L’éthique des affaires est l’application contextuelle des vertus professionnelles au monde de l’entreprise, mais elle prend aussi tout son sens dans la vie politique.
En chaussant des lunettes éthiques, voilà comment décrypter les différentes manifestations de la corruption, illustrée par la publication du palmarès de Transparency International.
Sur le plan de l’honnêteté, on peut s’interroger sur le fait qu’un président élu sur un discours d’exemplarité, puisse aller jouer le représentant de commerce dans des pays à la réputation sulfureuse en matière de corruption. Au-delà de l’amélioration potentielle de la balance commerciale, il conviendrait tout au moins de ne pas s’exposer en compagnie du diable ! Une solution pourrait être d’interdire aux états de vendre à un pays moins bien classé dans le palmarès… à considérer, bien sûr, que les critères d’évaluation soient indiscutables.
A propos de la justice, nous observons que sous couvert de différences culturelles, certains pays ont une approche particulière de la corruption. Ainsi, dans des anciennes républiques de l’URSS, les paiements de facilitation sont quasiment légaux. En Afrique, le droit coutumier intègre la pratique du dessous de table. Au-delà de leurs richesses naturelles et minières, ces pays plus "tolérants", qui attirent les vendeurs de tout poil, entreprises et états, sont bien souvent le royaume de la corruption et du blanchiment d’argent, des lieux de croissance forte du PIB…. mais où règnent les plus grandes inégalités sociales.
Récemment mise en avant, la vertu de patriotisme est sans doute celle qui est la plus sujette à exagération. Non pas qu’il soit malsain de défendre les industries locales, mais encore faut-il être sûr qu’elles assurent la majeure partie de la valeur ajoutée de production et qu’elles font référence à un maintien plus sensé que celui d’avantages acquis, qui n’auraient plus de raison d’être aujourd’hui.
En ce qui concerne la vertu d’intégrité, la problématique est claire. Elle doit traiter de ce couple indissociable : le corrupteur et le corrompu. Ou : la poule et l’œuf. Cela commence au niveau le plus banal : le médecin qui accorde un arrêt de travail abusif se justifie par le fait que s’il ne s’exécute pas, un confrère le fera. Imaginons ce que cela donne au niveau de l’exportation de systèmes d’armes ! Seules des règles du jeu internationales pourraient agir efficacement. Pour cela, il convient de donner des moyens importants aux instances de contrôle, afin d’empêcher les contrevenants de s’enfuir avec la caisse…
Dans la même logique, rappelons, sans démagogie, la pression que subissent les médias, dont la plupart appartiennent à des industriels : du luxe, de la finance, ou des travaux publics… Quelle liberté reste-t-il aux journalistes dont l’employeur souhaite ne pas prendre de risque avec ses budgets publicitaires, ou qui fraie avec les milieux teintés de corruption ?
Isabelle Deflandre et Pierre Boningre (IDðics)