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Billet de blog 11 février 2023

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Harcèlement, licenciements, malversations à la résidence pour séniors Palazzo

Un des nos camarades a porté à notre connaissance des faits de maltraitance, de harcèlement, et de licenciements abusifs sur le personnel du Palazzo République à Marseille, en demandant à PEPS d'intervenir. Voici le résultat de plusieurs mois d'enquête et d'action collective - réalisée avec l'aide de camarades de Solidaires, pour la défense des droits des travailleurs.

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Illustration 1

Harcèlement et mesures punitives

Au départ, c'est un camarade qui, en détresse car harcelé sur son lieu de travail, porte à notre connaissance les comportements oppressifs de son directeur, Stéphane SERRES. Philippe, alors en arrêt maladie, nous a demandé d'intervenir pour lui, mais aussi pour ses collègues subissant le même enfer ou ayant été licenciés de façon abusive. Il nous fournit un témoignage sidérant : Ses collègues et lui sont poussés à bout, certaines sortent parfois en pleurant du bureau de ce directeur autoritaire, qui les insulte, les menace parfois même de sanctions collectives ou d'être "sur leur dos". Dans les témoignages adressés à PEPS Marseille (Pour une Ecologie Populaire et Sociale), apparaissent des lignes qui nous fendent le cœur :

"Je mange peu"

"Je me sens vidé"

"Je pleure souvent"

"J'ai de plus en plus de trous de mémoire"

"On a abusé de ma faiblesse [...] on m'a volontairement poussé à bout"

Nous nous sommes alors entretenus séparément avec plusieurs d'entre eux. Certains préfèrent encore garder l'anonymat, d'autres ont accepté de témoigner et d'être cités. Parmi les personnes victimes de ce harcèlement, Lauris, directrice adjointe de l'établissement, témoigne également. Subissant un harcèlement permanent, elle nous confirme le témoignage de Philippe.

"Votre maquillage va couler"

Déjà en poste avant l'arrivée du nouveau directeur en Octobre 2021, Lauris explique la nette dégradation de l'ambiance au travail dès l'arrivée de Stéphane SERRES. La harcelant de critiques et de menaces, il augmente la pression dans le but de la faire quitter son poste. Lors d'une dispute avec elle, il se permet même de lui glisser une menace particulièrement inadmissible : "Votre maquillage va couler" en assurant qu'il allait être sur son dos en permanence. Tout aussi déplacé, il ironise sur des violences subies par Lauris d'un autre homme sur son lieu de travail et qui avait même conduit la résidence à engager un agent de sécurité permanent. Lorsque d'autres salariés témoignent de ce que vit Lauris avec le directeur, ils nous précisent : "Le pire c'est avec les femmes, avec nous il se permet pas d'aller aussi loin." Rappelons que :

"Le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende."
- article 222-33-2 du code pénal

Et que :

"Nul ne doit subir d'agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant."
- article 1142-2-1 du code du travail

Les faits sont graves et pourtant ça ne s'arrête pas là. Au Palazzo, il ne semble pas permis de contrarier la hiérarchie, qui peut aller jusqu'à mettre en place des sanctions financières. Le cas des retenues sur salaire de Yasmina est criant. Il lui est d'office facturée sa place de parking. Selon les salariés interrogés, elle est la seule à devoir le faire. Par ailleurs, ça n'a pas toujours été le cas et, toujours selon les témoignages recueillis auprès du personnel, cette mesure est avant tout punitive et discriminatoire, elle n'est rien de plus qu'une énième action oppressive destinée à montrer l'exemple de ce qui peut être fait lorsque la hiérarchie fait une colère.

Nous avons joint à cet article les documents que nous nous sommes procurés, attestant de ces retenues sur salaire, dont nous avons effacé l'adresse personnelle de la travailleuse bien entendu. Nous ne pouvons évidemment pas révéler comme nous nous les sommes procurés.

Factures (pdf, 1.6 MB)

A ces pressions, menaces, et mesures punitives, bien connues du groupe Réside Etudes auquel appartient le Palazzo car plusieurs fois signalées, s'ajoute la peur permanente d'être licencié. Le directeur en a fait la démonstration à plusieurs reprises.

Licenciements abusifs

Nous avons récolté les témoignages d'anciens salariés, décrits comme de bons travailleurs par leurs ex-collègues. Licenciés pour "causes réelles et sérieuses", ceux-ci ont pourtant reçu des lettres de licenciement creuses de toute justification sérieuse. Après cinq années de travail pour Pedro (dont deux en intérim et trois en CDI), auquel tenaient beaucoup les résidents, peut-on croire à une insuffisance professionnelle permanente, alors qu'elle n'est que soudainement avancée par un directeur ? Son renvoi, que Philippe nous décrit comme une saute d'humeur de Stéphane SERRES, lui est annoncé de façon surprenante sans entretien loyal en amont : Pedro a simplement du rentrer chez lui.

Pour José, ce fut après toute une journée de travail habituel que sa mise à pied lui a été signifiée ... En sortant du travail donc. Une nouvelle saute d'humeur du patron qui l'a amené à un entretien et conduit à son licenciement, toujours sans motif sérieux. Le harcèlement qu'ils ont subi, lui, est sérieux. De propos diffamants en comportements inappropriés voire menaçants, ils ont vécu dans une entreprise qui les a traité en ressource et non en humain.

