Il était une fois un royaume où tous les humains se sentaient en sécurité. Un monde où les hommes étaient des rois et les femmes, les maîtresses des rois. Ce merveilleux endroit offrait une pérennité absolue à ceux qui avaient créé ce paradis, pour que jamais le disque ne se rayât et ne trouvât une fin. Si par malheur une personne, peu importait son genre, osait braver l’interdit et remettre en question ce droit patriarcal divin, alors, même dans leur nonchalance bienveillante, les possesseurs du pouvoir sortaient instantanément les griffes et imposaient de façon paternaliste, leur philosophie partiale qui eut pour règle démocratique de faire le bien pour tous, à condition de voir les femmes à la place qui leur fut réservée.
Un jour, une bonne fée, dont on ne put connaître la provenance, tant l’évènement était aussi rare que la parité des femmes dans ce joli monde, entreprit de manipuler quelques-unes des pauvres diablesses impuissantes, qui, réparties dans un lieu distinct, se virent investies d’une tâche aussi incroyable qu’improbable. Elles devaient propager l’idée d’égalité entre les hommes et les femmes, sans violence, et convaincre les autorités des différentes régions centralisées dans ce ‘petit monde d’hommes’, pour que naquît l’embryon d’une démocratie à l’aura universelle. Ce que ne savait pas notre groupe de révolutionnaires, c’est que le ‘grand homme’ du petit monde des hommes qui vivait au centre de tous ses vassaux, était aussi minus qu’un lilliputien perdu dans un immense château où des négrières, fortes d’un pouvoir acquis avec le temps, régissaient avec poigne d’autres femmes plus frêles, sur qui elles tapaient jour et nuit pour faire raisonner ordre et musique wagnérienne. Ces esclaves du ménage, de la cuisine et de l’amour, subissaient continuellement violences et tortures au château, mais le roi des rois, n’avait aucune pitié, puisque le sexe féminin, si tant est qu’il existât à ses yeux, n’était qu’un amas de peau sur des os fragiles, qu’il était inutile de protéger, tant la source ne se tarissait jamais. Titus, tel était le nom de ce roi minus, détestait les femmes et ne leur accordait que du mépris, si bien que les révoltés du royaume furent anéantis, ainsi que leur progéniture, et tout recommença comme avant.
Les femmes dans ce monde, représentaient 70% de la population, conséquence des petites guerres d’amusement incessantes entre roitelets provinciaux, qui s’infligeaient des lourdes pertes de part et d’autre. Les rares femmes qui osaient se rebeller, étaient lourdement châtiées, et difficile pour elles de se rassembler, tant la vigilance de certaines autres, jalouses et envieuses du statut des hommes, les épiaient et les contraignaient à renoncer, sous peine de sanctions bien plus effrayantes. Comment faire pour obtenir l’égalité dans un univers où l’immuabilité était sacrée et la force, le rempart de cette politique aveugle. N’y avait-il aucun espoir de changement !
La bonne fée revint et pour la seconde fois, prit à partie un petit groupe de femmes réunies dans une clairière avec leurs enfants qui jouaient et chahutaient. Elle était vêtue d’une tunique rouge, au coton léger, qui lui tombait jusqu’aux chevilles et laissait apparaître ses talons noirs et ses orteils écorchés, comme si la fée, au lieu de voler dans les airs, avait marché des jours entiers. Les femmes par instinct, fuirent à la vue de cette harpie, qui cachait assurément son corps de corbeau malfamé sous son long caftan. Par son pouvoir, elle les contraignit de rester sur place pour l’écouter parler : « Ouvrez grandes vos oreilles, mes sœurs ! Scanda la fée. Je suis venue à vous pour vous annoncer la bonne fortune, votre destin va changer. Le monde dans lequel vous survivez, très bientôt, sera anéanti. Nul ne peut jouir de la vie, là où la raison humaine s’exprime contre nature, ajouta-t-elle. C’est une question de temps, tic, tac… » Et elle disparut. Les pauvres ‘filles’ toutes émues et ébouriffées par la puissance de la tornade qui venait de les figer, sentirent leurs jambes défaillir, mais une force soudaine les retint et l’espoir naquit, tout comme le ciel qui s’éclaircit. Les bons présages étaient attendus depuis des millénaires et une fée, aussi puissante fut-elle, avait-elle les pouvoirs d’effacer tant de souffrances et tant d’humiliation !
Et il fallut attendre ; 3 ans, puis 5 et à la septième année se produisit l’incroyable, une malédiction emporta le roi Titus, puis tous les autres roitelets, suivirent les ministres et enfin toute la gent masculine s’éteignit. Il ne resta plus que les enfants, des deux genres, et les femmes. Était-ce une épidémie ? C’est ce que les bonnes âmes survivantes pensèrent, bien que certaines laissèrent courir le bruit qu’une fée étrange fut à l’origine de cet extraordinaire changement. Peu importe qui était responsable, une vérité assurément faisait consensus ; les hommes avaient trop longtemps, à leur guise, maltraité les lois naturelles du processus vivant d’un monde dans lequel tous vivaient et se partageaient les bienfaits. On ne peut ainsi bafouer la vie d’où qu’elle vienne, sans avoir un jour, à en payer le prix. Et ce jour était venu ! Il fallait dorénavant tout reconstruire et d’une manière bien différente. Si la Nature avait ainsi réagi, c’était pour punir les hommes qui la maltraitaient, et d’une évidence, les femmes devaient faire preuve de grande sobriété et d’un nouvel élan enthousiaste pour créer un autre monde qui donnerait sa chance à tous les organismes vivants de coexister, sans distinction, qu’ils fussent pistils ou étamines.
Ainsi se termine cette fable optimiste et peut-être un jour, réaliste.