Il est parfois des analogies frappantes qui font réfléchir, même si les similitudes historiques sont toujours discutables. En voici une qui se lit comme une « bouteille à la mer » pour générations futures. Après la révolution de juillet 1830 le grand naturaliste Alexandre de Humboldt aurait dit, selon le diplomate et historien libéral Karl August Varnhagen, au philosophe Édouard Gans, hégélien de gauche et professeur à l’université de Berlin, à peu près ceci :
« Croyez-moi, cher ami, mes vœux sont de tout point d'accord avec les vôtres, mais mes espérances sont faibles. Depuis quarante ans je vois à Paris les hommes se succéder au pouvoir ; ils tombent tous par leur propre incapacité ; toujours les nouveaux venus font de nouvelles promesses, mais ces promesses ne s'accomplissent pas, et le nouveau pouvoir tombe à son tour comme les autres. J'ai connu la plupart des hommes du jour, j'ai même été lié intimement avec plusieurs d'entre eux ; il y avait dans le nombre des hommes distingués et bien intentionnés, mais ils ne restaient pas ce qu'ils étaient au début ; bientôt ils ne valaient pas mieux que leurs devanciers, souvent ils devenaient de plus grands coquins encore. Jusqu'à présent, aucun gouvernement n'a tenu parole au peuple, aucun n'a subordonné son égoïsme au bien public. Tant qu'il en sera ainsi, il ne pourra y avoir en France de gouvernement durable. La nation a toujours été trompée, et elle l'est maintenant une fois de plus. Mais elle finira par punir le mensonge et la tromperie, car elle est assez mûre et assez forte pour cela. » (Correspondance de Alexandre de Humboldt avec Varnhagen von Ense de 1827 à 1858, Paris, Bohné, 1860, p. 33-34.)