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Billet de blog 20 septembre 2011

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Frères Bogdanov : après le menton, le bide monumental...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Fébrilement, Igor corna la page de son exemplaire du Guardian, marquant ainsi l’article qui, il en était sûr, allait enfin permettre à son frère et lui de tenir leur revanche. Comme il bondissait de son fauteuil pour aller prévenir Grishka, celui-ci entra dans le bureau : "tu as lu The gardian ?" Cette question, qu’ils posèrent ensemble, rappela une fois encore l’indéfectible perfection de leur gémellité. Igor savait ce que Grishka savait, et ils savaient tous deux ce qu’il leur restait à faire.

Descendus dans la Batcave, ils prirent chacun leur poste. Mentalement, Igor avait déjà produit le plus gros du travail : trouver un titre (L'absurde théorie des extraterrestres destructeurs de notre humanité). Car il s’agirait de cela, démontrer l’escroquerie scientifique d’un article présentant comme probable l’anéantissement de notre race humaine par une race extra-terrestre le jour où celle-ci jugera nocive notre manière de traiter la planète. Et les frères Bogdanoff maîtrisaient deux sujets : celui des extra-terrestres (pour des raisons que nous expliquerons plus tard) et celui de l’escroquerie scientifique, en étant eux-mêmes accusés par le monde scientifique depuis des années lumières.

Vengeance ! Ils pourraient enfin rétorquer que c’est celui qui dit qui est !

“ Mais comment prouver cette supercherie, demanda Igor ?

- Dire que développer une quelconque théorie sur les extra-terrestres en leur absence est une absurdité peut se faire simplement, répondit Grishka par télépathie.

- En appelant au bon sens par exemple ?

- Oui Igor, mais le bon sens n’a rien de scientifique...

- Et nous sommes des scientifiques ?

- Evidemment Igor ! Nous devons donc argumenter et démontrer de manière exhaustive.

- Nous n’en avons pas le temps, Grishka.

- Igor, connais-tu le principe qu’Henri Broch appelle “l’effet-puits” ?

- Oui, Grishka : plus un discours est vague, plus le lecteur a l’impression que le texte est érudit.

- C’est cela !

- ...

- Jargonnons !”

L’article fut parfait et publié sur Le plus. Sa construction mettrait la patience de tout lecteur à genoux. Même HAL, motrice génétique qui servait de bonne aux deux frères, ne pu le lire en entier, essayant, impuissante, de décoder certaines phrases en boucle.

Derrière leur écran, les jumeaux se tinrent aux aguets, prêts à répondre à tout commentaire. En voilà déjà un : “j’y crois pas ! :)))”. Igor cru y déceler une ironie, mais laquelle ? Grishka proposa de la diriger vers l’article du Guardian pour dissiper tout mal entendu.

Deux heures plus tard...

Le signal d’avertissement de sa boîte mail sortit Grishka de sa torpeur. Un nouveau commentaire, cette fois moins énigmatique, rappela le passé supposé d’escroc des jumeaux. Ceux-ci s’y attendaient, l’espéraient même, et ce fut sans sourciller qu’ils y répondirent en se préparant à la polémique.

Deux heures plus tard...

La polémique ne vint pas. Un chaland laissa simplement un message riant de leur présence en ces lieux participatifs. Signe que les frères Bogdanov avaient convaincu ? Ils n’en étaient pas sûrs, et décidèrent d’attendre encore un peu.

Trois heures plus tard...

“Dis donc Igor, crois-tu qu’une barrière cynégétique serait capable de moduler les fréquences binaires nous permettant de recevoir ces bordel à queue de putains de commentaires ?

- Calme-toi Grishka !

- 7 heures ! Ca fait sept heures qu’on attend devant cet Asus pourri qu’un connard daigne commenter notre article. Et tu vois ça : 854 vues ! Avec ses 745, le guignol qui a fait trois pauvres vignettes sur DSK va bientôt nous doubler.

- Mais non, ça va venir, je le sens...

- Bip !

- Ah tu vois ? Lisons : “A propos des extraterrestres, une blague qui va dans votre sens, lors d'un colloque au milieu des années 80... Bla bla bla...” Eh ben, c’est pas mal ça !

- Mouais ! Je te laisse lui répondre. Moi je vais me coucher.”

Le lendemain matin...

“ Salut Igor ! Alors, ça répond ?

- Mfff...ni !

- Hein ?

- ON EST FINI !”

Dépités, déçus, Igor et Grishka Bogdanov comprirent que les terriens ne les méritaient plus. A bord de leur soucoupe - cachée pendant 150 ans à nos yeux trop primitifs pour comprendre - Igor frôla du bout de l’index le témoin à reconnaissance digitale. Le toit du château s’ouvrit, laissant l’engin s’enfuir en un crissement furieux et un éclair glacial. Les frangins allaient retrouver leurs autres clones... sur la planète BOGDA-9.

Deux heures plus tard...

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