Notre système électoral étant donné l’importance de l’abstention peut être remis en question une fois de plus, et par là, notre démocratie. Admettre qu’il n’y a pas d’alternative (le moins mauvais des systèmes paraît-il) est une pensée unique dans le sens où elle ne bénéficie en définitive qu’à quelques oligarchies politico-économiques alors qu’à l’origine la démocratie est censée bénéficier à l’ensemble de la population.
Si l’on en croit la définition de la démocratie athénienne, le pouvoir appartient au peuple et non à une monarchie. La population dans la Grèce antique était à peine celle d’une ville moyenne de nos jours, ce qui rend la comparaison difficile entre cette démocratie et la nôtre. Pays trop grand pour une démocratie directe comme elle l’était en Grèce et l’est encore en Suisse.
De ce fait, il a fallu déléguer ce pouvoir populaire à des représentants intermédiaires, élus par le suffrage devenu universel qu’en 1945 (droit de vote des femmes). Il est quelquefois possible de l’exercer directement lors de référendums et depuis 1962 pour l’élection du Président de la République.
La comparaison est devenue aussi difficile entre le modèle originel et le nôtre parce que la liberté d’expression et d’opposition n’étaient pas la règle à Athènes. Socrate en a payé le prix. De ce fait quand on parle de notre démocratie, on fait implicitement allusion à ces libertés, qui nous viennent en réalité de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en 1789, issue des philosophes des Lumières, plutôt qu’au système de votation des assemblées. Liberté qui figure dans le préambule de notre constitution pour que, inscrite dans le marbre, avec Egalité et Fraternité, on ne puisse que s’en inspirer dans les textes qui suivront pour en donner les règles.
Malheureusement depuis cette époque, on fait l’amalgame entre la démocratie comprise comme gage de liberté, et la démocratie qui donnerait le pouvoir au peuple. Confusion qui est en quelque sorte la source d’une pensée unique.
Il suffit de voir que dans le monde, combien de pays ont adopté le suffrage universel, tout en ayant des régimes totalitaires pour comprendre qu’il faut distinguer le mot et la chose. : c’est la démocratie qui a fait le vote et non le vote qui fait la démocratie.
Notre démocratie représentative s’est dévoyée au point, que certains n’hésitent pas à dire que nous allons aussi vers un régime totalitaire, accaparé par des oligarchies : on lance des processus de consultation, et puis au final, les gens qui ont voté rentrent chez eux, pensent avoir fait leur devoir en ayant eu leur dose d’actes civiques : ils retournent dans leur tranquille petite vie quotidienne et arrêtent provisoirement leurs incantations. Les édiles ont fait semblant de montrer leur ouverture d’esprit, et sont tranquilles pour un certain temps. On sait que les propositions des élus passent le plus souvent à la trappe lors des prises de décision.
Quant au fonctionnement des partis politiques eux-mêmes, il est rarement remis en question, comme si ces instances jouaient toujours le meilleur rôle dans notre démocratie. Le vote, depuis la Constitution de 1962, a surtout permis à des oligarques d’usurper ce pouvoir, plus ou moins au nom de leur compétence.
« Les partis, qui leur donnent l'impulsion et leur servent de cadres, tendaient à devenir plus rigides et exclusifs qu'ils ne l'avaient jamais été. En effet, le caractère inquiétant et exceptionnel des ambitions, de la tactique, des procédés de l'un d'entre eux les portait à s'organiser d'une manière plus ou moins analogue. En outre, la clientèle de chacun s'enflammait surtout de l'aversion ou de la crainte ressentie à l'égard des autres. Il devait résulter de ces diverses conditions une situation dans laquelle aucun parti ne pouvant à lui seul diriger l'État, tous ou plusieurs voudraient se le partager. Cette répartition de la puissance publique entre des rivalités ne pourrait que la paralyser ». (Discours de de Gaulle 7 Avril 1947 Strasbourg)
En donnant la liberté et le droit d’expression à l’opposition dans une démocratie représentative issue des partis politiques, on a toujours à tort légitimé les résultats aussi peu convaincants que lorsqu’ils dépassent à peine la moitié des inscrits.
Il semble important de revenir sur deux questions : la constitution française qui garantirait le bon fonctionnement des instances démocratiques et l’organisation du vote autour des partis politiques d’où sont issus projets de société. Celle-ci est-elle encore appropriée dans une société qui a beaucoup évolué depuis quelques décennies, notamment en ouvrant la porte à la mondialisation ?
La constitution française, bien que de plus en plus fondée sur le pouvoir exécutif (présidentiel), garantissait à l’origine une forme d’un certain équilibre entre les trois pouvoirs traditionnels, mais davantage en faveur du parlementarisme (élection dite à la proportionnelle). Ce système a été jugé inefficace pendant les quatre premières républiques, l’Exécutif n’ayant pas de stabilité. Depuis 1958, 25 révisions ont été apportées à la constitution. La plupart d’entre elles visaient une meilleure répartition des pouvoirs mais les plus récentes en ont définitivement rompu l’équilibre cette fois au détriment du pouvoir législatif, devenu simple chambre d’enregistrement.
La "loi de modernisation" votée en 2008 a fait l’objet de profondes critiques dont vous pouvez, en autres, trouver traces dans les débats de l’Assemblée Nationale. Toutefois, le principal déséquilibre est né le 2 octobre 2000, lorsque la réforme instaure le quinquennat présidentiel, pour renforcer le pouvoir exécutif et l’oligarchie partisane.
Effectuée au nom de la modernisation de la vie publique et d’un meilleur contrôle démocratique donné aux citoyens, elle est, en 2000, essentiellement dictée par des raisons politiques politiciennes à l’approche de chaque élection présidentielle. Associée en 2002 à la modification du calendrier électoral, plaçant les élections législatives dans la foulée de l’élection présidentielle afin de réduire les risques de « cohabitation », l’instauration du quinquennat modifie encore plus la pratique institutionnelle et politique.
Il s’agit de confiscation du pouvoir par les élus de la République qui soutiennent le projet CONTRE l’avis de la majorité des Français comme lors du TCE repris et ignoré par le traité de Lisbonne.
Notre démocratie en choisissant à chaque nouvelle république le droit de vote depuis la Révolution, n’a guère progressé quant à la délégation du pouvoir populaire. Peut-on se passer dans un pays comme le nôtre d’un système de vote où c’est la majorité à une voix près qui remporte ?
Voici comment on pourrait faire évoluer la démocratie dans un sens plus équitable :
- un quota de 50 % des inscrits (et non des votants) devrait être indispensable à la validité des résultats devrait être instauré puisqu’une majorité silencieuse se dessine en dehors du vote lui-même.
- Le vote blanc devrait être comptabilisé et reconnu pour rendre les résultats non seulement légaux, mais légitimes
- la durée des mandats devrait dépendre des résultats obtenus, de façon à sanctionner et non sanctuariser les élus dont la représentativité serait insuffisante.
Pour une véritable “ démocratie participative ” fondée sur une base populaire il faudrait lui donner l’initiative en développant les "réseaux citoyens ” et changer de constitution en donnant une véritable représentativité des classes sociales.
Billet de blog 24 mars 2010
La démocratie en danger
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