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Billet de blog 13 décembre 2011

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Catastrosphisme : nouvelle maladie économique

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L'alternative, (pour la Grèce) c'est la sortie de l'euro ?
J.P.F. un économiste réputé a répondu à un journaliste qui lui posait la question : « Non. Ce serait un cataclysme économique. La monnaie serait dévaluée, les dettes publiques s'envoleraient. Le protectionnisme rayonnerait. Et la récession ferait exploser le chômage. Un cycle dévastateur et durable. »
Conclusion hâtive qui ne devrait pas étonner, même de la part d’un économiste qualifié comme celui-ci. Comme beaucoup d’économistes, qui analysent la situation à l’aide de cas anciens actualisés, (l’Economie est cyclique), il a condensé en une phrase et en un seul moment non défini, une situation qui résulterait de mesures économiques et fiduciaires évoluant dans diverses directions, sur le court, le moyen et même le long terme. Ces états annoncés feraient suite à quel scénario ?
Le scénario de sortie de l’Euro pour un petit pays, comme la Grèce, lui permettrait sortir de ses difficultés actuelles en renouant avec une certaine croissance. Derrière cette notion se dessine le progrès et surtout l’emploi. Cette relation entre l’activité de l’économie réelle qui part de la consommation des produits finis a été pour la première fois analysée par Keynes. Si nous démontrons que la croissance grècque est possble, rien de ce que prédit J.P.F. ne sera sûr dans sa prédiction.
Ce qui est le plus dangereux en Economie, et qui explique peut-être pourquoi J.P.F a paniqué, ce sont les déséquilibres monétaires qui peuvent ne plus être maîtrisés si les volumes en question deviennent excessifs. Ce qui explique pourquoi il est important de commencer par un petit pays comme la Grèce.
Dans notre scénario, les mouvements de fonds en Euros deviendront de plus en plus faibles et seront remplacés unité par unité par une nouvelle monnaie que l’on pourra appeler euro-drachme ou drachme tout court. Avant de proposer une technique pour que la Grèce puisse retrouver la croissance, il faudra qu’elle force son indépendance en refrappant sa propre monnaie. Cet exemple pourra ensuite nous faire progresser dans la recherche du plein emploi pour un pays comme la France.
Première mesure : sortir de la zone euro
1 - Sur le marché intérieur, rien ne change à l’annonce de la Banque Centrale grecque de changer progressivement l’Euro par l’euro-drachme : cet échange qui ne devrait pas dépasser quelques mois, verrait donc coexister deux monnaies sur le marché national. Refrapper une ancienne monnaie aussi bien en espèces qu’en monnaie scripturale ne pose aucune difficulté technique. L’euro sera remplacé en quantité égale à n’importe quel moment aussi bien dans les distributeurs que sur les comptes courants de particuliers ou d’entreprise. Les chiffres des comptes bancaires des entreprises et particuliers, destinés aux opérations du marché de la consommation courante seront simplement suivis du mot euro-drachme, à la place d’Euro tout court. Les mouvements purement financiers, et l’épargne à moyen terme, sont donc automatiquement exclus, du moins dans un premier temps de l’opération de remplacement. Les opérations d’échange entre banques comme entre entreprises peuvent se maintenir telles qu’elles, sauf celles qui concernent les échanges extérieurs, comme on va le voir. La circulation des deux monnaies ainsi confondues, ne peut pas rendre ces mouvements susceptibles de bouleverser l’Economie du pays puisque la masse totale en valeur est équivalente. Il n’y a aucune raison qu’il y ait plus d’inflation après introduction lente de cette monnaie nationale que lors de l’instauration de l’euro. Il faut savoir en effet que l’inflation des prix n’est consécutive qu’à l’augmentation significative de cette masse sur le marché intérieur. Une légère inflation dans n’importe quelle monnaie est d’ailleurs permanente du seul fait de sa circulation. L’inflation fait peur, aux créanciers, à partir d’un certain niveau de dilution monétaire si cette masse en circulation devient excessive. D’où perte de valeur des remboursements des dettes arrivés à échéance. Cette baisse de pouvoir d’achat de la valeur intrinsèque d’une monnaie n’est sensible qu’à un certain degré d’augmentation, seuil impossible à prévoir qui dépend pour le franchir de la vitesse de la circulation monétaire. Le pouvoir d’achat réel est généralement rattrapé par une augmentation des salaires nominaux, suivi par l’augmentation des prix. L’intervention des créanciers prêteurs peut la contenir quand ils peuvent augmenter suffisamment les taux d’intérêt qui dissuadent alors les marchands de poursuivre l’augmentation des prix qui est ainsi un auto-frein à l’inflation. La difficulté est de contrôler la vitesse de ce rattrapage : si elle va trop vite, le rattrapage de la dilution du pouvoir d’achat peut arriver trop tard pour être freinée : elle est entrée dans spirale d’augmentation infernale. Cela a été le cas en Allemagne dans les années 20 quand elle a dû rembourser des dommages de guerres : les créanciers ont reçu des marks en quantité énorme qu’ils ne pouvaient que placer sur le marché allemand. Ce qui a été fait trop brutalement : le cercle vicieux inflation et rattrapage par les prix et par les salaires a été arrêté quand les alliés ont accepté un moratoire sur cette dette pour ensuite effacer définitivement ce qui restait à rembourser. La fameuse planche à billets qui avait fonctionné à plein a pu ralentir.
