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Billet de blog 19 mai 2014

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Présider, c'est communiquer (Par Marie-France Lavarini)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’élection du Président de la République au suffrage universel n’a pas été qu’un bouleversement majeur du point de vue institutionnel. Elu par le peuple, le Président se doit dorénavant de communiquer avec ses électeurs. Si sa légalité provient de son élection et ne peut être remise en cause (sauf manquement très grave à ses devoirs), sa communication est devenue une source importante de sa légitimité. C’est à la mesure de cet enjeu que l’on peut revisiter les trois âges médiatiques de la communication présidentielle : télévision, chaînes d’information continue, réseaux sociaux. Après l’ère du verbe et de l’image, nous sommes entrés dans un nouveau paradigme : celui de la démocratie.fr.

L’irruption de la télévision dans la campagne présidentielle de 1965 et le rôle majeur qu’elle va jouer dans la communication va pousser les hommes politiques à soigner l’image autant que le verbe. Et de la même manière que la télévision a bouleversé la politique dans les années soixante, les chaînes d'information continue suivies du développement massif d'Internet bousculent désormais toutes les stratégies politiques.  Assistons-nous à l'apogée de ce que François Henri de Virieu, journaliste créateur de l’émission L'Heure de vérité sur Antenne 2, appelait la médiacratie? Peut-on considérer Internet comme le lieu d'un débat politique revitalisé ou assiste-t-on au renversement de la nature des liens unissant démocratie et médias? Serions-nous aujourd'hui arrivés à un point de basculement inverse?

La transformation du jeu démocratique sous l’influence du tout media est devenue un enjeu majeur. On peut le déplorer mais c'est bien un fait marquant du 21e siècle : la communication médiatique détermine aujourd'hui en grande partie l’action publique. Ne pas se perdre dans la pure exigence de forme est un enjeu de taille pour nos démocraties, tandis qu'une action publique mal expliquée, mal comprise, est nécessairement rejetée. La démocratie numérique vient désormais questionner toute l’action d’un Président.

La mise en scène du pouvoir par l’image

Au commencement était un sourire, toutes dents dehors, un sourire éclatant. Celui de Jean Lecanuet, candidat centriste à l’élection présidentielle de 1965. Mis en ballotage, de Gaulle se fait violence et accepte d’apparaître à la télévision- interviewé de surcroît. Mieux, de 1958 à 1969, le Président prononcera 62 allocutions radio-tv pour s’adresser directement aux Français et organisera, en moyenne, deux conférences de presse par an. De Gaulle incarnera la République du verbe. Ce sera le premier grand tournant dans la communication présidentielle.

L’arrivée au pouvoir de Georges Pompidou ne fait qu’accompagner ce glissement du verbe vers l'image. Le président se fera filmer à Cajarc conduisant sa voiture puis jouant avec son petit-fils à lire l’horoscope et dévoilera même son intérieur élyséen, décoré façon seventies par les meilleurs designers de l’époque. Accordéon, ski, tennis, maillot de bain, avec Giscard le corps du Président devient lui-même le porte-étendard de la modernité.  Le Président Mitterrand sera lui l’homme des symboles. Le Panthéon. Solutré. La main dans la main de Kohl. Jacques Pilhan et Gérard Colé inventent la maîtrise de l’écriture médiatique où  pour être entendu, il faut être attendu. Quant à la communication de Jacques Chirac, elle reposera essentiellement sur la maîtrise de l'image. Seule la traditionnelle interview du 14 juillet viendra mettre un peu de spontanéité dans ce qui, pour Christophe Barbier demeurera comme "une ère glaciaire" de la communication élyséenne.

A l’assaut de l’agenda médiatique via les chaînes d'information continue

En quelques décennies, on est passé de l’ORTF aux chaînes d’information continue. Personne mieux que Bourdieu n'a décrit "l'effet de réel", c'est-à-dire le fait que "l'image fait croire à ce qu'elle fait voir".  Que dire alors de la répétition en boucle d'une image... Avec l'arrivée de LCI puis d'ITELE et de BFM, la République des médias est inexorablement en marche. Nous entrons dans un nouvel âge de la politique : une société de l'image, où la forme compte autant que le fond. L’apogée des chaînes d’information continue dans le paysage médiatique marque la deuxième grande étape de la communication présidentielle.

Nicolas Sarkozy saura s’en servir, faisant la "météo" politique et imposant aux médias son tempo. A l’accélération de l’information, le Président Sarkozy a répondu… en accélérant. En rupture avec ses prédécesseurs, la caractéristique essentielle de la stratégie de communication de Nicolas Sarkozy tiendra à sa présence permanente dans les médias. La saturation de l’espace médiatique sera sa marque de fabrique, au risque d’asphyxier le "faire" par le "dire". Une hyper-communication pour un hyper-Président.

