Le terme de "conflit d’intérêts" est apparu en pleine lumière à la suite du rapport commandité par Nicolas Sarkozy à Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État (ici). Il visait à l’époque (nous sommes en janvier 2011) le phénomène de pantouflage des hauts fonctionnaires. Il est depuis repris à toutes les sauces pour stigmatiser les liaisons douteuses de ceux qui détiennent une parcelle de pouvoir, avec des acteurs économiques qu’ils sont sensés tenir à distance, ou pire, superviser.
Le problème est que le conflit d’intérêts n’a aucune base juridique, contrairement à la collusion, que le Code Pénal décline en corruption, trafic d’influence, ou prise illégale d’intérêts. C’est donc de cela qu’il convient de parler.
Plus le niveau de responsabilité est élevé, plus les libertés avec la Loi sont nombreuses. Il m’a été donné d’entendre, dans les couloirs de Matignon, que j’ai un peu fréquentés : « La Loi, on ne cherche pas à la respecter, on la fait ! ».
Sauf à être bien naïf, il faut admettre que, à part pour une proportion non nulle mais faible d’entre eux, tous nos maires, députés, ministres, sénateurs, etc. ont reçu des prébendes, le plus souvent en liquide, qu’ils ont placées dans un compte bancaire dissimulé au fisc ! Et quand ils ne sont plus "aux affaires", c'est la monétisation de leur carnet d'adresses qui continue de les alimenter.
C’est la même chose pour les dirigeants d’entreprise, surtout pour ceux qui sont en contact avec les collectivités territoriales. Dans les deux cas, ils trouvent toujours un banquier, ou un gestionnaire de fortune, qui leur vend des conseils d’optimisation fiscale, pour ne pas parler d’évasion.
Espérer que la justice fasse le ménage est une pure utopie : tout le monde est mouillé, tout le monde se tient par la barbichette ! Si l’un d’entre eux tombe, c’est tout un pan de la classe politique et de nos grands industriels qui disparaît ! La seule solution est alors de trouver des victimes expiatoires, que l’on condamne pour des délits certes réels, mais très éloignés du fond.
Juppé, DSK, Kerviel, … Cahuzac, Proglio, …
Sans remonter à Al Capone, tombé pour fraude fiscale (!), on peut parler d’emplois fictifs, de proxénétisme aggravé en bande organisée, de faux /usage de faux/abus de confiance/introduction frauduleuse de données dans un système informatique, ou encore de compte en Suisse…
Aujourd’hui sur la sellette, Jérôme Cahuzac n’est en fait que la face émergée d’un iceberg qui congèle l’ensemble des détenteurs de pouvoir. S’il avoue, il sera la risée des plus malins qui auront dissimulé depuis longtemps leurs avoirs en Irlande, en Australie, à Hong Kong, à Singapour, ou dans le paradis des Antilles. Les autres vont profiter du répit qu’il leur accorde par ses dénégations (et par la lenteur judiciaire) pour tenter de faire de même.
Dans le cadre de la république irréprochable, comme tous les ministres et (pour la première fois) tous les députés, Jérôme Cahuzac a signé une déclaration d’intérêts (ici). Elle est extrêmement succincte, mais conforme aux textes. Où l’on reparle de la distance entre éthique et conformité (ici).
N’y apparaît que le nom de son frère, Antoine, ancien responsable de la banque privée (la gestion de fortune) à la banque HSBC France, puis recruté en janvier 2012 par Henri Proglio, comme directeur général de EDF Energies Nouvelles (ici). Henri Proglio qui, en tant que tout frais président de Veolia Environnement, avait par ailleurs renégocié le contrat de distribution de l’eau avec la municipalité de … Villeneuve-sur-Lot fin 2002, sous la députation de Jérôme Cahuzac (ici) !
Mediapart a encore de belles enquêtes en perspective devant lui !...