Nous ne sommes évidemment pas dans ce cas. Les créanciers ne sont pas tous remboursés en même temps. La masse monétaire et son augmentation si besoin est, par les besoins des banques pour faire face à la demande peut servir à un nouveau prêt correspondant au montant des déficits, et s’il y a lieu, à des investissements. Le « trou » du déficit, se comblera ainsi à chaque instant par l’émission de nouvelles drachmes. C’est exactement ce qui se passe lors d’un nouveau prêt, mais cette fois comme un simple apport de liquidités non grevé d’intérêt. Dans tous les cas la somme réinjectée n’étant pas importante, elle n’est pas susceptible de créer brutalement des mouvements inflationnistes de grande ampleur. D’autre part le gouvernement qui a retrouvé la maîtrise des taux d’intérêt, et le droit de peser sur les niveaux des prix des marchés, sait comment juguler l’inflation. Première réponse : pas d’inflation, le flux monétaire n’ayant pas brutalement changé.
Protectionnisme et dévaluation
Les banques ne pourront pas refuser le remboursement à chaque échéance de leurs créances en euro-drachmes, puisqu’elles ont la même valeur sur le marché national que l’euro qu’elle remplace. Elles seraient bien avisées de ne pas réinjecter aussitôt ces sommes sur le même marché, afin, comme on vient de le voir, ne pas créer une inflation qui leur serait défavorable. Elles pourraient prêter à nouveau une partie des sommes récupérées, pour combler un déficit qui subsisterait, cette fois à un taux raisonnable, sachant que la Banque centrale pourrait le faire à taux très faible. Dans les deux options, les nouvelles liquidités pourraient être réinvesties pour la relance de la machine économique. Les banques risqueraient d'être lésées si la Banque centrale les abandonnait à leur triste sort à la recherche de nouveaux emprunteurs… en drachmes !
Le protectionnisme ?
On voit, que dans le court terme et moyen terme il n’y a aucune déflagration monétaire. Pour que les échanges commerciaux externes se prolongent dans les mêmes conditions qu’auparavant, il suffit que l’Euro subsiste en quantité suffisante dans la Banque centrale pour servir à ces échanges et qu’il ne soit systématiquement remplacé par des dollars que progressivement. La BCE qui procède normalement aux mouvements de fonds des devises dans l’U.E continue à faire des transferts des euros en devises à la même vitesse que l’échange Euro en Euro-drachmes, c’est-à-dire sans à-coups. La masse monétaire ainsi échangée est celle de la masse monétaire en circulation sur le territoire national grecque pour les échanges marchands. Elle est faible – solde de la balance commerciale - par rapport à la masse monétaire en circulation couverte par l’U.E. donc on ne peut, là non plus, apporter aucune perturbation importante dans le système économique. A noter que souvent les entreprises font des échanges de dollars en dollars. La Banque centrale, continue à engranger des Euros au fur et à mesure qu’elle les remplace en Euro-drachmes , étant entendu que pendant ce temps, ceux-ci continuent à avoir cours dans la zone euro.
Dès le début du processus en cours, des accords marchands de Grèce à pays étrangers membres de la zone euro, vont se nouer après évaluation des monnaies nationales, négociés au coup par coup, comme cela existe entre la Chine et les U.S.A pour leurs échanges réciproques bilatéraux. Cela devrait se passer de la même façon hors OMC pour les Euro-drachmes avec les devises des autres pays avec lesquels la Grèce a l’habitude de commercer.
Dévaluation
Il faut faire la différence entre une dévaluation décidée par ce pays dans ces conditions, avec celles dite compétitives, que la France a connues depuis les années 50 à 70 qui avaient lieu sous la pression interne de l’inflation qu’on vient d’évoquer. C’était un simple ajustement pour perte de valeur intrinsèque ce qui n’est pas le cas avec le processus grecque en question puisque l’euro-drachme et l’euro ont la même valeur.
Commençons malgré tout, pour rétablir la balance des paiements, à enclencher la technique de dévaluation, par les pays de la zone euro. On entame alors le processus connu qui protège la production intérieure en s’opposant au dumping social de certains pays mais à un cours fixé nécessairement bas pour ce petit pays qui n’a que peu de ressources naturelles. Ce processus de baisse de cours est annoncé comme léger dans un premier temps, mais devant augmenter de plus en plus, jusqu’à un certain niveau, pour qu’il n’ait pas là non plus de déséquilibre marquant sur la balance des paiements. Le pays commence à mieux exporter dans les pays riches. L’avantage que l’on peut prévoir à terme est la fin progressive des délocalisations éventuelles et la reprise également progressive de la production interne.