La démocratie numérique

L’écosystème du Web politique aujourd’hui n’est plus le même que celui des premières années Sarkozy. Le journaliste a perdu le monopole de la fabrication et de la diffusion de  l’information. C’est d’abord sur les réseaux sociaux qu’éclatent les bulles politiques, qui sont ensuite reprises en boucle sur les chaînes d’information continue et influencent directement la grande messe médiatique du journal télévisé de 20h… Les réseaux sociaux ont cette particularité de pouvoir transformer une émotion en information. Avec Facebook et Twitter ce sont des millions de sources d’information qui adressent textes, images et sons, qui informent et commentent. Notre époque vit désormais à l’heure d’un gigantesque système nerveux relayé par satellites et qui se moque des frontières nationales. Il offre une information commune à tous et établit ainsi de nouveaux rapports entre les faits. Aujourd’hui, l’opinion publique, armée de toutes les technologies, bourrée d’informations et des moyens de les décrypter, est désormais un contre-pouvoir direct. Les réseaux sociaux, les sites d’information et le retraitement automatisé de l’information influencent directement le journaliste comme le politique. Nous avons changé de monde. C’est la troisième étape de la communication présidentielle.

Jusqu’à maintenant, Barack Obama est le Président qui, dans ce domaine, a le mieux performé. Le Web 2.0 a pris tout son sens en matière de stratégie politique lors de sa première campagne. Aujourd’hui des millions de personnes reçoivent des messages sur Twitter, sur Facebook, ou des mails du Président des Etats-Unis faussement personnalisés certes, mais qui s’adressent aux gens par leur prénom. La stratégie d'image d’Obama sur le Net s'écrit aussi à coups de photographies. Son fidèle photographe Pete Souza diffuse au monde entier des photos qui saisissent le Président dans les moments historiques comme dans son intimité. La traque de Ben Laden? C'est une image de la cellule de crise qui a fait le tour du monde. Et même si Corinne Lesnes, correspondante du Monde aux Etats Unis, décrit B. Obama davantage comme "un faux cool", la légende est en marche laissant voir un homme tour à tour grave, sympathique, sportif, chaleureux… Comme dans le film L'homme qui tua Liberty Valance : quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende.

En Europe, Matteo Renzi, le jeune Président du Conseil italien, tente de lui emboîter le pas. Ainsi il n’hésite pas à quitter une réunion du G7 à La Haye en postant un tweet : "Fini le G7, maintenant au travail sur nos dossiers". Dossiers qu’il n’hésite pas à photographier et à tweeter à son million d’abonnés. Renzi est le dirigeant européen le plus suivi sur ce réseau social. "La gauche pense que la communication est un gros mot. Pour moi le marketing entendu comme communication est une belle chose", répondait ainsi sans complexe Renzi à Vanity Fair dont il faisait la couverture. Lors de son discours d’investiture qu’il a prononcé décontracté, sans notes, il s’est adressé directement au pays, pas à la classe politique. Bien décidé à secouer le mammouth de la fonction publique italienne, Renzi ose même doubler les syndicats par une consultation directe par internet de tous les fonctionnaires via une adresse : revoluzione@governo.it. A suivre…

Le web Président

A trop vouloir se démarquer de son prédécesseur, le Président François Hollande n’a pas utilisé la communication comme une arme alors même que son quinquennat est percuté de plein fouet par la Web politique.

Y-a-t-il une alternative ou faut-il s’adapter aux conditions particulièrement difficiles de la communication dans un monde d’émotion, d’instantanéité et de transparence permanente? Savoir expliquer la politique aux journalistes est certes nécessaire. Mais est-ce suffisant à l’heure de la communication directe avec les citoyens? Peut-on aujourd’hui faire l’économie de passer d’une communication d’explication "top-down", à une communication de relation avec les Français? Il y a débat. Parions que la réponse ne peut être l’un ou l’autre, mais l’un et l’autre. La communication, comme disent les Anglo-saxons, "is not part of the game, it’s the game". Le défi pour le Président est donc aujourd’hui  - tout en "coiffant les plumes du chef" du monarque républicain à la française -, d’être le premier Web-Président de la Ve République.

* Marie France Lavarini est présidente de l’agence de communication Ella Factory et auteur avec Jean-Yves Lhomeau du livre Une histoire Abracadabrantesque, Abécédaire de la Ve République, chez Calmann Levy.

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