilité impliquant personnellement les décideurs qui mettent en danger la planète par leurs choix. L’ensemble des espèces vivantes et l’humanité vont être soumis à « des conditions d’existence propres à entraîner la destruction d’une partie des populations ». Ces derniers termes sont dans la définition des crimes contre l’humanité tels qu’indiqués par le Tribunal Pénal International. Ce tribunal ne prend pas encore en compte les actions mettant en danger la biosphère dans la définition des crimes contre l’humanité, alors que la dégradation de notre habitat commun concerne de manière évidente l’ensemble de cette humanité. L’inaction des décideurs actuels sera certainement perçue comme un tel crime lorsque les conséquences deviendront insupportables. Annoncer dès maintenant cette évolution du droit international devrait mettre en garde les principaux responsables.
Si chaque individu participe à son échelle au changement climatique, il n’a souvent pas de choix alternatif à l’utilisation des ressources énergétiques et minérales. Il n’en est pas de même pour les personnes qui orientent à grande échelle l’utilisation des ressources naturelles en ne limitant pas ou en aggravant le réchauffement. Les acteurs concernés sont premier lieu les chefs de gouvernements, de grandes entreprises ou d’établissements financiers dont les orientations pèsent de manière significative sur la diminution ou l’augmentation du réchauffement climatique. L’excuse d’ignorance ou de doute n’est plus valable, les travaux du GIEC font l’objet d’un consensus scientifique international et donnent les éléments nécessaires pour les éclairer. Les personnes parties prenantes dans les grandes orientations agissent en connaissance de cause et sont responsables de leurs actes.
La qualification de ce crime parait inéluctable au vu des conséquences annoncées, il faut annoncer dès maintenant que l’inaction dans la limitation du réchauffement de la planète sera reconnue comme un crime contre l’humanité, avec un possible effet rétroactif. La définition de crime contre l’humanité n’existait pas durant la seconde guerre mondiale, cela n’a pas empêché le tribunal de Nuremberg de condamner des dirigeants nazis à ce titre, de manière rétroactive, après la guerre. Ce crime étant imprescriptible, des décisions prises actuellement pourraient être jugées dans 50 ans. Les donneurs d’ordres, en maintenant ou développant des énergies utilisant les énergies fossiles engagent leur responsabilité, la menace de l’inculpation ou la désignation par les instances internationales doit dès maintenant les influencer car ils auront un jour à répondre de leurs actes.
Le réchauffement climatique n’est pas la seule action de l’homme qui remet en cause l’habitabilité de la Terre. Les activités humaines imposent des transformations brutales sur les habitats, la biodiversité et la santé des êtres vivants. Nous ne sommes pas encore capables d’en évaluer toutes les conséquences mais la méconnaissance n’est pas une excuse au laisser faire et ne préjuge pas de la définition future d’autres crimes environnementaux.
Par définition le modèle économique qui s’appuie sur l’exploitation de ressources non renouvelables nie la possibilité de sa pérennité. Pour perdurer l’humanité devra, soit se passer des matériaux non renouvelables, soit assurer un recyclage suffisamment efficace pour pouvoir se passer de nouvelles extractions. Les générations futures percevront probablement notre mode de fonctionnement comme irresponsable. Il est inéluctable que l’humanité soit contrainte pour survivre à rationaliser l’utilisation des ressources de la planète.
La terre est un bien commun que nous partageons avec tous les êtres vivants. Les décideurs qui hypothèquent son habitabilité ou ses ressources doivent prendre conscience qu’ils pourront être un jour mis en cause, avec des sanctions en rapport avec leurs responsabilités.
Compléments
La définition de crime contre l’humanité concernant l’environnement se retrouve entre autres dans l’article de Catriona McKinnon qui évoque le « Postericide » McKinnon, C. (2017). Endangering humanity: an international crime? Canadian Journal of Philosophy, 47(2–3), 395–415. https://doi.org/10.1080/00455091.2017.1280381
Le crime d’écocide est également mis en avant par la convention citoyenne pour le climat avec la proposition de définition suivante :
Constitue un crime d’écocide, toute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées.
Afin que les sanctions soient dissuasives la peine encourue doit être, dans le cas d’une violation par une entreprise, outre une peine d’emprisonnement et une amende pour les dirigeants d’entreprise ou les personnes impliquées dans les décisions, une amende en pourcentage significatif du chiffre d’affaires de cette entreprise, elle doit inclure l’obligation de réparation. https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/objectif/legiferer-sur-le-crime-decocide/
Proposition de loi : Reconnaissance du crime d'écocide https://www.senat.fr/leg/exposes-des-motifs/ppl18-384-expose.html
Une mention particulière concerne les actions de guerre et de destruction volontaires. Indépendamment des aspects humainement condamnables, elles constituent de surcroit des crimes d’écocide du fait de leurs conséquences en gaspillage d'énergie, de ressources, d'infrastructures ou environnementales. https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/06/10/le-cout-ecologique-exorbitant-des-guerres-un-impense-politique_6129644_3232.html