Certes un début d’inflation dans le secteur de l’importation d’énergie. Sauf si les importateurs font des efforts sur leur marge, contraints s’il le faut, par les pouvoirs publics. Le prix de l’essence augmenterait un peu, mais les écologistes seront contents devoir cette consommation diminuer en volume. Et surtout, dans un secteur important pour la Grèce, le tourisme y gagnera nécessairement. Mais l’importation totale sera restreinte , et le chômage pourra enfin baisser grâce aux entreprises exportatrices : moins de délocalisation et possibilité de retour de la croissance par un rééquilibrage de la balance des paiements. Toujours de façon progressive on est passé à la troisième et dernière phase d’évaluation officielle internationale de la nouvelle monnaie.
Si les créanciers internationaux menacent de rétorsion (laquelle ?). Il sera facile de leur répondre : on n’a plus guère besoin de vos finances pour maintenir ou même augmenter les liquidités nécessaire à la relance de l’activité. Peut-être pourrons-nous même commencer à vous rembourser certaines dettes à l’avance. Ce qui fait peur aux économistes traditionnels, c’est qu’ils pensent qu'il y a des risques de réactions brutales d’ajustements dans des secteurs fragiles. Or on vient de voir que le processus de sortie de l’Euro doit être conduit sans excès de vitesse.
Le cours international flottant d’une monnaie dépend beaucoup de l’état de l’Economie réelle du pays, du moment et de sa richesse en biens, patrimoine et potentiel de développement. Une devise comme l’Euro n’a pris sa valeur actuelle, devenue excessive, que des années après son introduction. Il fallait en effet que la masse monétaire en circulation soit suffisante pour être significative. Il fallait que sa valeur intrinsèque soit reconnue, en étant susceptible d’acquisition et placements sur le marché intérieur. Il fallait que cette valeur soit garantie par l’Etat. Si l’Euro unique commence à diminuer en quantité, sa valeur étant supplantée par une autre monnaie nationale, si donc elle s’efface petit à petit, cette valeur intrinsèque disparaîtra, par simple manque de présence et par suite de confiance.
Alors qu’actuellement les pays de la zone euros glissent inexorablement vers une grande dépression en se raccrochant désespérément aux basques des banquiers.
La dévaluation officialisée ne serait effective, pour la Grèce dont l’économie est faible à la base (peu de ressources matérielles, faible population) que lorsque que la parité Euro et Euro-drachme aura abouti à un remplacement quasi total de l’euro. Dès lors les autres pays de la zone euro pourront suivre dans l’ordre prévu en concertation au départ selon les nécessités de chaque Economie.
Le spectre de la dévaluation excessive dénoncée par F. ne serait-il pas celui qui ferait le plus peur aux financiers qui verraient la valeur de leurs actifs diminuer, et par là leur puissance prédatrice ?
Enfin, récession ou Croissance ?
La Banque centrale de chaque pays, qui retrouverait le contrôle des taux d’intérêt (à tous niveaux) les imposerait à bas niveau pour accentuer la relance et accompagner la croissance. Celle-ci est au contraire repoussée a actuellement par le processus d’augmentation des taux d’intérêt à chaque nouvel emprunt. Ces mesures sont évidemment proscrites par les traités de l’U.E. qui resteraient simplement valides pour les échanges dans un marché commun : retour aux accords établis en 1986 appelés Acte unique.
On voit que la sortie totale de la zone l’Euro, le remplacement interne de cette monnaie, les accords bi-latéraux, la dévaluation complète ajustée, serait, en dernière phase la voie ouverte à la croissance.
Dans ce scénario où est le cataclysme ? Ce mot veut dire effondrement immédiat. Sur quoi ? sur qui ? On est loin du cataclysme annoncé : davantage de dettes publiques ? Au contraire le service de la dette diminuera, et les remboursements seront plus légers. Protectionnisme ? Léger et négocié dans le système marchand, plus important dans le système financier qui commence à perdre ses actifs en euros. Les économistes (sauf quelques-uns, qui se comptent sur les doigts de la main) n’ont pas détaillé leur scénario. Pour notre part nous avons simplement re-déroulé le processus de l’introduction de l’Euro comme monnaie unique, mais à l’envers, de la cote de 1,35 à un euro à zéro. Jusqu’à sa complète disparition. Et, chacun ayant retrouvé des marges de manoeuvre, relancer l’économie dans un sens favorable au plein emploi, le seul vrai frein à la soi-disant catastrophe annoncée qui reste, tout compte fait, la source première de l’activité, et même, de la prospérité perdue. En macroéconomie cyclique, on prend souvent la conséquence pour la cause. Dans notre scénario il suffit d’agir dans la bonne direction avec comme premier impératif, ne pas laisser les mouvements monétaires dépasser des seuils incontrôlables.
Pour revenir à la nécessaire croissance, seul moyen du retour au plein emploi, nous reprenons la même théorie des mouvements monétaires, donc des liquidités, avec le souci essentiel de maîtriser leur pression afin ne pas dépasser des seuils, dans l’Economie réelle, ce qui va nous lier au keynésianisme. Ce qui est bon pour la Grèce pourra être bon pour la France.

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