Autre cas : Celui de Valentine, licenciée après un entretien dont le compte rendu a été falsifié. En effet, un faux rapport d'entretien préalable au licenciement est venu appuyé son renvoi, mettant en scène une conversation qui ne correspondait pas à celle qui s'est réellement tenue. Heureusement, après plusieurs mois de harcèlement et pressentant une fraude possible, l'entretien a été enregistré et conservé par Valentine. Rappelons qu'en droit, lorsque l'affaire est pénale, la priorité va à la preuve. L'enregistrement était donc utile mais surtout légalement nécessaire.

Tous ces licenciements et ces comportements oppressifs destinés à faire partir des travailleurs nous ont surpris. Pourquoi un directeur de résidence pour séniors prendrait il le risque de s'exposer à des poursuites ? Un élément nous a mis la puce à l'oreille : Quelques semaines avant les licenciements, la direction régionale était informée par des salariés que le directeur de l'établissement, Stéphane SERRES, apparaissait sur le testament d'une résidente, qui l'avait fait faxer par l'accueil à son notaire. On a donc creusé un peu ...

Malversations et maltraitances sur des résidents

La présence du directeur sur le nouveau testament d'une résidente, qui ne devait être qu'une anecdote racontée lors d'un entretien avec un salarié, chargé de l'accueil à l'époque de sa rédaction, ne nous est pas apparue comme une information anodine. Après cet entretien, nous sommes parvenus à récupérer le testament. Il n'avait, par chance, pas pu être faxé. Il a donc été proposé à la résidente de le scanner et de le faxer un peu plus tard au notaire. Nous nous sommes procuré ledit testament, daté du 27 Juillet 2022, adressé à Marie-Laetizia PERETTI par Rita, une résidente. Nous avons retiré les informations considérées comme sensibles (bancaires et médicales) au marqueur avant de scanner à nouveau le document.

Testament (pdf, 263.3 kB)

Parvenu à la direction régionale, cet élément n'a pas été traité avec sérieux et aucune sanction n'a été prise contre le directeur. Pourtant, le personnel est unanime, le directeur de l'établissement ne pouvait pas ignorer qu'il figurait sur ce testament : "Rita est passée plusieurs fois dans son bureau pour qu'il l'aide à écrire son testament". Quelques temps plus tard, les salariés étaient menacés, parfois licenciés. Un.e salarié.e du groupe, préférant garder l'anonymat, nous confirme : "Oui, il a voulu les faire virer pour ça, y'avait que pour Valentine où c'était pas sûr [...] mais Pedro et les autres ils devaient partir. [...] Il veut garder que ceux qu'il a recruté." ; Avant de préciser : "Je suis pas sûr.e à 100%, mais je crois que la DR [...] était au courant pour la raison des licenciements."

Dans le même temps, on recevait des témoignages décrivant des situations de maltraitance sur des résidentes et d'autres accusations d'abus de faiblesse (à la demande des proches, nous préservons pour le moment certaines informations). Nous avons notamment le cas d'une résidente, Madame Vanout, ayant du être retirée de l'établissement après qu'elle ait été menacée par Stéphane SERRES, faisant une nouvelle colère selon le personnel.

Ces éléments en main, nous pouvions engager un rapport de force avec la direction régionale et le groupe Réside Etudes. C'était le moment d'agir, après plusieurs mois d'enquête, longue et pénible pour les travailleurs encore en poste au Palazzo, tant la pression exercée par le directeur était intense.

Action collective et départ du directeur

Contactée par PEPS Marseille (avec l'aide et les précieux conseils de camarades plus expérimentés du syndicat Solidaires), la direction régionale a transmis au groupe national Réside Etudes notre mail. Celui ci ne contenait pas d'information sur le testament mais parlait de "malversations financières" et de l'oppression subie par les travailleurs désormais en lutte pour leur dignité et contre cette injustice qui n'avait que trop duré. L'une des revendications était la suspension immédiate, par sécurité, du directeur. Au début, c'était inenvisageable. Mais une fois les éléments matériels mis en évidence, le groupe a reculé. On nous a annoncé en fin de conversation téléphonique (intégralement enregistrée, bien entendu) que le directeur allait démissionner.

Dans un premier temps, nous avons pris cette information avec des pincettes. Nous en avons averti les salariés, tout en appelant à la prudence. Cette information a, près de 24h plus tard, été confirmée en interne. Le directeur s'en va. Cette première victoire est un soulagement, mais ne marque pas la fin de cette action collective. Maintenant, les travailleurs licenciés ou encore en poste doivent obtenir réparation.

Suites

Le problème est que maintenant, bien que les discussions se soient cordialement poursuivies et que la situation ait évolué dans le bon sens, le groupe Réside Etudes se dit hostile à traiter avec les organisations politiques ou syndicales. Mais une négociation uniquement interne à l'entreprise, alors qu'elle est habituée à exercer des pressions et fournir de fausses informations, est un risque que nous ne prendrons pas. Et les travailleurs ont pu constater que continuer sur la voie de l'actuelle action collective était efficace, là où en interne ils ont toujours subi des revers.

Puisque le groupe Réside Etudes refuse de prendre ses responsabilités vis-à-vis de ses salariés et résidents, alors nous passerons à l'offensive publique en posant cette question simple :

Qui accepterait de mettre papi ou mamie dans une résidence où le personnel est maltraité et où on peut se faire spolier son héritage ?

Si le groupe Réside Etudes ne se positionne pas, la justice et l'opinion l'y contraindront !

PEPS Marseille prend l'entière responsabilité légale des accusations avancées et une seule pression sur les salariés coupera toute possibilité d'accord à l'amiable.

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