Cela se profilait et sans rien dire, le gouvernement veut introduire la possibilité de déchéance de la nationalité pour les binationaux nés sur le sol français. Cette mesure est tout d'abord d'un caractère dissuasif limité dans la mesure où les personnes ciblées font le choix, au travers de leurs actes, de renoncer à tout attachement aux valeurs de la France. Et pour cela ils n'ont besoin d'aucune loi. Il suffit de se rappeler les images de français brulant leurs passeports en terre syrienne. Vous me direz, raison de plus pour les déchoir.
Cela pourra calmer ceux de nos binationaux qui auraient de velléités de terrorisme, certes. Cela pourra certainement faire peser une épée de Damoclès sur tous ceux, et certainement les plus nombreux, qui n'ont aucunement ces profils, mais qu'un pouvoir administratif (et oui, nous risquons de vivre en état d'urgence un bon moment!) pourra à loisir cibler.
Cela touche ensuite à un principe fondateur des valeurs de notre pays, le droit du sol. Nos élites tentent de nous faire renoncer à ce droit fondamental, qui est, à mon sens, une des bases de notre lien social et un facteur essentiel d'intégration. Imaginez la capacité d'intégration d'hommes et de femmes nés sur notre sol de parents ayant fait le choix ou subi l'immigration, ne disposant pas des mêmes droits qu'un français pour la simple raison que leurs parents ne l'étaient pas!
Les cyniques me répondront qu'en matière d'intégration le fait d'être ou non français n'y a pas fait grand-chose quand on observe aujourd'hui que des terroristes sont nés sur le sol français de parents issus de l'immigration. C'est là, la véritable question : pourquoi ces hommes et femmes ont fait le choix de la radicalisation? Par idéal religieux? Je ne crois pas. La radicalisation religieuse est un réceptacle d'un rejet bien plus grave et qui prend sa source chez nous, en France, dans nos banlieues et ailleurs. Même si rien n'excuse leurs actes, il est peut être temps d'essayer de comprendre leur descente en enfer. Ces personnes ont grandi en marge de notre société de consommation, avec échec scolaire, échec professionnel, chômage, racisme, délinquance. Ils se sont révoltés en 2005. Et que brulaient ils? Des crèches, des écoles, des centres sociaux, tous les symboles d'une société qu'ils rejetaient puisqu'elle les conduisait à la marginalisation. Nos élites n'ont voulu y voir que des actes de vandalisme de jeune en mal de reconnaissance. Ce mal était bien plus profond que cela et rien n'a été fait pour y apporter un début de réponse. Dès lors que la république avait abandonné la place, le terrain était ouvert à toute forme de récupération de ce rejet. Et que font nos élites aujourd'hui? Plutôt que d'admettre leur part de responsabilité, elles choisissent de rejeter ceux et celles qu'elles peuvent encore rejeter. Pour autant ces terroristes nés sur le sol français sont français. Ils sont tels que la France les a fait. Refuser d'admettre que notre société actuelle est une fabrique à exclusion ne règlera pas le problème.
Nos élites ont bien plus à perdre qu’à y gagner et ont fait le choix délibéré d’instrumentaliser les peurs du plus grand nombre à leur profit. A court terme elles sont gagnantes et nous rassurent en se montrant capable de les éradiquer. Mais à moyen terme qu’en sera t il quand la marginalisation originelle de quelques quartiers de banlieue aura gagné l’ensemble de notre classe moyenne et que nous aurons accepté de renoncer à nos libertés ? Que ce passerait il si le rejet de cette société devenait plus fort que nos peurs ?
A quelle récupération serions nous exposés ? Celle de nos élites dans la surenchère de la peur ou celle de tout groupe organisé nous promettant des jours meilleurs ? Nos élites pourraient elles alors déchoir de leur nationalité des français nés en France de parents français ? Les solutions seraient bien pires.
Finalement le consensus de nos élites, allant de la gauche à l'extrême droite, s'affiche jour après jour. Mais devons nous encore raisonner avec cette construction où plutôt aborder ces mêmes élites comme un corps d'hommes et de femmes privilégiant leurs intérêts et utilisant la peur qu'ils ont diaboliquement distillée pour accroitre encore et encore leur pouvoir au mépris de toute démocratie. Cela me rappelle étrangement une période de notre histoire que je n'ai pas vécue et qui a conduit à la seconde guerre mondiale.