
« ça chemine », l’expression utilisée dimanche par Laurent Fabius, en faisant référence à la candidature de Dominique Strauss-Kahn, en dit beaucoup plus qu’en apparence. L’ancien premier ministre, au parcours sinueux, nous avait habitué à ses retournements politiques : après avoir été le chantre du social-libéralisme, il sera l’un des leaders du non au traité constitutionnel avec la gauche socialiste. Laminé en 2006 aux primaires socialistes, il deviendra le soutien de Martine Aubry au dernier congrès pour finir partisan de Dominique Strauss-Kahn. Certes, il conserve encore quelques mots aimables à la première secrétaire du parti socialiste, Martine Aubry, considérant qu’elle a aussi les capacités pour remporter cette élection. Mais Dominique vient maintenant devant Martine, ses contacts sont « réguliers » avec le premier, une volonté, à peine voilée, de pousser, en douceur, la dame des 35 heures vers la sortie.
Fort de ses bons sondages et du soutien de ses nouveaux partisans, Dominique Strauss- Kahn reste pour l’instant en réserve, du moins dans le débat public car le nombre de ses entretiens semble en forte hausse !
La volonté de certains de pousser cette candidature pour la présidentielle de 2012 conduit inévitablement à s’interroger : Dominique Strauss-Kahn est-il le meilleur candidat à gauche pour l’emporter en 2012 .
Ancien ministre de l’économie, actuel directeur du FMI, Dominique Strauss-Kahn dispose de qualités de gestionnaire qu‘on ne peut pas contester. Mais ces qualités sont-elles suffisantes pour en faire un bon candidat à l’élection présidentielle ?
L’élection présidentielle depuis De Gaulle est un rendez-vous politique particulier : c’est la rencontre entre un peuple et un leader. Le Président de la République est, depuis la réforme institutionnelle de 1962, considéré comme le représentant direct des Français. Elire un président de gauche impose donc un soutien fort des classes populaires. L’histoire est ainsi jonchée de ses leaders, pourtant reconnus par leur compétence, assurés de sondages prometteurs, qui n’ont pas réussi à s’imposer parce qu’il leur a manqué ce contact avec les Français. Michel Rocard, puis Lionel Jospin, qui ont été de bons premiers ministres, n’ont pas pu aller au-delà. On se rappelle aussi du naufrage à droite d’Edouard Balladur contre Jacques Chirac.
La qualité de « bon gestionnaire » n’est donc pas un atout suffisant. D’autant plus que la stratégie choisie par Dominique Strauss-Kahn de rester en réserve le plus longtemps possible, dans son bureau de Washington, loin des Français, peut s’avérer une erreur à long terme. La montée des extrêmes actuellement relance les risques du premier tour.
Il faudra donc plus que le qualificatif de « meilleur premier ministre » possible à la France pour remporter l’élection présidentielle. Le soutien populaire, la présence sur le terrain, l’ambition politique pour répondre aux réels besoins des Françaises et des Français seront indispensables pour remporter à gauche cette élection présidentielle. Si Dominique Strauss-Kahn a des atouts, il lui manque encore l’essentiel : le contact avec le peuple pour porter sa voix et en faire son représentant. C’est exactement ce que sa principale rivale aux primaires est en train de gagner pas à pas. L’héritière de François Mitterrand, Ségolène Royal, distancée encore dans les sondages a choisi de mener une campagne de terrain, à la rencontre directe des Françaises et des Français. Si elle a aussi des handicaps, elle a assurément cet atout majeur pour l’élection présidentielle : ce sens du contact direct avec le peuple, cette farouche volonté de devenir leur représentant, pour faire entendre leur voix et mener une politique comme elle le dit : non pour servir les intérêts de quelques uns mais « au service la France ».
Philippe Allard